Algérie - Revue de Presse

«Djazaïr’Docs 1» à la Cinémathèque Algérienne Des films qui questionnent notre humanité



«Djazaïr’Docs 1» à la Cinémathèque Algérienne Des films qui questionnent notre humanité
Publié le 05.02.2024 dans le Quotidien l’Expression

Un public nombreux est venu apprécier cinq propositions filmiques aux sensibilités différentes qui racontent chacune une part de notre humanité…

La Cinémathèque algérienne a abrité samedi dernier la projection de cinq courts métrage, superbe cru du projet «Djazaïr'Docs 1», qui est une proposition alternative et complémentaire de soutien à la création documentaire existante en Algérie. «Un projet collectif de production documentaire de création en Algérie porté par la société Nouvelle Vague Algérienne - NVA (Algérie) et l'association Krysalide Diffusion (France). Une belle initiative qui consiste en somme à accompagner la création d'une série de courts métrages documentaires d'autrices et d'auteurs émergents en Algérie. Aussi, les Algérois ont eu le privilège d'assister à l'avant-première de ces films qui devront être diffusés après dans plusieurs villes du pays et notamment dans les différents antennes de l'Institut français d'Algérie, partenaire de cette belle initiative donc. Cinq films singuliers ont été ainsi réalisés par des jeunes et dynamiques réalisateurs dont certains ne sont pas à leurs premiers essais cinématographiques. Des films touchants, bien ancrés dans le réel, souvent tristes mais toujours tournés vers l'espoir d'un renouveau meilleur. Premier film projeté par ordre de passage est «Amani» de Khaled Khemis (19 mn). Le jeune réalisateur a choisi de dresser le portrait d'Amani, une brillante étudiante albinos et malvoyante. Cette dernière est allée au-delà de son handicap pour devenir une femme d'exception. Aujourd'hui, elle poursuit son doctorat en Tunisie. Le jeune réalisateur la filme à l'université à Batna, avec ses camarades, partageant un exercice avec ces derniers qui se couvrent les yeux pour se mettre à la place du non-voyant. «Baraka» de Rima Kerkebane (25 mn) nous livre pour sa part un témoignage poignant d'un immigré subsaharien ayant été accueilli par une famille algérienne.

D'exil et de sonorité
Tout en tissant les cheveux de la réalisatrice croit-on, cette jeune femme se confie sur sa vie de nomade subsaharienne en transit en Algérie, confiant la complicité aussi qu'elle a lié avec sa mère d'adoptien, avec ses voisins qui l'ont sauvée des policiers mais aussi ses déboires et difficultés lorsqu'elle est agressée ou lorsqu'elle tente de traverser les frontières sans argent...le film raconte avec des gestes et des mots tendres cette forme de sonorité qui existe chez nous balayant ainsi les frontières des préjugés sur la réalité africaine mais sans trop la dramatiser, tout en demeurant lucide sur les quelques points amers que continuent à subir les nomades africains pour échapper à leur triste condition. Le dispositif filmique se veut intéressant d'autant qu'il est appuyé par cet échange de texto qui nous parvient sur un écran noir pour connaître la trajectoire de cette femme qui témoigne aussi du danger que ces personnes encourent quotidiennement dans leur traversée clandestine notamment pour arriver en Tunisie...«Clef de sol» (23 mn) de Allia Louiza Belamri s'intéresse, pour sa part, au jeune Wassim, alias le jeune artiste de musique andalouse Jbaliqs qui est partagé entre son amour de son pays et l'envie de partir afin qu'il puisse s'épanouir de son art. La quête de l'inconnu le titille. La réalisatrice le filme marchant à travers la ville d'Alger, errant comme un fantôme, se confiant en voix off, slalomant entre ses dédales, puis chez lui, lui confiant ses peines inavouées, son instrument de musique toujours prés de lui. «Clef de so»ol» est en fait un jeu de mots faisant référence au moyen existentiel qu'il doit trouver pour s'en sortir et se relever malgré tous les aléas de la vie... La musique faisant partie de son environnement, la réalisatrice a choisi d'illustrer les notes de solfège, par étapes dans sa démarche filmique. Ainsi «do» a pour action de filmer son protagoniste de dos, «Ré» pour arrêt de bus, «Mi» pour «you and me», «Fa» pour la perte de son amie «Fatima» et enfin «sol» pour le chagrin qui l'a cloué au sol, en l'atteignant au profond de son âme, le poussant à se plaquer au sol, comme cette image mise en scène dans le film...Entre confidence intime, lecture poétique et musicalité, le film se veut encore plus éloquent par la beauté du silence échangé et les regards chargés d'émotion et de tendresse, la réalisatrice voulant à tout prix aider le jeune artiste à aller mieux, pour se relever et sortir de sa torpeur. Un film qui n'est pas sans rappeler son dernier documentaire «Miao» qui dénonce lui aussi le manque de perspective chez les artistes, en manque de considération et de soutien en Algérie. Ce thème est rejoint par «Ce que l'art ne dit pas» de Mourad Hamla (19 mn), un autre film court qui évoque cette fois de façon frontale, voire brutale, la grosse frustration de l'artiste, laissé pour compte en Algérie, qui finit par faire éclater sa rage, la retourner contre lui, Jusqu'à se faire mal, à force d'être raillé, critiqué, voire même dénigrée.

