Algérie

Ecriture au féminin, Le pourquoi et le comment



Interrogations n Y a-t-il une quelconque distinction entre un texte produit par un homme et un autre écrit par une femme ? Quelle différence y a-t-il entre une écriture féministe et une autre dite au féminin ?

L’écriture est d’abord un champ d’expression, un lieu où le sujet, l’auteur, peut se dire en toute liberté et transparence. C’est ainsi une prise de parole. Un déshabillage spontané.
Nadia Sebkhi, poète et romancière, s’engage dans l’écriture seulement pour approcher les mots, les apprivoiser, s’en imprégner et s’en exalter. Il s’agit d’une évasion dans un monde fait de mots. Elle dit d’ailleurs : «L’écriture est une errance dans les mots ; j’aime aller dans la beauté, la sensualité et l’intimité des mots» ; et cette errance est perceptible dans Un amour secret, un roman qui relate une relation passionnelle et pétulante entre une femme et un homme.
L’auteur aime oser dire une intimité, lever le voile sur un érotisme que les exigences de la société s’emploient à refouler, c’est-à-dire elle aime, par l’écriture, transgresser les tabous, voire défier la société, une société qu’elle considère phallocrate et n’accordant point de liberté à la femme pour parler de ses sentiments et pour se dire dans son intimité. Même la femme, selon Nadia Sebkhi, a le droit d’aimer et d’avoir une intimité.
L’écriture est également pour elle un amusement, un jeu. «En écrivant, dit-elle, je défie l’écriture, je joue avec les mots avec lesquels je peux tout dire sans retenue, ni pudeur ni interdit.» Un jeu allant et suggestif auquel elle aime se livrer et s’adonner pleinement et passionnément. Nadjia Abeer, dans Bab El Kantara, un récit autobiographique, semble, pour sa part, inscrire son écriture dans un processus de remémoration, ce retour à une vie antérieure à son présent, cette remontée par parcelles successives de souvenirs dans un passé heureux et nourri d’espérance et de projets, un passé jeune, ambitieux et parfois naïf, comme pour comparer ces temps d’antan à une existence, la sienne, aux prises avec les vicissitudes du quotidien. L’auteur évoque, en effet, ces années passées à l’Ecole normale de Constantine, ces moments d’euphorie, d’idylliques et d’insouciance.
Ainsi, chez Nadjia Abeer, il y a tout juste ce désir de raconter une histoire, la sienne, et la partager avec le lecteur qui découvre un univers (féminin) dont «le sacerdoce était l’enseignement, la pédagogie et la liberté du mérite».
Enfin, l’écriture pour Nacera Fartas est d’abord un monde qu’elle découvre et explore. C’est un exercice auquel elle s’initie en en faisant une part d’elle-même. L’écriture se présente pour elle comme une envie, un besoin : «Comme je voudrai écrire !» ; «Je m’agite, j’ai envie d’écrire ! Je dois écrire.» En fait, elle écrit, dans La fille de son père, pour rendre hommage à son père, cet oublié de l’histoire, voire de l’Algérie qu’est Mohamed Fartas, connu sous son nom de guerre : Si Mustapha.
L’écriture est aussi pour elle «une envie de vivre, d’être ou tout simplement d’exister». Enfin, Nacera Fartas écrit par défi parce qu’une voix ne cesse de lui dire : «Ridicule ! Oh, oui ! Ridicule que de vouloir écrire ! Et de surcroît écrire un livre ! Qui es-tu pour prétendre à cela ?» De ces écritures découle une envie de raconter une histoire de partage et de rapprochement. Si pour chacune de ces auteurs l’acte d’écrire revêt une signification particulière et personnelle selon, bien entendu, les expériences, il se trouve que cet acte d’écriture laisse, en dépit de l’histoire de chacune, entendre et échapper une voix aux accents féminins, habituée à se faire toute basse ou bien à se taire dans la vie commune qui s’élève, non pas par pugnacité et violence ou encore par esprit de combativité et de rivalité, mais par cette intention de se dire dans et à travers les mots, une intention pure et dénuée de toute symbolique et référence au désir de s’imposer et de s’affirmer comme femme.
L’on parle ainsi d’écriture au féminin, une écriture qui, disant la femme, racontant sa sensibilité et faisant entendre sa voix, s’exprime par opposition à celle que qualifient les critiques de «féministe», une écriture cultivée par nombre d’écrivaines à des fins revendicatives, pour militer – au plan politique et social – en faveur des droits de la femme. Ainsi l’une se dégage de l’autre.
Et à la question de savoir s’il existe une distinction entre une écriture dite masculine et une autre initiée par une femme, il se trouve qu’il n’y a point de différence ni la moindre limite entre elles. Puisqu’il s’agit d’une même écriture sauf que la sensibilité diffère.
«L’écriture est une création, un fait qui n’a ni frontière ni sexe. On écrit pour tout le monde», dit Nadia Sebkhi. Et d’ajouter : «Avec les hommes, l’écriture m’accueille, tandis qu’avec les femmes, je me mêle à elles. L’écriture de l’une complète l’écriture de l’autre. Il y a une complémentarité entre les deux, et les deux se confondent pour constituer un tout.»
Elles ne s’annulent pas. Bien au contraire, elles se complètent et s’enrichissent. L’une accueille l’autre pour se fondre et se confondre dans un même espace socioculturel constituant ainsi un tout.


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