Algérie

80% des artisans bijoutiers ont changé d'activité Le marché informel de l'or fait sa loi



La section bijoutiers du bureau de wilaya d'Oran de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) a organisé, jeudi à la Munatec de Canastel, une rencontre consacrée aux problèmes auxquels est confrontée cette corporation. Cette rencontre, la première du genre d'une série programmée à travers le territoire national, s'est déroulée en présence de représentants de l'APW, de l'APC, du service de garantie, de l'administration des impôts et du directeur de l'agence Pari sur gage de la BDL. Lors des différentes interventions, il a été notamment question des objectifs que s'assigne l'UGCAA dans le secteur de la bijouterie, à savoir la concrétisation des différentes préoccupations formulées, le développement et l'organisation du marché de l'or et, enfin, oeuvrer pour associer la corporation à la prise de décisions. Le premier à avoir décortiqué la situation des bijoutiers a été Kouider Dani, président de la commission nationale de la bijouterie de l'UGCAA, qui est revenu sur les conditions de création du comité en 2006 et qui s'est installé au niveau de 31 wilayas et qui a, à son actif, deux séminaires et trois regroupements consacrés au marché de l'or. M. Dani a estimé qu'avec l'organisation de cette rencontre, les conditions semblent réunies pour la création d'un comité de wilaya des bijoutiers. Au registre des préoccupations majeures, l'intervenant a cité la formation des bijoutiers sur le plan technique et administratif, la question des équipements qui sont devenus inaccessibles pour les artisans notamment après la disparition des entreprises publiques de distribution qui proposaient un matériel complet à 400.000 dinars. Actuellement, un laminoir coûte un million de DA. A cet effet, Hakim, un artisan bijoutier, a relevé la hausse des prix de certains entrants et leur rareté sur le marché national. C'est le cas de l'acide nitrique, indispensable dans le raffinage de l'or en casse afin de lui ôter tous les alliages pour qu'il puisse être retravaillé. Cette rareté du produit fait que certains artisans fabriquent des bijoux vendus au prix du 18 carats mais qui, en réalité, ne sont qu'à 14 carats, voire moins. Aussi, l'artisan retiendra la rareté du cyanure, indispensable pour le traitement de surface notamment pour donner de la couleur au bijou. De ce fait, on retrouve des bijoux, en dépit de leur forme, qui ne présentent aucun aspect esthétique. Le même intervenant notera que le caladium, prélevé à partir du zinc et autrefois produit au complexe zinc de Ghazaouet, fait actuellement défaut et son prix a grimpé jusqu'à 100 DA la fiole de 50 cl, alors que le litre ne dépassait guère les 50 DA. Ces « entraves » au développement du métier et le poids du fisc sont, selon l'orateur, autant de facteurs de découragement de la grande majorité des artisans, dont 80% ont carrément changé d'activité. M. Dani a considéré, à cet effet, qu'il est inconcevable que l'imposition de l'artisan soit de l'ordre de 12%, alors qu'elle n'est que de 6% pour les commerçants. A ce titre, il dira qu'afin de préserver ce segment producteur de valeurs culturelles, il s'agit d'opter pour l'exonération, comme c'est le cas pour d'autres activités telle la sculpture sur bois ou la dinanderie. Parallèlement, la réactivation des filières bijouterie dans la formation professionnelle s'impose, a encore précisé M. Dani. Au plan de la mercuriale, ce dernier explique l'envolée des prix de l'or ouvragé par une demande plus accrue, une hausse qui n'est nullement due au cours mondial de l'or dont l'once à dépassé les 1.000 dollars, du fait que le marché algérien n'est pas tributaire de l'importation. Actuellement, le prix de l'or ouvragé varie entre 2.200 et 2.300 DA le gramme. Chez l'Agenor, le bijou est vendu à raison de 2.300 DA le gr, contre 1.800 DA il y a 6 mois. Quant au lingot d'un kilo d'or en 24 carats, l'opérateur public le facture à 2.690 DA le gr. En guise de solution, M. Dani préconise d'annuler la TVA fixée à 17% à l'achat du lingot d'or, d'autant qu'elle est incluse lors des frais de poinçonnage fixés à 80 DA le gr. « C'est cette double imposition qui a contraint les artisans à se rabattre sur l'or cassé qui, en l'espace de 6 mois, est passé de 1.110 DA le gr à 1.600 DA avant de descendre actuellement à 1400 DA. Si la TVA venait à être supprimée, le gramme d'or 24 carats coûterait alors 1.450 DA », devait encore souligner l'intervenant. Dans ce contexte, M. Dani a révélé que « depuis le début le l'année, l'Entreprise nationale de l'or (ENOR) n'aurait vendu sur le marché national pas le moindre gramme du précieux métal et qu'elle s'est rabattue sur l'exportation, alors que le ministre de l'Energie et des Mines a, dans une récente déclaration, souligné la nécessité d'écouler la production nationale de l'or sur le marché local ». Pour sa part, le directeur du PSG de la BDL, qui octroie des prêts en échange du dépôt de bijoux à raison de 500 DA le gr, a reconnu que plusieurs clients présentent des bijoux fabriqués à base d'or truqué. De ce fait, et sachant que le bijou représente, dans les traditions nationales, un placement, la déception de ces citoyens est incommensurable. Lors du débat, plusieurs artisans ont pris la parole pour mettre en évidence la prédominance de l'activité informelle dans le secteur. Aussi, devant le recul de l'activité artisanale, et devant une demande soutenue et qui serait de l'ordre de 10 tonnes par an, de puissants opérateurs ont créé une véritable industrie du bijou avec des chaînes de production et des moyens financiers leur permettant d'importer de l'or. Leur nombre serait estimé, selon M. Dani, à une centaine et dont une vingtaine a assis une hégémonie sur le secteur. Pour rappel, la production nationale de l'or, en provenance du gisement de Tamesmassa exploité par l'opérateur australien Gold Mines of Algeria (Gma), détenteur avec Sonatrach du joint-venture Enor d'une licence d'exploration aurifère au sud du pays, est actuellement de 700 kilos annuellement, une quantité appelée à augmenter durant cette année pour atteindre les 3 tonnes. Mais il est dit, dans les milieux proches du marché de l'or, que ce dernier serait sous l'emprise, à hauteur de 90%, par le secteur informel. Sur cette question de fond, le premier responsable de l'ENOR s'est clairement prononcé sur la question en affirmant que le taux contrôlé par le marché parallèle de l'or ne peut être comparé avec un autre pays où l'or est considéré comme une monnaie régie par les règles des autres monnaies. M. Benzerga a indiqué que l'importation d'or de manière illégale provient de plusieurs sources, d'Europe, d'Afrique et même de pays voisins comme la Libye.
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