Algérie - Flore

Délaissée, la forêt algérienne régresse et disparaît



Délaissée, la forêt algérienne régresse et disparaît


Mercredi, c’était le 25 octobre, Journée nationale de l’arbre, à ne pas confondre avec la Journée mondiale de l’arbre qui est célébrée le 21 mars.

Etat des lieux.

L’arbre, à savoir la forêt, par extension la faune et la flore qu’elle abrite et les services qu’elle offre gratuitement, comme la production d’oxygène, et à l’inverse le captage du CO2, la rétention et l’enrichissement des sols, la régulation du climat local et la conservation des ressources hydriques, est donc «fêté» deux fois dans l’année. A chaque fois, c’est l’occasion de mettre en valeur ses nombreux avantages et la nécessité vitale de le protéger.

A travers tout le pays sont organisées, par des associations et les pouvoirs publics, largement relayées par les médias, des rencontres avec des expositions, des conférences et des plantations symboliques d’arbres, dont bien peu du reste ont survécu. Durant ces deux jours, l’alacrité est de mise dans les écoles et les universités alors que pour les institutions publiques, «la fête de l’arbre» est une corvée à laquelle il faut se soumettre.

Cependant, la forêt régresse et «fout le camp», pour reprendre une expression plus triviale, en dépit des nombreux efforts, plans, programmes et financements qui lui ont été consacrés depuis l’indépendance.

Pourquoi ?

Cet été, 53.203 hectares ont été emportés par les flammes, dont 19. 443 (36% du total national) à El Tarf qui a été la plus touchée mais sans grands dommages sur les personnes et les biens.

La chaleur étouffante des 2.800 foyers enregistrés, les images sur les réseaux sociaux et retransmises par les chaînes de TV, la presse qui a rapporté au quotidien les événements dans la période la plus critique de fin juillet à mi-août, ont fait de cet été l’un des plus incendiaires de l’histoire du pays. C’est loin d’être le cas. En 2012, près de 100.000 ha sont partis en fumée, en 1994, 271.000 ha, en 1983, 221.000 ha.

En 1956, au plus fort de la guerre de libération, les flammes du napalm notamment ont emporté 204.220 ha et dans la période coloniale de 1880 à 1960, ce sont 3.875. 559 ha qui ont été détruits par le feu. La forêt couvrait tout le nord du pays pendant l’antiquité. Elle a régressé tout aussi drastiquement pour l’agriculture et l’exploitation du bois pour la marine.

«La forêt reprend ses droits et se restaure naturellement, si on lui en donne la possibilité, c’est-à-dire ne pas entraver le processus de reconstitution», nous explique le Pr Mohamed Bellatrèche, du département foresterie de l’Ecole nationale supérieure d’agronomie (ENSA ex-INA).

Incendies

Autrefois, une parcelle incendiée même accidentellement avait le temps, plusieurs décennies, de se régénérer et de se fortifier avant d’être encore la proie des flammes. Ce n’est plus le cas et avec l’extension des activités anthropiques directes et indirectes, comme le changement climatique par exemple, les flammes passent régulièrement, même trop souvent et inhibent les capacités de régénération.

Il n’y a pas loin de nous de gigantesques incendies de forêt qui ont emporté des milliers d’hectares au Portugal, en Espagne, dans le sud de France et en Corse. Le Portugal est touché chaque année, ce qui ne l’empêche pas de rester le premier producteur mondial de liège, place qu’occupait autrefois l’Algérie. La France mène, depuis deux siècles, une politique forestière qui fait d’elle le premier pays boisé de l’Europe tout en assurant son autosuffisance en bois.

Des efforts humains et financiers ont été déployés depuis l’indépendance pour tenter de ralentir la disparition de la forêt algérienne. Le domaine national forestier vaste de 4,1 millions d’hectares n’est constitué, il faut le savoir, que de 1,5 million ha de forêt, le reste ce sont les maquis avec 2,5 ha et des broussailles. En 1962, le domaine ne comptait que de 3 millions ha et depuis, selon les sources institutionnelles, on aurait planté 1 million ha, y compris le barrage vert.

Chiffre très contesté pas les chercheurs qui ne considèrent pas une parcelle abandonnée et nue comme reboisée. Les professionnels, les experts, les universitaires qui travaillent sur les forêts, relativement aussi nombreux que les autres, rapportent d’un commun accord la situation de notre forêt à un seul problème: le délaissement.

Cette année, le thème sous lequel est placée de la Journée nationale de l’arbre «Tous ensemble pour préserver et reconstituer nos forêts incendiées» est considéré comme du cynisme.


Photo: En dépit des efforts déployés, la forêt régresse

Slim Sadki



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