Algérie

50e anniversaire du congrès de la soummam, Les promesses d’une Révolution



20 août 1956 - 20 août 2006 : cinquante ans après sa tenue, le Congrès de la Soummam n’en finit toujours pas d’alimenter la controverse entre défenseurs et détracteurs de la plateforme de la Révolution algérienne. Le dissensus, loin de se relâcher avec le temps, allait même gagner en intensité au fur et à mesure que le pays sombrait dans la crise sanglante de la décennie 1990.

Par-delà la confrontation mémorielle que se livraient les dirigeants historiques sur le statut par eux conféré au congrès, la réactivation de la polémique devait répondre à un autre dessein : la (dé)légitimation révolutionnaire des acteurs politiques en conflit. Or, si le Congrès de la Soummam s’est vu arraché à son contexte historique et propulsé au-devant de la scène politique, c’est qu’il touche à l’enjeu ultime de la crise : celui de la définition de la nation algérienne. Siège de discordes itératives depuis le mouvement national, cette question a fini, au cours de la « tragédie nationale », par épouser les contours accidentés d’une confrontation obsédante entre deux camps hétérogènes : ceux, d’une part, qui définissent la nation sur un critère communautaire arabo-musulman, et ceux, de l’autre, qui perçoivent la communauté politique sur une base laïque non assujettie à l’impératif de l’appartenance ethnique ou religieuse. On le sait, en ouvrant la communauté politique aux juifs et aux Européens, la plate-forme de la Soummam a opté pour une définition laïque de la nation algérienne. Aussi, en faisant du Congrès de la Soummam et de son principal architecte, Abane Ramdane, la référence fondatrice de la Révolution algérienne, le courant laïc pouvait-il se prévaloir d’une caution aussi précieuse qu’indispensable : la légitimité révolutionnaire. Les adversaires de cette mouvance ne l’entendent cependant pas de cette oreille. En occultant « les principes islamiques » sur l’autel du laïcisme, la plate-forme de la Soummam constitue, selon eux, une déviance doctrinale par rapport à la référence originaire de la Révolution algérienne : la déclaration du 1er Novembre 1954. Si pour les premiers, Abane est un héros qui a su rallier les différentes composantes du mouvement national – des centralistes aux islahistes en passant par les libéraux et les communistes – au FLN, et donner une assise tout à la fois doctrinale et institutionnelle à la Révolution algérienne, pour les seconds, il est un « traître » qui s’est employé à dévier la thawra de son cadre originel arabo-musulman. En effet, ces derniers ne pardonnent pas à Abane la sévérité du jugement contenu dans la plate-forme à l’encontre de l’Egypte, soupçonnée de vouloir clientéliser le FLN. L’actualité du Congrès de la Soummam concerne un autre aspect, non moins saillant, de la crise du système politique algérien : la primauté du politique sur le militaire. Ce fut là l’argument le plus souvent convoqué par les opposants du régime, qu’ils soient laïcs ou non pour dénoncer le pouvoir. En dépit des efforts de rationalité et d’institutionnalisation apportés par Abane à une révolution qui en avait grandement besoin, force est de constater que l’objectif de la primauté du politique sur le militaire est resté lettre morte, le politique n’ayant en définitive peu d’existence propre sans l’appui du militaire. On pourrait en dire autant de la définition libérale de la nation algérienne : une coquille vide. Comme toute instrumentation politique d’un événement historique, celle du Congrès de la Soummam n’a pas évité les anachronismes, loin s’en faut. Tendancieux, ces derniers altèrent la compréhension de l’Histoire sans laquelle il ne saurait pourtant y avoir de modernité politique. Or, cinquante ans après la Soummam, le pays a un besoin impérieux de la première au moins autant que de la seconde.


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