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Développement
Encore faut-il que les signaux de l'Etat procèdent d'une volonté politique armée des outils nécessaires à l'impulsion de l'investissement dans cet arrière-pays, tout en tenant compte de «la réalité socioéconomique et climatique pour en améliorer graduellement l'attractivité et la compétitivité économique».La citation est de Noureddine Bedoui, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, tenue le 16 juillet dernier, à Ouargla, devant les vingt walis et walis délégués du sud.Dans un discours fleuve, le ministre avise : «Le Sud s'impose désormais comme une variable principale de l'équation du développement national.» Pour nombre d'observateurs et activistes de la région, «ces déclarations sont de la poudre aux yeux, les ratés des années fastes sont impossibles à rattraper en temps de crise». Les paroles de Bedoui ont semble-t-il eu l'effet inverse : les jeunes de Aïn Beïda lui ont barré la route vers le siège de la wilaya, estimant qu'«elles n'apaisent en rien un front social bouillonnant et annoncent de nouveaux sacrifices pour la région qui attend avec impatience une stratégie de développement adaptée».AttenteL'impératif de la réduction de la dépendance aux hydrocarbures incite le gouvernement, confronté à la baisse des recettes pétrolières, à réclamer des wilayas génératrices de fiscalité pétrolière à «valoriser les ressources potentielles locales du Sahara pour le décollage de la machine économique nationale». Une tentative d'exploitation de la fiscalité ordinaire via le patrimoine foncier de l'Etat, mais aussi de toutes les ressources énergétiques, minières et hydriques sous-exploitées. Avec le souci écologique de préserver le Sahara d'une exploitation sauvage, 60 ans après le premier forage pétrolier et? les essais nucléaires, Bedoui appelle à redémarrer le train du développement dans une région prédestinée à être agroalimentaire par excellence.GapLe Sud de 2016 ne décolle pas du bas du classement des examens nationaux, il en occupe même les dix dernières places et accuse des carences frappantes en matière de ressource humaine qui se répercutent directement sur la gestion des affaires locales. Un gap que les universités du Sud tentent d'atténuer tant bien que mal.Cette région ne compte aucun CHU ni centre de référence en médecine ; les malades parcourent des milliers de kilomètres pour se faire soigner au nord du pays et surtout en Tunisie, plus accessible. Elle compte la plus grande réserve d'eau de la Terre alors que des villages entiers ont soif ou consomment des eaux saumâtres, tandis que cette ressource fossile est gaspillée. Son tissu de PME/PMI est le plus faible du pays, hormis le secteur des transports, ses universités forment des milliers d'étudiants qui peinent à se faire embaucher dans les zones pétrolières et ses dizaines de centres de recherche scientifique n'arrivent pas à convaincre les décideurs à classer le camelin, le caprin, le palmier-dattier et l'arganier comme ressources stratégiques à valoriser ? l'arganier faisant exception par une recommandation lors de la rencontre du 16 juillet 2016.Ceci au moment où Biskra et El Oued s'imposent comme zones agricoles potentielles fournissant déjà plus de 18% des besoins en maraîchage du pays avec un objectif de 30% à l'horizon 2019, d'après Fatma Mokhtari, sous-directrice chargée du développement de l'agriculture saharienne au ministère de l'Agriculture. Le Sud est «réduit à quémander la création de zones industrielles et de ports secs, des facilitations fiscales et bancaires après 54 ans d'indépendance», a relevé Lotfi Kheirallah, député MSP de Ouargla, lors du débat sur le nouveau code de l'investissement à l'APN. Khaled Hamrouni, PDG de Maghreb Céramique et membre de l'association des opérateurs économiques de Touggourt affirmait récemment «être toujours dans l'attente de la concrétisation de l'octroi du régime dérogatoire prévu par l'ordonnance 01-03 du 20 août 2001 relative à la promotion de l'investissement pour les projets déclarés au-delà de cette date, vu leur implantation dans des zones non développées et classées antérieurement sur la liste des zones à promouvoir, l'extension des avantages fiscaux et parafiscaux, l'allégement des cotisations sociales, la viabilisation des zones industrielles et zones d'activité, la supplantation des câbles électriques aériens par d'autres enterrés pour sécuriser les unités industrielles, développer et moderniser l'infrastructure ferroviaire, équiper et étoffer les services des banques et des douanes et enfin créer la Banque du Sud pour gérer le Fonds du Sud en finançant les projets spécifiques au Sud».Le président de la Fédération des éleveurs de la wilaya de Tamanrasset demande à l'Etat d'«enfin considérer le cheptel des wilayas frontalières comme patrimoine national». Des requêtes qui commencent à dater et sont corroborées par des constats d'experts, tel Mohamed Tounsi, chargé de la mise en ?uvre du programme MEDA dans le Sud qui notait, déjà en 2008, «la faiblesse de l'impact des programmes nationaux et internationaux de mise à niveau sur les PME du Sud et une tendance à la délocalisation vers le Nord de certaines d'entre elles». ModèleDévelopper le Sud