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Efficacité énergétique et innovation


Efficacité énergétique et innovation
Par Chérif Ouabdesselem,Ancien vice-président de Sonatrach, inventeur et ingénieur conseil des maîtres d'ouvrage agréé par le MHULe développement des énergies renouvelables a, jusqu'à présent, fait l'objet de nombreux articles élaborés par des experts en la matière, mais sans pour autant mentionner la nécessité de veiller, en même temps, à réduire les consommations d'énergie dans les bâtiments.En procédant ainsi, ne risque-t-on pas de négliger l'effort indispensable de rentabilisation optimale des énergies renouvelables, au même titre que pour les énergies conventionnelles ' N'est-il pas vrai que l'efficacité énergétique est tout autant requise dans ce domaine, et ce, d'autant plus que les investissements y afférents sont relativement plus élevés (de l'ordre de 1 à 6 pour le solaire, par exemple) 'Ainsi se présente la problématique de l'«efficacité énergétique» dans les bâtiments en Algérie, un domaine que les pays occidentaux s'empressèrent de développer dès le premier choc pétrolier de 1973 grâce à l'innovation et à partir du slogan : «Nous n'avons pas de pétrole, mais nous avons des idées !» Pendant tout ce temps, notre pays se complaisait dans l'aisance générée par la rente, à l'instar de nombreux pays arabes, riches en ressources pétrolières et gazières.C'est ainsi que, d'après l'Indice arabe de l'énergie future (AFEX), la Tunisie, un des pays arabes les plus pauvres en ressources énergétiques, a été classée première en matière d'efficacité énergétique, juste devant le Maroc. Dans son rapport, l'AFEX explique que la «clé de son succès est la solidité institutionnelle alliée à un leadership stratégique et à un personnel compétent, ainsi que son engagement clair pour une amélioration continue à travers le suivi, la révision, et l'ajustement périodiques, ainsi que le renforcement des exigences de l'efficacité énergétique».Et de fait, tout au long du XXe siècle et jusqu'au premier choc pétrolier de 1973, la planète entière n'avait cessé de gaspiller l'énergie dans tous les domaines, notamment dans les bâtiments, ainsi que la protection de l'environnement, et ce, du fait d'un pétrole abondant et bon marché. A partir de cette date, de nombreuses réglementations visant à remédier à cette situation virent le jour en Europe, notamment en Allemagne. Notre pays, quant à lui, a commencé à s'intéresser à l'efficacité énergétique seulement à partir de 1981, en publiant l'instruction ministérielle du 7 mars 1981, traitant de l'isolation thermique dans les bâtiments dans les régions du Sud, dans laquelle furent fixés, notamment, les déphasages thermiques minima à respecter dans la conception des murs de façade et des couvertures.En outre, ce n'est qu'en 1998 qu'une première réglementation thermique (DTR C 3-2) fut établie, et il a fallu attendre jusqu'à 2009 pour que les ministères de l'Energie et de l'Habitat décident de lancer, en partenariat, un programme dit «Eco-Bât», visant à introduire de nouveaux matériaux et systèmes constructifs à Haute performance énergétique (HPE) dans les bâtiments.A noter que, contrairement au cahier des charges dudit programme, ladite réglementation ne dit mot sur la question du déphasage thermique, une donnée pourtant essentielle pour déterminer si un mur de façade présente une inertie thermique suffisante pour réduire sensiblement les flux de chaleur (ou de froid) passant au travers d'une paroi extérieure. Par ailleurs, en dépit de l'importance et de l'urgence à trouver des solutions dans ce domaine, plus de cinq années se sont écoulées sans que le programme «Eco-bât» n'ait apporté une réponse quelconque sur ce sujet.Mais en quoi est-il si important de se préoccuper de l'efficacité énergétique dans les bâtiments 'Selon son dernier rapport publié en décembre 2011, l'APRUE, agence sous tutelle du ministère de l'Energie, a indiqué qu'en 2009 la consommation d'énergie finale a atteint 24,1 millions de Tep.A la même date, le résidentiel et le tertiaire, secteurs comptant le plus de