Algérie

Des événements de Berriane, des ferments de l?émeute et du silence des intellectuels...


Parmi les facteurs à l?origine des événements de Berriane (Ghardaïa), et bien avant l?envenimement de la situation, il y aurait eu des rumeurs colportées par nombre de citoyens du M?Zab faisant état de certains écrits tendancieux, les qualifiant à tort de Kharidjites, causant ainsi un grand préjudice aux Mozabites.C?est du moins ce qui a été rapporté à propos de certains manuels douteux d?instances pédagogiques de l?Education nationale, vraisemblablement, et qui a incité, entre autres personnalités, le Dr Lakhdar Medbouh, à saisir officiellement les organismes concernés afin qu?ils puissent procéder, au plus vite, à la rectification nécessaire de cette « bourde », signalée, plus précisément dans le nouveau programme de philosophie des classes terminales du cycle secondaire, laisse-t-on entendre.Cette méprise, selon le Dr L. Medbouh, qualifierait les Mozabites de « Kharidjites » (les dissidents de l?Islam) avec toutes les insinuations de « déviationnisme religieux » que cela puisse supposer, taxant notamment le M?Zab de « zone hermétique et intolérante », reprenant, ainsi, un concept d?antan n?ayant absolument rien à voir avec le présent ou la communauté mozabite. Une accusation d?autant plus sournoise et dangereuse qu?elle constitue, une véritable incitation au refus et à la haine de l?autre, susceptible d?encourager les démons des divisions et antagonismes intercommunautaires et régionaux, entre les différentes parties prenantes d?une même et unique nation algérienne pourtant (cf. voir le reportage du quotidien arabophone Ech-chourouq El Youmi du 30/04/2008).Ce qui n?était pas, évidemment, sans accentuer les inquiétudes des Mozabites quant à ces idées préjudiciables à leur encontre, et dans l?air depuis, notamment, l?anathème collé auparavant par les salafistes lors de la célébration du mouloud de l?an 2007, répercutant d?autres différends remontant à l?année 1986... Des voix se sont élevées alors, pour réclamer la sage reconsidération de tous éléments préjudiciables, à la lumière des authentiques enseignements de l?histoire, loin de toutes supputations aventurières, sources de troubles et discordes, et aux fins de prévenir, surtout, toutes éventuelles fâcheuses dérives à l?avenir. Appréhensions qui se sont avérées, hélas, fondées, par la suite. Apparemment, la non prise en considération des inquiétudes et craintes de la population locale par les autorités concernées n?avait fait que favoriser davantage la recrudescence des événements du M?Zab. Avec, cette fois-ci, les violents affrontements signalés par la presse nationale et opposant citoyens de rite malékite (arabophones) et de rite ibadite (mozabites) .Les divers échos de la presse nationale font tous état d?une violence généralisée d?une rare intensité, entre autres, le quotidien El Watan, qui, dans un commentaire alarmiste sur ces déplorables événements, interpelle les consciences à la retenue et concertation pacifiste, et également les autorités, au plus haut niveau, pour un examen lucide des raisons de ce grave dérapage. Extrait : « (...) Ce climat de haine et de confrontation, autrefois latent et contenu (...) apparaît désormais au grand jour depuis ces dernières années à la faveur des transformations politiques, économiques qu?a connues le pays. Des transformations qui se sont accompagnées localement par des phénomènes sociologiques de repli identitaire et de réveil brutal des particularismes culturels et cultuels sur fond de revendications sociales pour plus de justice et un accès plus grand aux bienfaits de la rente pétrolière. Bousculant l?ordre ancestral établi fondé sur une vision communautaire stricte et orthodoxe des relations sociales, la jeune génération de Mozabites (...) accepte mal le statut quasi sectaire dans lequel on enferme leur communauté. Ils revendiquent aujourd?hui le droit à une citoyenneté pleine et entière qui se fait, hélas, dans le désordre, la culture de la haine et de la division. Le boom démographique qu?a connu la communauté malékite locale avec les nouveaux apports venus du Nord, induits par le développement de l?industrie pétrolière, inquiète la communauté mozabite qui voit son espace vital se réduire comme peau de chagrin. Les Mozabites (...) n?ont pas le pouvoir économique, administratif (...) pas plus qu?ils n?ont de représentations dans les institutions de l?Etat à la mesure des espérances et des ambitions des nouvelles élites mozabites.