Algérie

En attendant le retour de ses rudes montagnards,L’Ouarsenis reprend espoir.




En attendant le retour de ses rudes montagnards,L’Ouarsenis reprend espoir.
Montagneux, arrosée par une pluviométrie souvent capricieuse, traversée par plusieurs cours d’eau dont l’oued Cheliff, la région de Relizane s’engage résolument dans la voie laborieuse, voire ténue, d’un développement raisonné. Malgré une réelle volonté de bien entreprendre afin d’insuffler un nouvel élan au développement de la région, les populations concernées ne se bousculent pas encore au portillon.
 
Partout, la volonté de bien faire est manifeste. Car contrairement à Mostaganem, sa grande voisine du Nord, la wilaya de Relizane aura fait le choix de privilégier le bon sens à la précipitation. Que ce soit au niveau des villes ou à la campagne, le citoyen peine à comprendre ces choix qui lui donnent l’impression d’une certaine lenteur. Mais pour le visiteur qui prend la peine d’appréhender ces options d’un développement mûrement réfléchi, la réalité est pourtant bien différente. En effet, après les terribles années noires vécues dans leur chair par les populations des villes et surtout des montagnes, il fallait certainement beaucoup de courage et d’abnégation pour remettre tout le monde au travail. Et ramener sécurité et sérénité sans lesquelles toute action humaine n’aurait plus aucun sens. Avec autant de ressources hydriques, la région se contente encore de servir de réservoir à ses gourmandes voisines que sont Mostaganem, Oran et, à un degré moindre, Arzew. Disposant d’un formidable réseau hydrique qui lui permet d’alimenter pas moins de deux grands barrages — le Gargar à l’Est et Essaâda à l’Ouest — ainsi qu’une importante retenue d’eau qu’alimente régulièrement l’oued Cheliff, la wilaya de Relizane dispose d’une capacité de stockage d’un demi-milliard de mètres cubes. Alors que la plupart des villes et villages ne semblent pas trop souffrir du manque d’eau, sa distribution est loin de satisfaire l’ensemble de la population. Notamment au niveau des zones enclavées de l’Ouarsenis où la présence récurrente des alignements de jerrycans laisse deviner la détresse d’une population pourtant parcimonieuse. Lorsque nous quittons la plaine du bas Cheliff, à la sortie est de Djidiouia, nous sommes rapidement happés par les piémonts de l’Ouarsenis. La région, qui semble enfin apaisée, fut le théâtre d’une véritable tragédie dont les stigmates peinent encore à s’effacer des mémoires. Rapidement, le chemin sinueux nous fait prendre de l’altitude. Le paysage est saisissant de contrastes. Aux immensités planes de la vallée du bas Cheliff que prolonge sans détour la plaine de la Mina, succède un relief accidenté que l’homme continue d’entretenir par une agriculture céréalière aux rendements aléatoires. Les orges qui occupent la majorité des terres cultivables annoncent une très faible moisson. Les premières grandes chaleurs auront précipité la montée en épis, raccourcissant drastiquement le cycle cultural. Encastrée entre les interminables mamelons, la minuscule vallée de Chakrara se singularise par une présence affirmée de l’artichaut. La persistance de cette culture ne s’explique que par la disponibilité d’un mince filet d’eau qui prend sa source dans les montagnes. Toutefois, le parfait alignement des plants et l’usage raisonné d’une technique d’irrigation ancestrale ne parviennent pas à pallier la faiblesse des rendements. Initié en partenariat avec un opérateur privé, un ambitieux programme de réhabilitation de cette culture n’aura créé que suspicion et déception. En effet, les performances attendues ne seront