Musicalité humaine et géographie du coeur
Le film «Ce que l'art ne dit pas» donne à voir et à découvrir la trajectoire de Remdane photographe, Ramzy chanteur et musicien de hard rock et Amina artiste peintre, trois artistes, différents dans la discipline et dans leur démarche. Ils parcourent tout de même des cheminements psychologiques semblables lors de leur activité artistique. «À travers leur parcours, nous allons découvrir ce qui se passe chez l'artiste au niveau psychologique pendant la réalisation de son oeuvre jusqu'arriver à sa forme finale où l'artiste devra faire face à une audience quasi absente en Algérie. «Ce que l'art ne dit pas», est un besoin personnel de faire un film qui dénonce l'hypocrisie du public, et met en lumière la fragilité de l'acte de créer, et la vulnérabilité de l'artiste.» soutient le réalisateur. Tourné à la manière d'un film expérimental, le film mêle fiction au documentaire, rehaussé d'un traitement visuel psychédélique, histoire de bien suggérer ce malaise profond qui bouillonne dans la tête de cet artiste notamment qui crie face à la caméra: «Je ne suis pas un clown, je ne suis pas là pour amuser la galerie ni pour faire du divertissement!»»Un flou artistique, au propre et au figuré qui est mis en espace et en scène pour susciter ce sentiment de gêne et de remise en question chez le spectateur qui réceptionnera cette oeuvre. Enfin, dans un registre totalement différent est le film de Assia Khemici. Cette dernière est sound designer, a choisi Timimoun comme cadre pour raconter cette région enchanteresse tout en se livrant à nous. «J'ai rencontré cette ville dans une expérience de documentaire sonore. Je reviens pour mettre des images sur ces sons. Je rentre à Timimoune par la grande rue principale el Mendjour qui m'appelle encore, où j'entends les voix de l'Hadja Meryama et ses voisines qui, après les travaux du jardin potager, m'accueillent dans leur cercle. C'est une première rencontre avec la culture zénète et une langue qui disparaît faute de transmission.» confie la réalisatrice, qui partage avec nous des scènes du quotidien des gens de cette région, tout en apportant des renseignements instructifs sur cette région, notamment sur l'origine du nom de Timimoun et sur les saints patrons qui la protègent, ses us et coutumes de la ziara, son patrimoine de Ahelill etc. Aussi, Assia fait savoir qu'à l'âge de huit ans déjà elle jouait à enregistrer la voix de sa grand-mère..Un signe qui ne trompe pas. 20 ans plus tard, la réalisatrice devient preneuse de sons. A Timimoune elle rencontre une dame qui ressemble à sa grande mère, qui jadis lui racontait des histoires. Aujourd'hui c'est au tour d'Assia de nous conter l'histoire de cette région et de ses métiers séculaires par amour de la transmission et la passion de nous conter la vie à travers les âges...Un film qui respire la joie et la sérénité et qui clôt cet après-midi sur une bonne note optimiste, d'autant que Aissa Ben Said, le responsable de la société Nouvelle Vague Algérienne, a fait savoir que Djazaïr'Docs rentrera bientôt dans sa deuxième phase de résidence, promettant de revenir l'année prochaine avec de nouveaux films.. wait and see donc!

O. HIND

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