Algérie

5e mandat, des dégâts avant l'heure



S'il y a une malédiction tombée sur la tête des Algériens, c'est bien celle d'un 5e mandat pour un président à bout de souffle et en fin de course. Nul ne sait précisément d'où vient cette diabolique idée, de Bouteflika lui-même, de son entourage ou de ses alliés, mais avant même qu'elle ne devienne réalité, ses ravages sont là, visibles et palpables. La plus lourde des conséquences sera le recul de toutes les institutions sur les réformes à mener pour sortir le pays de sa sclérose et le propulser vers la modernité : les pouvoirs publics ne peuvent plus rien entreprendre de peur d'aller à l'encontre des intérêts du régime politique et de sa reconduction matérialisée par la réélection de Bouteflika.Le 5e mandat est devenu une épée de Damoclès sur la tête de l'Etat qui ne se donne plus comme rôle que de baliser le terrain. Et il le fait avec zèle par la répression de toutes les contestations sociales, les toutes dernières étant celles des enseignants et des médecins résidents et également par le verrouillage de la vie politique en dressant le maximum d'obstacles devant l'opposition. L'Exécutif va plus loin en favorisant les voix des formations politiques et des personnalités qui édulcorent le bilan présidentiel ou qui appellent à un 5e mandat. Les médias publics lourds sont largement mis à contribution.
Souvent, l'Etat en arrive même à se confondre avec des partis alliés au pouvoir politique ; c'est le cas de Ouyahia, Premier ministre et en même temps président du RND. Avec sa double casquette, il est en première ligne pour la «préparation» du 5e mandat, indirectement et semi-officiellement, car la campagne réelle n'interviendra qu'après l'annonce par Bouteflika de son intention de se succéder à lui-même au Palais d'El Mouradia, en principe début 2019. C'est pour cette mission que Ouyahia a été rappelé au poste de Premier ministre : il est exceptionnellement doué pour le travail de domestication de la société qu'il doit faire adhérer coûte que coûte au «projet présidentiel», tout en sachant que Bouteflika se débarrassera de lui une fois «le sale boulot» accompli.
Le chef de l'Etat ne voudra pas s'encombrer de collaborateurs trop impopulaires lorsqu'il devra solliciter le suffrage des citoyens. Ould Abbès, qui piaffe d'impatience de lancer frontalement les troupes du FLN dans la bataille, se contente, pour l'heure, de distiller des appels en faveur du 5e mandat tout comme la multitude de petits partis qui gravitent autour de la galaxie présidentielle. Tout ce beau monde compte conserver ses positions et ses intérêts et nul ne se soucie du coût élevé pour le pays de l'abandon par les pouvoirs publics des réformes politiques et économiques promises par la dernière mouture de la Constitution.
Un abandon qui alimente grandement la contestation de larges pans de la société laissés sans réponse à leurs inquiétudes, livrés à la seule répression policière. L'Algérie reste accrochée à une décision, celle d'un 5e mandat présidentiel qui signifiera la reconduction d'un système honni. Une décision suspendue dans l'air, prise mais sans l'être officiellement, créant un flou désastreux, susceptible même d'être remise en cause ou annulée par le fait de la loi biologique ou par le jeu de nouvelles ou d'inattendues alliances politiques. Dans tous les cas de figure, c'est l'Algérie qui trinquera?
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