(...) Et la remarque vaut pour toutes (...) les autres communautés qui font la richesse et la diversité du peuple algérien et qui se sentent marginalisées, exclues du développement et de l?accès aux postes de responsabilité et de décision ». (extrait de l?article de Omar Berbiche, « Les racines du mal », in El Watan du 18/05/2008).Le commentateur prend soin d?avertir que faire un tel « plaidoyer », ce n?est pas remettre en cause l?unité nationale ou porter atteinte à ses constances, mais bien au contraire, c?est l?exclusion qui est porteuse de tous les dangers et qui favorise le repli communautaire. Et effectivement, l?indifférence ou la passation sous silence ces types d?exclusions, c?est assurément ce qui fait encourager, le plus, les résurgences des particularismes culturels et cultuels, les replis des ghettoïsations, etc., qui menacent l?unité nationale. C?est pourquoi, l?on n?insistera jamais assez sur la nécessité de remédier, sans répit, à ces « racines du mal » porteuses de mésententes, de haine, de violence, et de division entre compatriotes d?une même nation historique souveraine. Et comment, si ce n?est dans le cadre d?un développement national harmonieux et équitable pour toutes les régions, barrant la route à toute logique de la confrontation et du ressentiment intercommunautaire, en s?attaquant notamment aux causes principales du mal que constituent les injustices sociales criardes, face aux privilèges ostentatoirement affichés, et inégalement soutirés des richesses nationales mal réparties.D?une manière générale, et tenant compte de ses particularités socio-historiques et culturelles spécifiques, la société algérienne contemporaine se doit de progresser et se moderniser dans le cadre d?une dynamique de développement national harmonieux, qui saura, de la sorte, renforcer sa structure anthropo-culturelle et socio-économique évolutive globale, loin de tous spectres de déséquilibres prononcés et de dérapages dangereux. La raison pour laquelle le facteur des inégalités sociales revêt un intérêt de haute importance, dans ce contexte des clivages intercommunautaires, particulièrement au Sud, où des sociétés nationales pétrolières préfèrent à la multitude des jeunes chômeurs locaux, le recrutement de travailleurs, de divers profils, du Nord !C?est en tout cas ce que déplorent, entre autres, certains observateurs, pour qui, le facteur des inégalités sociales, revêt une importance particulière quoique n?étant guère l?élément déterminant dans les conflits « inter-tribaux » de Berriane. Antagonismes opposant de temps à autre, ibadites et malékites, à chaque fois que de menus petits incidents réveillent les démons de la discorde, ne datant pas depuis aujourd?hui. Le doigt étant pointé, le plus souvent, comme mentionné ci-dessus, sur une certaine rumeur pernicieuse, infuse et diffuse au sein de l?opinion publique, accentuant depuis assez longtemps, les échos tendancieux sur le soi-disant « Kharidjisme » des Mozabites. Flash-back, retour en arrière.Selon divers envoyés spéciaux des quotidiens de la presse nationale couvrant largement les récents violents affrontements inter-communautaires de Berriane, les ferments de la discorde étaient dans l?air, depuis les incitations pernicieuses, d?il y a quelque temps, émanant, tout particulièrement, de certains milieux obscurantistes appelant les malékites au « djihad » contre les ibadites, taxés de « kharidjites » et accusés, à tort, d?avoir favorisé le... terrorisme !!! Et c?est suite, dans un premier temps, à la propagation de ces idées calomnieuses, collées au dos des Mozabites, rapporte-t-on, que les événements du M?Zab ont ainsi commencé à prendre de fâcheuses tournures, exacerbées par l?intox, vraisemblablement. Dans un second temps, ce serait le paroxysme des contradictions sociales, des gestions anarchiques et agissements douteux qui auraient alimenté l?explosion de cette violence intercommunautaire : certains avis, tout en évoquant des causes multiples derrière ces affrontements entre citoyens du même bled, reviennent sur l?éventualité d?une manipulation machiavélique, orchestrée principalement par des affairistes maffieux locaux, dont l?irresponsabilité aurait entraîné, hélas, dans les deux camps, décès, blessures et dégâts matériels considérables. Le déchaînement de la violence aveugle, les commerces et habitations saccagés, ayant incité aux déménagements forcés des victimes innocentes, tant mozabites qu?arabophones qui n?aspiraient, pourtant, qu?