pas au rendez-vous. La campagne qui s’achève dans la tourmente aura des conséquences incalculables sur la paysannerie locale. Récemment regroupés autour de la Chambre de l’agriculture, les fellahs, revigorés par l’heureuse expérience d’un chirurgien-dentiste de Ouarizane, décideront de s’organiser en association de producteurs d’artichauts. Car malgré les déboires — le préjudice se chiffrerait à quelques milliards de centimes — qui portent sur des dizaines d’hectares, les paysans de la région ne cachent pas leur volonté de persévérer dans cette culture pour laquelle ils passent pour être les meilleurs du pays. Très exigeant en eau, l’artichaut pourra bénéficier de l’ambitieux programme de mise en valeur des terres actuellement en cours de réalisation. En effet, sur toute l’étendue des plaines, il est loisible de contempler les multiples conduites d’eau à ciel ouvert qui envahissent la campagne. De toutes parts, les buses de différentes tailles et de différents diamètres investissent l’espace agricole. Des ouvriers invisibles semblent s’affairer sans discontinuer afin de livrer aux vergers vieillissants le liquide salvateur. L’ancien réseau de la Mina ayant définitivement rendu l’âme, il fallait mobiliser les moyens pour remettre à flots l’agriculture. La construction durant les années 1970 du barrage de Essaâda — capacité théorique de 225 millions de mètres cubes — n’aura aucune conséquence sur le périmètre irrigué dont les vergers d’agrumes et d’oliviers finiront par s’amenuiser. Confié à une entreprise yougoslave, les travaux ne seront jamais achevés, ne laissant aux rares agriculteurs encore valides d’autres ressources que de puiser dans la nappe salée. Confiée à une entreprise chinoise, la réhabilitation totale du réseau de la Mina est en phase avancée. Elle devrait se traduire par la mise en irrigation de plus de 15 000 ha, dont 7800 constituent le périmètre hérité de la colonisation. Le coût de cette opération s’élèverait à plus de 430 milliards de centimes. De son côté, le périmètre du bas Cheliff, qui sera alimenté à partir de la merdja de Sidi Abed — une retenue d’eau de 50 millions de mètres cubes, dont l’approvisionnement est entièrement assuré à partir du plus long court d’eau du pays — verra sa superficie irriguée passer de 8500 à 14 800 ha. Le coût initial de l’opération est estimé à plus de 260 milliards. Par ailleurs, une vingtaine de forages, équitablement répartis à travers les deux plaines, sont en cours d’exécution. Ce qui devrait assurer une meilleure distribution de l’AEP, notamment pour les populations du Dahra et de l’Ouarsenis. Avec l’apport non négligeable des eaux du Gargar – dont la capacité théorique de rétention est de 367 millions de mètres cubes- qui alimente essentiellement la ville d’Oran, les besoins en eau pour l’agriculture qui s’élèvent à 200 millions de mètres cubes, seront largement assurés. Ce sont incontestablement ces énormes potentialités en eau qui auront encouragé nombre d’agriculteurs à s’investir dans les cultures irriguées. Echaudés par les expériences antérieures, les fellahs sont décidés à prendre en main leur destin. A la toute jeune association des artichautiers, viendront se greffer celles des agrumiculteurs et autres oléiculteurs. Car de tous temps, la gestion de l’eau aura été le principal obstacle à l’exubérance de l’agriculture. Lorsqu’on l’on traverse l’ancien périmètre irrigué dont ne subsistent que quelques parcelles, on ne peut que déplorer autant de relâchement. Des superbes orangeraies, qui jalonnaient la RN5 sur plus de 50 km, ne persistent que quelques parcelles tardivement restituées à leurs propriétaires.