pour en faire bénéficier de tout le pays. Au-delà des annonces politiques, les actes sont là pour confirmer que les premières victimes des mesures d'austérité sont les wilayas du Sud. Elles sont littéralement «mises dans une situation de panne», affirme un cadre des finances publiques. La réduction des capacités de dépenses de l'Etat a en effet, un impact direct sur la politique gouvernementale visant la réduction des disparités régionales entre le Nord et le Sud, apparues dans le sillage des révoltes des chômeurs d'abord et des antigaz de schiste plus récemment.Pour les walis du Sud, la pression est à son summum puisque Bedoui les a exhortés à «déroger aux propositions de routine et trouver des solutions innovantes aux problèmes de développement du Sud». Le Sud a longtemps été réduit au statut de sol pourvoyeur d'hydrocarbures, au mieux à l'image folklorique d'un tourisme saharien désormais plombé par le terrorisme. Il se présente autant comme une manne que comme une charge pour le gouvernement. Encore un paradoxe qui endolorit les habitants, poussés à bout par cet attentisme alors que le schéma national d'aménagement du territoire promettait un redéploiement de la population nationale et un développement spécifique du Sud à l'horizon 2030. Feuille de route 'Le recensement général de la population et de l'habitat (RGPH 2008) révèle que le Sud, qui constitue 87% du territoire national, n'accueille que 9% de la population, «un territoire dont le développement reste posé en 2016», d'après Bedoui. Le ministre n'arrive décidément pas à traduire les directives et les nouvelles orientations données à ses commis en feuille de route claire.Hormis sa demande expresse «d'introduire les énergies renouvelables dans la production destinée à l'usage domestique et économique», les modalités de mise en ?uvre de la stratégie de sortie de crise du gouvernement se résument encore une fois à des recommandations, lues à l'issue d'une rencontre qui symbolise paradoxalement «l'échec de l'Etat à assurer un développement harmonieux et respectueux de la nature saharienne», poussant les populations soit à l'exode, soit à des révoltes citoyennes intermittentes. «Désert climatique mais pas humain, le Sahara continue sa saga», pour reprendre Marc Cote.Une saga ponctuée par une situation de crise budgétaire que les assurances du gouvernement n'atténuent pas. Pourtant, «l'Etat continuera de soutenir le Sud pour réduire les disparités en termes de structures publiques et de base, notamment dans les régions frontalières et éloignées», a cependant souligné le ministre de l'Intérieur, alors que la réduction de la dépense publique a directement impacté les projets porteurs d'espoir.La région attend depuis l'indépendance des structures médicales spécialisées, des instituts de formation professionnelle et pour les enseignants, des zones d'activité sindustrielles et d'expansion touristique aménagées et ouvertes à l'investissement, la relance du projet de voie ferrée «boucle du Sud» qui semble bel et bien enterré, au moment où le ministre de l'Intérieur persiste et signe : «Nous avons de grands projets pour les wilayas du Sud, leur réalisation signifie la concrétisation de la plus grande partie du nouveau modèle économique du gouvernement», a-t-il martelé devant les walis du Sud. Or, les directeurs du budget et de la prospective de ces wilayas se heurtent tous les jours au gel pur et simple de projets structurants qui ne risquent pas de voir le jour avant longtemps.Des programmes d'urgence qui s'apparentent plus à des recours s'accumulent sur le bureau du Premier ministre, alors que les orientations préconisent «la valorisation de l'imposition de proximité via le foncier étatique, la taxe de séjour et les recettes patrimoniales qui devront s'aligner sur le cours réel du marché local». Bedoui a mis les walis du Sud devant leurs responsabilités de «gestionnaires de territoires dont les superficies et les charges sont comparables à des pays entiers, notamment par le recours à l'expertise des centres de recherche spécialisés du Sud». Il se lance lui-même le défi d'être assez imaginatif pour gérer un pays-continent. Les doléances des walisLa principale doléance des walis du Sud n'est nullement d'ordre budgétaire. Même si le dégel des projets structurants est évoqué en filigrane, les walis des grandes wilayas du Sud ont axé leurs doléances sur un maître-mot, la décentralisation. Azzedine Mechri, Silmi Belkacem et Saad Agoudjil, respectivement walis de Ghardaïa, Tamanrasset et Ouargla, mais aussi Lakhdar Sedas, wali délégué d'In Salah, ont mis l'accent sur l'urgence de débloquer l'aménagement des zones industrielles de la région, d'élargir les prérogatives des walis en matière d'investissements structurants et surtout d'abroger le recours à la justice pour l'annulation des actes de concession des terrains à usage industriel et agricole.L'objectif étant la facilitation et l'accompagnement. L'assainissement du foncier destiné à l'investissement est un écueil dans ces wilayas où une gestion par à-coup a contribué à la dilapidation des terrains domaniaux, mettant en péril toute politique de relance des investissements publics et privés.
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