Algérie - Hommage

Décès de Lucette Hadj-Ali



Décès de Lucette Hadj-Ali


Lucette Hadj-Ali, militante et grand témoin des combats des algériens, est décédée le dimanche 26 mai à l’âge de 94 ans. Elle sera inhumée vendredi prochain au cimetière de la Seyne-sur mer en France.
Tout comme Eveline Safir Lavalette, récemment disparue, elle a légué aux jeunes générations, un opus retraçant son parcours de militante révolutionnaire.
Itinéraire d’une militante algérienne paru en 2011 aux "Editions du Tell" raconte cette femme, enseignante d’Histoire et de Géographie, que rien ne prédestinait à être au cœur d’une lutte pour l’indépendance. La prise de conscience du fait colonial vient lentement mais surement et définitivement.
"Je suis née à Oran en 1920. J’y ai passé toute mon enfance et une partie de ma jeunesse. Par la suite, durant trois ans j’ai suivi des cours à l’université d’Alger. Et pourtant je n’ai jusqu’alors pas pris conscience du fait colonial en Algérie". C’est par ce constat, qui renseigne sur la séparation qui régnait durant l’ordre colonial entre les européens et les
" indigènes" que Lucette Larribère Hadj-Ali commence le récit de son parcours.
D’origine européenne, fille de Jean-Marie Larribère, un pionnier de l'accouchement sans douleur qui avait sa propre clinique à Oran, elle a vécu une jeunesse dans un cocon et n’a découvert " l’autre monde", celui de la réalité coloniale qu’à l’âge adulte.
Dans cette Algérie du début du siècle dernier, la vie à Oran, est celle d’une jeunesse insouciante. Alger, où elle finit par arriver, changera sa vie et imprimera une bifurcation radicale. Elle y découvre des hommes et ces femmes confrontés à toutes les injustices et d’instinct, elle en épouse la cause.
Journaliste à l’AFP puis à Alger Républicain
Après avoir dispensé des cours dans des lycées privés, Lucette est d'abord engagée dans l'Agence France Presse. Elle y rencontre, le militant communiste et auteur de
"La Question", Henri Alleg qui y travaillait comme traducteur. Elle s’engage politiquement. Dès 1943, elle travaille comme journaliste à l'hebdomadaire du Parti Communiste Algérien (PCA), Liberté avant
de rejoindre Femmes d'Algérie, le mensuel de l'Union des femmes d'Algérie (UFA) dont elle deviendra la rédactrice en chef.
Début 1952, Lucette fera partie de la "grande aventure d'Alger Républicain". Organe central des communistes d’Algérie. Une année après le déclenchement de la guerre de Libération, le Parti communiste algérien est dissous, et ses dirigeants activeront aussitôt dans la clandestinité. Celle qui a été la campagne de Bachir Hadj-Ali, poète-militant et figure de proue du PCA, restitue cette difficulté d'être militant algérien sous le joug colonial. Elle restitue cette période difficile où les communistes étaient traqués par la police coloniale sans pouvoir intégrer le FLN qui n’acceptait les adhésions qu’à titre individuel.
"N'ayant pas réussi, en dépit de multiples tentatives, à obtenir du FLN l'incorporation des communistes dans les katibate de l'ALN, le parti se résigna, en juin 1955, à organiser ses propres groupes armés, les "Combattants de la Libération" (les CDL) dont la direction était composée de Bachir Hadj Ali, SadekHadjres, et Jacques Salort", écrit-elle. Ce n'est que le 1er juillet 1956 que les militants du PCA ont pu rejoindre le FLN avec la signature des accords FLN-PCA. "Signatures de Bachir Hadj Ali et SadekHadjeres pour le PCA, d'AbaneRamdane et BenyoucefBenkheda pour le FLN", témoigne encore l’auteure.
De "l’arbitraire" en 1965 à la décennie noire
Après l’indépendance, Lucette Hadj-Ali enseigne et subira les épreuves infligées à son mari, Bachir Hadj-Ali arrêté et torturé en novembre 1965 dans les locaux des services de sécurité. Il le racontera dans un ouvrage, "L’Arbitraire", écrit sur du papier hygiénique à la prison de Lambèse, que Lucette sortira et transmettra à la direction clandestine du PCA. Il sera publié aux Editions de Minuit en mai 1966. Lucette Hadj-Ali ne quittera l’Algérie que durant la décennie noire -les années 90- à la suite de menaces de mort. Elle s’installe à la Seyne-sur-mer, entourée de ses deux fils Pierre et Jean Manaranche et de ses nombreux amis."Ce qui frappe dans le témoignage de Lucette Hadj-Ali, c'est à la fois le courage, la franchise, la sincérité, la simplicité avec lesquels elle parle", relève Abdelkader Guerroudj, ancien condamné à mort de la Guerre d'Algérie, dans la préface du livre.
Au fil de son ouvrage autobiographique, "Itinéraire d'une militante algérienne", cette grande dame témoigne d’une époque où l’on rêvait de liberté et de justice. Les hommes et les femmes qu’elle évoque ont, tous autant qu’elle, rêvé d'un pays libre. Fernand Yveton, condamné à mort puis exécuté, Jacqueline et Djillali Guerroudj, Henri Maillot, Raymonde Peschard…
C’est une grande militante et témoin de la lutte pour l’émancipation des algériens durant le 20ème siècle qui s’en est allée.



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