 
Inverser le sens de l’exode
Parfaitement sécurisée par les nombreux postes d’observations qui l’entourent, la petite bourgade de Ouled Yaïche semble plongée dans une interminable somnolence que les premières fenaisons ne semblent nullement perturber. Lorsque nous rejoignons la RN90 qui relie Oued Rhiou à Tiaret, nous sommes impressionnés par la largeur et surtout la qualité de la route dont les travaux de réhabilitation permettent déjà un inestimable désenclavement de Ammi Moussa et Aïn Tarik, nos prochaines destinations. Construite sur la berge gauche de l’oued Rhiou, Ammi Moussa fait figure de métropole au milieu de ces immensités montagneuses. Avec son nouveau et rutilant siège de mairie, sa caserne bâtie sur les vestiges d’un ancien fortin turc, la cité tente de se déployer dans tous les sens. C’est en contrebas, à quelques encablures de la nouvelle cité, que les premières flaques du Gargar prendront forme. L’unique pont qui enjambe la rivière permet de relier Aïn Tarik au Sud et Ramka à l’Est. En raison de sa préciosité, cet ouvrage à l’architecture approximative est continuellement gardé. Pour rejoindre Aïn Tarik, nous longeons la rive droite sur laquelle des fellahs fort entreprenants n’hésiteront pas à installer d’interminables conduites d’eau qui leur permettent de produire les melons et les pastèques, sans doute les plus succulents du pays. Partout où cela sera possible, les jeunes et frêles pousses de ces fruits de saison entament avec détermination leur cycle cultural. Sur un champ en pente douce, un groupe de fellahs s’affaire derrière une botteleuse à mettre à l’abri des foins destinés à nourrir les animaux durant les rigoureux hivers. Notre arrivée à Aïn Tarik coïncide avec la sortie des classes de l’unique lycée. La présence en nombre d’adolescentes est saisissante pour une si lointaine bourgade. En face de l’établissement flambant neuf, une masure totalement défigurée par des grilles métalliques tient lieu de siège à la daïra. Avant d’y pénétrer, nous bavardons un instant avec un garde communal à la tenue altière. Une ample moustache noire barrant un large visage buriné, la taille entièrement cernée par une cartouchière bien garnie, le vieux Mechlouf monte la garde. Rapidement, la discussion prend une tournure inattendue. Dès qu’il entendra le mot « reportage », il exhibera du fond de sa poche une carte militaire parfaitement conservée. Celle de son défunt fils, lui aussi patriote, mort au combat à ses côtés, tout juste après son retour du service militaire. Il venait d’avoir 22 ans. Dans le regard du père, aucune haine, aucune rancœur, aucun remords ne perlait. Une farouche détermination à rester debout par fidélité et par devoir. C’est à peine s’il osera, tout en s’excusant, montrer les multiples cicatrices qui lacèrent son corps. Le chef de daïra qui nous accueille sera impressionnant de sincérité. Originaire de Béjaïa, mais ayant surtout officié à Alger, notamment en qualité de délégué exécutif communal, sous l’éphémère présidence de Mohamed Boudiaf, Amar Tazazarte ne ressemble en rien à un commis de l’Etat. Avec son délicieux accent kabyle, il dira sa fierté d’avoir été choisi pour venir apporter aide et réconfort à des populations qui avaient perdu tout, sauf l’espoir. D’un trait, il égrènera ses réalisations, en seulement 18 mois de présence, tiendra-t-il à souligner. Ici, la moindre initiative prend l’allure d’une véritable prouesse. Car la région n’était pas seulement au bord du chaos, elle en était véritablement l’épicentre. Les rares et somptueuses villas coloniales témoignent encore d’une réelle opulence que cette terre aux apparences trompeuses continue d’offrir. Mais il y a fort longtemps que l’agglomération avait perdu le sens des choses les plus banales. Comme l’absence d’une maternité qui obligeait les femmes à aller accoucher à Ammi Moussa, la puissante rivale distante de 10 km. Un affront pour ces populations où la fierté du lieu de naissance prend une tournure dramatique. Comme le soulignera ce locataire qui nous offrira le couscous pour fêter le branchement de l’électricité après une attente qui aura duré plus d’une décennie. Une des multiples actions à l’actif du chef de daïra. Réalisation qui vient ponctuer une série d’autres, comme