bâtiments, ont représenté 32% de la consommation finale, tandis que le ratio énergie primaire/énergie finale s'est maintenu à 1,75.Sachant que la Tep correspond au pouvoir calorifique d'une tonne de pétrole, en moyenne, et qu'un baril de pétrole pèse 140 kg en moyenne, on en déduit que l'énergie finale consommée par les 2 secteurs sus-visés avait atteint 7,7 millions de Tep, en 2009, correspondant à une énergie primaire de l'ordre de 13,5 millions de Tep, soit l'équivalent d'environ 96,5 millions de barils de pétrole.En conséquence, la performance énergétique de 40%, dans les bâtiments, fixée comme objectif par le ministère de l'Energie, dans son programme de développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, permettrait d'économiser l'équivalent d'environ 38,6 millions de barils/an, d'une valeur de l'ordre de 4 milliards de dollars US/an, soit l'investissement nécessaire pour la réalisation de l'ordre de 100 000 logements/an, à raison de 40 000 $ US/logement, en moyenne.Qu'est-ce qu'un bâtiment à Haute Performance énergétique 'La haute performance énergétique (H.P.E) est une démarche qualitative visant à minimiser les consommations d'énergie de chauffage et de climatisation, ainsi que les dégagements de Co2 dans l'atmosphère, en tirant le meilleur parti de l'inertie thermique de l'enveloppe d'un bâtiment, de la circulation naturelle de l'air intérieur et du rayonnement solaire. Habitat, climat et comportement des occupants constituent ainsi les trois facteurs à mettre en adéquation dans une démarche HPE.Parmi ces facteurs, le plus déterminant est la conception des enveloppes (murs de façade et couvertures), un domaine qui concerne principalement les ingénieurs en génie civil et en thermique des bâtiments, même si ce travail doit s'effectuer en étroite liaison avec les architectes concernés, car la performance sus-indiquée dépend essentiellement du (ou des) matériau et du système constructif utilisés pour les enveloppes.A cet égard, on ne peut que regretter la part marginale accordée au travail des ingénieurs, pour la réalisation du programme «Eco-bât», bien que l'intérêt eût consisté à économiser l'énergie.Les bâtiments dits HPE peuvent être parfois plus chers à construire que d'autres plus conventionnels. Mais en coût global, ils sont en principe beaucoup plus sobres et économiques, car il y sera tenu compte de l'amortissement des coûts additionnels afférents aux dispositions prises pour atteindre la HPE, grâce à la réduction des factures de consommation d'énergie (gaz et électricité).Il en va de même pour le programme «Eco-bât» cité précédemment, dans lequel un seuil de 10% avait été fixé pour les coûts additionnels précités, sauf qu'en matière de besoins bioclimatiques aucun seuil de référence n'y avait été défini, selon la position géographique, l'altitude, la surface, l'usage et la forme du projet, qui constituent autant de facteurs indispensables à la conception d'un bâtiment performant en énergie.En tout état de cause, l'étude thermique réglementaire est loin de permettre une détermination précise de la consommation d'énergie d'un bâtiment, en raison notamment de la complexité du problème. C'est pourquoi toute étude thermique permet uniquement de déterminer si une solution est plus performante qu'une autre.Que faire alors dans ces conditions 'Pour rappel, l'efficacité énergétique revêt plusieurs aspects, notamment :? Isolation thermique des bâtiments? Développement des chauffe-eaux solaires? Généralisation de l'utilisation des lampesà basse consommation d'énergie? Eclairage public performant? Amélioration de l'efficacité énergétique dans le secteur industriel? Promotion du GPLlC et du GN/C? Introduction des principales techniques de climatisation solaireParmi ces sujets, l'isolation thermique de ces bâtiments paraît, de loin, le plus important, aussi avons-nous choisi de le traiter en exclusivité, ce qui, bien entendu, ne veut pas dire que les autres aspects devront être négligés...A l'évidence, les quelques matériaux disponibles sur le marché ne permettent pas d'atteindre la performance énergétique de 40% fixée