à continuer à vivre paisiblement, dans leur traditionnelle cohabitation. Tous ne comprenant absolument rien à ce qui est venu subitement perturber leur quiétude et coexistence pacifiste ibadites-malékites depuis des lustres !?Parmi les partisans de cette thèse de la manipulation sournoise, il y a le point de vue du député Abou Bakr Salah, qui, dans son interview au journal arabophone « El Billad » à propos des violents affrontements, et les causes déterminantes de la « fitna » (conflit), a déclaré, que ces dernières étaient certes multiples, mais que tout laisserait croire qu?elles auraient pour principaux facteurs déclenchants « les racines de l?intolérance belliciste attisée par la propagande salafiste sournoise », d?une part, et « les manipulations des affairistes maffieux », d?autre part ! Le député Abou Bakr, dans sa déclaration à El Billad, déplorant la « fitna » et pointant du doigt : « De prime abord, personne ne peut attester de l?existence d?une seule et unique cause principale, et ce qui est certain, c?est l?accumulation de plusieurs éléments qui a conduit à ce qui s?est passé, et qu?on peut certes considérer, d?un certain point de vue de l?opinion locale, ayant un rapport avec la situation mal appréciée d?un développement local stagnant et l?absence notamment de projets d?emplois, causes du reste constatables dans les autres wilayate du Sud, cependant, le constat de l?intensité, de l?acharnement et la barbarie des faits, particulièrement lors des violents heurts et ruées du vendredi écoulé, confirme qu?il s?agit là de l?agissement d?un type de comportement miné par une pensée extrémiste, tout à fait étranger à la société Berrianie et Ghardaouie, qui serait derrière ces événements (...) il apparaît clairement qu?on a affaire ici à un type de pensée inaccoutumé, injecté de l?extérieur pour alimenter la rue par cet extrémisme virulent et d?une telle gravité. (...) C?est un type de pensée qui s?acharne à fouiller dans l?histoire ancienne, en interprétant faussement l?accusation des Kharidjites, collée en permanence au dos des Ibadites dans des livres discriminatoires. Et durant ces dernières années, l?idée persistante s?est répandue, affirmant que la cause du terrorisme en Algérie, ce sont les nouveaux Kharidjites qui en sont responsables, et c?est ainsi que les doigts accusateurs se sont pointés sur les Mozabites. Et à ce propos, je voudrai signaler que durant la période de pèlerinage de cette année, des livres ont été distribués, dans l?aéroport de Médine, à tous les pèlerins en provenance d?Algérie, livres qui parlent notamment des Kharidjites en Algérie, depuis l?Etat Rustumide jusqu?à nos jours, les qualifiant d?ennemis acharnés de l?Islam, sunnite et chiite, et qu?il faut combattre(...) ».D?autre part, à la question l?interrogeant sur l?éventualité des divergences doctrinaires religieuses à l?origine de la « fitna », le député est catégorique : « Cette dimension, Dieu merci, est totalement absente dans les facteurs déclenchants de ces événements. La raison en est que la coexistence pacifiste existe entre des générations d?ibadites et de malékites, et au plus haut niveau chez les anciens où l?on compte, notamment, d?étroites relations parentales, commerciales, de même qu?il y aurait des concertations en matière d?exégèse religieuse au point que des compromis sur nombre de divergences ont eu lieu grâce justement aux vertus de la cohabitation. Par contre, en ce qui concerne la nouvelle génération, on est en présence de formes ostentatoires d?extrémisme des deux côtés, entre ceux qui adoptent l?idéal djihadiste, d?une part, et ceux partisans des idéaux du RCD et du FFS, d?autre part. Ce qui a contribué à alimenté de plus belle les ferments de la « fitna » (...). Ces derniers, dans leurs contestations, vont même jusqu?à s?identifier aux revendications de leurs partis dans leur initiatives de rapports de coordination avec les organisations internationales, particulièrement celles voulant l?ingérence au nom des droits humains (...) ». (propos recueillis par Mohamed Soltani in El Billad du 20/05/2008). Et sur les possibilités relatives aux éventuels remèdes à la crise, le député proposera, entre autres : « Il faut absolument recourir, en premier lieu, à la réconciliation profonde avec l?Histoire en corrigeant et précisant les concepts en vue de parvenir à la consécration de la vérité, et de fait, les Ibadites n?entretiennent aucune relation ni d?ordre conceptuel, ni d?ordre ritualiste religieux avec les Kharidjites, que ce soit dans le passé ou dans le présent, de même qu?ils n?ont rien à voir avec le terrorisme. Et là il faut insister qu?ils ont été exposés au terrorisme et victimes de ses actes, et qu?ils ne sont pratiquement comptables d?aucun acte terroriste, leurs mains n?étant entachées ni du sang des Algériens, ni de celui d?autres. Et il y a lieu en plus, d?inciter les discours des mosquées, et des institutions éducatives, du ministère de l?Education nationale, tout particulièrement, de veiller à être à la hauteur de la mission d?affermissement de la stabilité et coexistence pacifiste fraternelle, en extirpant toute idée incitative au séparatisme et à la provocation de la « fitna ». (propos recueillis par Mohamed Soltani, in El Billad du 20/05/2008). A suivre


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