l’adduction en eau potable, la réfection de la RN90, l’érection d’une sûreté de daïra, l’acquisition de quatre bus flambant neuf qui permettent à plus de 500 enfants habitant les zones éparses de rejoindre l’école. Mais la daïra de Aïn Tarik, c’est également la commune de Had Chekkala, une bourgade dont la seule évocation sur « internet » renvoie à plus de 260 références. Notamment après la récente déclaration du chef du gouvernement par laquelle ce dernier reconnaît le massacre de pas moins de 1200 personnes lors de la tragique nuit du 4 janvier 1998. Une véritable saignée dont la population locale supportera seule les conséquences. Ce qui se traduira par un exode sans pareil des rares survivants. Une situation qui tend à se stabiliser du fait d’un réel retour de la sécurité et d’une tardive mais salutaire prise en charge dans le cadre d’une réhabilitation des zones désertées. A l’effort entrepris par l’Etat vient s’ajouter celui de la communauté internationale. C’est ainsi que plus de 60 communes de l’Ouest algérien ayant été ciblées par les massacres de civils seront concernées par le programme de réinsertion que coordonne l’Union européenne (UE) pour un montant de 30 millions d’euros. Ce projet, qui est en phase de démarrage, permettra l’achèvement des opérations de réhabilitation déjà engagées, de lutter contre la pauvreté et de relancer des activités productives dans les zones affectées. Cet appui intervient en renforcement des programmes intersectoriels initiés dès 2001 par le gouvernement. Le document de l’UE souligne que les constats relevés sur le terrain dans le cadre de la réhabilitation des zones affectées par le terrorisme mettent en évidence les problèmes à résoudre pour l’atteinte d’une réinsertion durable des populations. Les experts soutiennent avec force que le succès de cette réinsertion suppose la garantie des conditions matérielles de vie. Ajoutant que seule l’adhésion des bénéficiaires et des pouvoirs publics aux actions mises en œuvre serait à même de rendre durable cette réinsertion. Ce projet, qui est fortement attendu tant par la population que par les élus locaux, s’articule autour de la nécessité pour les bénéficiaires de retrouver l’essentiel des moyens de production qu’ils détenaient avant l’exode. Cette réhabilitation est déjà visible au niveau des zones éparses que nous avons visitées. Toutefois, devant le faible engouement que l’opération suscite, notamment chez les fellahs les plus atteints matériellement et psychologiquement, seule une alternative moins manichéenne pourrait aider à déverrouiller les esprits.
 
Ramka peine à rassembler ses enfants
Lorsque nous nous engageons dans la direction de Ramka, nous croisons un convoi militaire. Une présence discrète qui est très appréciée par la population. A seulement 5 km à l’est de Ammi Moussa, c’est déjà la désolation. Hormis un hameau dont tous les habitants s’étaient organisés en groupe de légitime défense, toutes les autres fermes gardent les stigmates d’une destruction que les troupes du sanguinaire Bugeaud et autre Lamoricière ne renieraient point. Mais c’est au moment où nous virons à gauche pour quitter la route de Chlef et nous engager à l’assaut de l’Ouarsenis que la hantise d’une funeste rencontre nous prend à la gorge. Le paysage accidenté se recouvre petit à petit d’une broussaille qui se densifie au grès de notre avancée. En raison de gros et onéreux travaux d’aménagement du chemin de wilaya, l’ancienne route aura totalement disparue sous les coups de boutoir des lourds engins. Arc-bouté sur le volant de son 4x4, notre chauffeur arrive sans peine à se frayer un chemin entre les gravats et les gros blocs de pierre arrachés à la montagne. De part et d’autre de la route, le maquis règne en maître absolu. L’opération de désenclavement en cours devrait coûter pas moins de 20 milliards. Pour une longueur linéaire de 28 km. Son achèvement, prévu pour la fin de l’été, pourrait sortir cette région montagneuse d’une torpeur insoutenable. Jalonnant ce parcours sinueux, les postes d’observation confiés à la garde communale se relayent sans discontinuer. Occupés sans fracas ni ostentation par d’authentiques patriotes, ces lieux de souveraineté et de bravoure n’affichent leur vigilance que par