par les pouvoirs publics.Par ailleurs, nul doute qu'il existe, dans le monde, des systèmes constructifs capables d'atteindre cette performance, mais encore faudrait-il prouver, d'abord par une étude technico-économique et ensuite par la réalisation d'un projet pilote, que ces systèmes peuvent être considérés comme «Innovants» en Algérie, c'est-à-dire permettant de réaliser des bâtiments moins chers et de meilleure qualité que ceux existant dans notre pays.Nous croyons, ainsi, que la clé du problème réside dans le choix d'un système constructif innovant et que celui-ci devrait, systématiquement, faire l'objet de la réalisation d'un projet pilote limité à deux logements : l'un à simple rez-de-chaussée et/ou à un seul étage, et l'autre inclus dans un bâtiment à multi-étages.C'est là, à notre humble avis, que l'Etat devrait prendre des mesures, et ce, sans s'encombrer de considérations d'ordre bureaucratique, qui font perdre un temps précieux, comme c'est le cas pour le programme «Eco-bât», lancé il y a plus de 5 ans et dont on ignore la fin.En cas d'étude technico-économique concluante et de succès avéré, de telles expériences devraient être suivies de contrats de plusieurs milliers de logements. A cet égard, les initiatives prises par les autorités irakiennes qui, après exécution d'un logement pilote, décidèrent, sur-le-champ, de réaliser un projet de 5000 logements identiques, pourraient bien servir d'exemple à suivre (Voir «Blog» dans le site www.texoringenierie.com).En Algérie, Texor Ingénierie, un bureau d'études algérien dirigé par l'auteur de cette contribution, a élaboré une étude technico-économique comparative montrant que l'emploi des matériaux traditionnels (briques et parpaings), permettrait d'atteindre une performance énergétique bien inférieure à celle fixée comme objectif par les pouvoirs publics, et ce, quel que soit l'apport de panneaux isolants (PSE, liège ou autres), dans les limites, bien entendu, requises par les règles de l'art en la matière.Cette même étude propose d'utiliser un système éco-constructif innovant, mis au point par ce même bureau d'études, et capable d'atteindre, voire de dépasser, l'objectif de 40 fixé par les pouvoirs publics, avec un coût additionnel ne dépassant pas 5% du coût nominatif des logements, un chiffre bien inférieur à celui de 20% autorisé par les pouvoirs publics (Voir article dans Algérie Economie du 15-05-2009).De plus, ce système offrirait une meilleure résistance aux séismes et étanchéité des façades, ainsi qu'une réduction des délais de réalisation, de même qu'il ferait la part belle aux matériaux locaux.Pour conclure, nous avons montré qu'un effort pour réduire les consommations d'énergie dans le résidentiel et le tertiaire, répondant à l'objectif de performance énergétique de 40% fixé par les pouvoirs publics, pourrait conduire à un taux de préservation de nos ressources en hydrocarbures dont la valeur équivaudrait à celle de 100 000 logements/an, soit de l'ordre de 25% du coût du programme de logements quinquennal 2014-2019. Un tel résultat prouve, si nécessaire, la rentabilité de l'efficacité energétique à propos de laquelle certains «experts» algériens continuent de s'interroger à ce jour.De plus, cette économie d'énergie constituerait un «Avoir» en hydrocarbures d'une valeur qu'on ne peut considérer comme négligeable. Ainsi le développement durable que notre pays s'est engagé à poursuivre dans sa politique de développement économique et social pourrait-il prendre tout son sens.En outre, dès lors que l'efficacité énergétique requiert un effort d'innovation conséquent, à l'instar des pays européens, et que des bureaux d'études algériens visionnaires ont déjà fait un pas dans cette direction, il n'y aurait aucune raison de ne pas leur accorder une confiance pour la réalisation de projets pilotes, et d'engager ainsi un processus sérieux de développement de l'efficacité énergétique.Mais pour relever un tel défi, il faudrait d'abord combattre la bureaucratie et la corruption, ce qui n'est pas une mince affaire.




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