l’emblème national accroché à leurs façades de fortune. Arrivé non sans peine en haut d’un talweg, nous découvrons enfin, blottie sur la rive de Oued Lardjam, la minuscule Ramka. La route en pente qui y mène n’a pas encore reçu la visite des bulldozers. De ce fait, elle nous épargne de la poussière qui nous enveloppait jusque-là et nous permet également de retrouver la précarité et l’étroitesse de l’ancienne route pour mieux mesurer l’effort colossal qui est engagé actuellement pour son élargissement. Encore une série de virages serrés et nous voilà enfin aux portes de Ramka. Que personne n’aura pensé à signaler comme si cela allait de soi. La première impression est la présence de cet immense et sinueux lit d’oued que traverse avec une certaine nonchalance un large filet d’eau. Aux alentours, les hautes montagnes de chênes verts et de genêts, qui entourent l’étroite vallée, renvoient l’image d’un cratère de volcan éteint au fond duquel l’homme aura érigé une citadelle. C’est sans doute grâce à son altitude et la luxuriance de sa forêt que l’agglomération supporte les chaleurs torrides de l’été. C’est à bord d’une vieille Renault Express déglinguée que le chef de daïra ainsi que le maire nous rejoignent. Informé de notre passage, le représentant de l’administration tiendra absolument à nous rencontrer. C’est en sa compagnie que nous ferons un long détour à travers les constructions éparses qui seront érigées pour donner une consistance relative à cette minuscule bourgade. En effet, en contrebas de l’ancien village, de nouvelles constructions ont été dressées. Il y a d’abord cette cité où ont été hébergés les rescapés et autres victimes du terrorisme. Impeccablement alignées, les habitations disposent toutes d’une cour suffisamment spacieuse pour accueillir deux arbres fruitiers. Malgré une relative exiguïté, ces maisonnettes en tuiles rouges ont réussi un laborieux compromis entre l’habitat traditionnel et les nécessités urbanistiques. Un luxe dont les habitants se seraient bien passés. D’autant qu’aux quatre coins de la bourgade, l’autorité aura toléré l’érection de quelques abris où les animaux d’élevage sont parqués à seulement quelques centaines de mètres des habitations. Construites avec des matériaux hétéroclites, ces bergeries de fortune constituent la seule source de revenus. Nos interlocuteurs avouent admettre la présence de ces écuries d’infortune qui défigurent totalement le paysage. Non loin de là se dresse un lycée de 600 places qui mettra sans doute beaucoup de temps avant de faire le plein en pensionnaires. Le chef de daïra, en poste depuis 2001, ne désespère pas de voir un jour l’internat de 200 places trouver locataires. Pour cela, il faudra que les jeunes qui ont entamé leur scolarité à Ammi Moussa ou à Oued Rhiou reviennent. Une alternative que personne parmi nos rares interlocuteurs n’osera envisager. Il est évident que l’érection du lycée de Ramka, même si elle réjouit les rares familles qui continuent d’occuper les lieux, est arrivée trop tard. Car durant les rudes épreuves vécues par les populations de l’Ouarsenis, l’exode rural n’aura épargné aucun des 33 douars qui peuplaient la montagne nourricière. Actuellement, la commune ne compte que 5200 âmes. Lorsqu’on leur demande de nous communiquer les chiffres du recensement de 1987, nos interlocuteurs marquent un temps d’arrêt avant de risquer une réponse. Ce qui est certain, c’est le départ effectif et probablement sans retour des habitants de pas moins de 30 douars. Les dernières initiatives tendant à retourner cette tendance n’auront pas décidé beaucoup de monde. Maire et chef de daïra feront part des négociations entamées auprès des Ouled Tayeb et des Ouled Bouzid — deux tribus composées de plus de 70 familles chacune et pouvant totaliser pas moins de 700 âmes — pour un retour sur les terres tribales. Une opération qui pourrait servir de catalyseur à un processus ardemment souhaité par les autorités locales et centrales. Il est même prévu une aide directe de 50 millions de centimes pour chaque famille. Une somme alléchante qui pourrait ouvrir la voie à toutes les dérives, d’autant que rien ne peut obliger une famille bénéficiaire à retourner, une fois l’argent encaissé, vers des cieux plus cléments.
 
Un écotourisme salvateur
Car comme le souligne à juste titre le projet de l’UE, sans une véritable réhabilitation des structures d’accompagnement, comme les centres de soins, la maternité, les écoles, le logement, il serait illusoire de croire à un retour même symbolique des populations. Les tentatives en cours, si elles ne concernent pour le moment que les tribus dont les terres ne sont pas trop éloignées du centre de Ramka, c’est que, quelque part, on semble tout à fait conscient que pour les tribus qui sont plus lointaines, il faudra plus d’efforts et de temps. D’abord parce qu’elles ont été en partie décimées lors de la dernière décade. Mais en raison également du total dénuement dans lequel baigne encore aujourd’hui la région. Car pour les réconcilier avec leurs terres ancestrales, il faudra bien plus qu’un simple centre de santé, voire une école ou à défaut un transport scolaire. Sans le souligner avec acuité, les experts de l’UE mettent en exergue la nécessité d’un traitement psychologique, qui ne peut être que de longue haleine. Ce qui oblige le recours à une thérapie de groupe à laquelle la participation d’associations de la société civile est fortement recommandée. C’est d’ailleurs un lieu commun que de rappeler que sans l’implication soutenue et désintéressée d’associations nationales, voire internationales, la réinsertion de ces populations risque d’être compromise pour longtemps.Pourtant, les perspectives d’un développement durable ne sont pas moindres. En effet, il faut se souvenir que cette région montagneuse ne manquait pas d’atouts. Ses nombreuses sources et autres cours d’eau, ses forêts denses et nourricières, ses montagnes sauvages constituent des avantages majeurs. C’est en relançant les activités agricoles et artisanales que le décollage sera enfin possible. Mais pour cela, il faudra lever les contraintes structurelles que sont l’isolement — Ramka ne possède pas le moindre relais GSM — l’électrification rurale, une bonne couverture sanitaire et l’adduction en eau potable dont continue de souffrir la région. Un forage est bien en chantier, mais sa livraison tarde à venir. Par ailleurs, un piquage à partir du barrage de Sidi Yacoub a bien été envisagé, mais sa concrétisation est sans cesse différée. Dans un temps pas si lointain, les populations de la région tiraient de substantiels revenus de l’apiculture, de l’élevage de caprins et de la vannerie. La poterie n’était pas en reste grâce à la présence avérée de nombreux gisements d’argile de bonne facture. Autant d’activités qui une fois relancées devraient ouvrir de sérieuses perspectives à un écotourisme salvateur. Cette région qui hissa, au prix d’insoutenables douleurs, le flambeau de la résistance et du patriotisme attend également de la nation, par le biais de ses entreprises publiques ou privées, qu’elle fasse l’effort de venir s’investir dans ces monts de l’Ouarsenis. En y installant de simples centres de repos pour les travailleurs et les fonctionnaires. Ce qui donnera aux derniers artisans de réels débouchés pour les poteries et les couffins tressés avec des feuilles de doum dont la région regorge. Cédé à moins de 100 DA, ce panier ancestral, outre son inégalable esthétique, pourra avantageusement remplacer les envahissants sachets en plastique. C’est à ce prix que le délicieux miel de Ramka retrouvera ses fervents admirateurs.
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