Algérie

De Palm Beach à Sidi Fredj



De Palm Beach à Sidi Fredj
Palm Beach, une journée de RamadhanAlger-Ouest. Staouéli, Sidi Fredj, Zéralda, Azur-Plage... des endroits où quelques souvenirs presque enfouis m'invitaient à des retrouvailles.Alger, le mardi 8 juillet. Pour des raisons administratives, je me trouvais à Alger en ce Ramadhan 2014. La fatigue de la route ne m'avait pas empêché de vouloir retrouver quelques endroits et, après le ftour avalé à la va-vite, en compagnie de ma famille je pris le chemin d'Alger-Ouest. Staouéli, Sidi Fredj, Zéralda, Azur-Plage... des endroits où quelques souvenirs presque enfouis m'invitaient à des retrouvailles qui, paradoxalement, étaient dénuées de toute émotion.A mon agréable surprise, la circulation était très légère, presqu'inexistante. Normal car, à ce moment même, le Brésil rencontrait l'Allemagne en demi-finale de la Coupe du monde au Maracana. Le stress de l'insupportable circulation des veillées estivales de ce côté-ci d'Alger s'estompa rapidement. J'en étais très content. Heureux même.Arrivés à Palm Beach, nous fûmes, ma famille et moi, étonnés de voir le parking totalement vide. Seulement deux voitures y étaient garées. «Ils viendront après le match» me dis-je content de pouvoir marcher à l'aise à cette heure-ci au mois de juillet à Palm Beach. Un jeune nous aborda à la sortie du parking. «Vous voulez une table familiale'» nous demanda-t-il. Nous répondîmes que non et poursuivîmes notre marche. «Mais qu'ont-ils fait de la plage'» me demanda ma femme, à un moment, d'un air effaré. Ma vue ayant baissé depuis longtemps avec l'âge, je ne puis rien voir avant de m'approcher de la plage et de me pencher sur la vieille bordure de béton. Plus de sable à Palm Beach! La quantité incroyable de grosses pierres amassées tout au long de ce qui reste de la fameuse plage attestait qu'une entreprise de changement avait bel et bien été entamée.Palm Beach n'est plus làDeux futures jetées artificielles, en forme de «T» et aux contours clairement dessinés, étaient en cours de réalisation et nettement visibles. Elles avançaient d'une trentaine de mètres dans l'eau, peut-être même un peu plus. Deux jeunes gens, un thé à la main et matériel de pêche dans l'autre, s'engageaient lentement sur l'une d'elles alors que le marchand de thé qui portait un casque de mineur avec une lampe allumée longeait la ligne de pierres qui étaient entassées tout au long de la mer. Au fond, à droite, une sorte de tersasse non aménagée, et dans laquelle quelques tables et chaises, toutes de couleur blanche, étaient posées sur de la terre nue. Deux familles seulement y étaient attablées.Le spectacle était désolant. La plage semblait défigurée et un silence enveloppait jusqu'au bruit des quelques vagues qui venaient frapper les pierres comme pour les repousser. «Oui, me demandai-je enfin, qu'ont-ils fait de la plage'»Il y a quelques années, de passage au même endroit, j'avais dû quitter les lieux après seulement une demi-heure à cause du bruit et du désordre qui y régnaient. Le sable était impossible à voir à cause des chaises collées les unes aux autres, et les voix les plus diverses, scandant aux rythmes les plus différents, se disputaient à coups de décibels assourdissants l'air de la nuit. On avait l'impression qu'il n'y avait pas de plage et que, à la place, il y avait un souk nocturne où les gens déchaînés se donnaient à coeur joie. La destruction de Palm Beach était visible mais pas encore irréversible. Cette fois, ce n'est malheureusement pas le cas. Tout semble définitivement compromis. Il est possible que l'investissement engagé dans cette plage soit efficient et économiquement rentable pour ceux qui l'ont fait mais tout n'est pas à considérer uniquement du point de vue économique. Les citoyens ont aussi le droit d'avoir de belles plages et d'y accéder librement, sans avoir à payer la chaise imposée par le locataire de la plage ou payer éventuellement une promenade sur une jetée artificielle. Partout dans le monde, il existe de grandes et belles plages publiques desquelles la logique mercantile du libéralisme sauvage a été tenue à l'écart. Il semble que ce ne soit pas le cas à Palm Beach.Sur l'une des terrasses encore désertes, nous prîmes place et passâmes commande et, cette fois encore, nous quittâmes les lieux rapidement car nous avions perdu l'envie d'y rester à cause de la défiguration de l'endroit. Palm Beach n'est plus là!L'hôtel El Riyadh a été venduNous quittâmes Palm Beach sans trop savoir si nous allions vers Staouéli ou Zéralda. Finalement, décidé à revoir une vieille connaissance à moi, je m'engageais sur la route de Sidi Fredj. La dernière fois que je passais par-là, c'était exactement en 2006 et je constatai, à ma grande stupeur, que la route était demeurée la même, inchangée. Tortueuse et mal éclairée, cette route semblait défier l'évolution. Tout près de l'hôtel El Riadh je constatai qu'une trémie avait été creusée. La trémie était étroite et peu éclairée, presque obscure.Arrivé à l'hôtel El Riadh, nous entendîmes une musique qui s'élevait dans le ciel étoilé du célèbre port. Avant la porte d'entrée, je trouvai deux agents de sécurité. Je demandai à l'un d'eux où je pouvais trouver la personne que j'étais venu voir. «Oh, il n'est plus là, me répondit-il avec un long soupir. Cela fait longtemps qu'il n'est plus là!». A mon air étonné, il comprit que je n'étais pas au courant de certains changements. «L'hôtel appartient à des Libanais depuis cinq ans», ajouta-t-il. La musique qui parvenait de l'intérieur prit alors une autre signification et un sentiment de tristesse m'envahit. L'hôtel El Riadh appartient à des Libanais! répétais-je en mon intérieur sans pouvoir dire rien d'autre. Le jeune agent m'indiqua où je pouvais retrouver celui que je cherchais, je remerciai et repartis aussitôt laissant derrière moi une musique qui n'avait pourtant rien de libanais ni même d'oriental. Une musique bien de chez nous, du raï tout simplement. «Vous vous rendez compte' dis-je à ma femme et ma fille, cet hôtel a été vendu!».Il ne fait plus de doute que la politique de tourisme de notre gouvernement a échoué. Qu'elle a même lamentablement échoué et la vente de cet hôtel est si significative dans ce sens, tout comme la destruction de Palm Beach. Que reste-t-il à détruire'Il se faisait tard. Je renonçais à retrouver ma vieille connaissance pour cette fois et pris la route qui donne sur l'autoroute.Sur le chemin du retour, nous avons remarqué que la circulation était devenue importante. Les Algérois étaient enfin sortis après avoir assisté, éberlués, à la défaite historique et incroyable d'un Brésil qu'on nous dit méconnaissable. «Avec un peu de chance, nous aurions pu gagner les Allemands et nous aurons alors battu les Brésiliens» me fit ma fille assise sur le banc arrière. Je ne répondis pas me contentant de penser que, de mon temps, les filles étaient entièrement indifférentes au football. Du Sacré-Coeur à la Grande-Poste, nous mîmes plus d'une demi-heure. Il était pourtant une heure du matin. Tout au long de la rue Didouche, les jeunes discutaient, grands gestes et cigarettes à la main pour la plupart, de la catastrophe brésilienne. «Nous aurions pu remporter la Coupe du monde» fit quelqu'un près duquel nous passâmes lentement et que nous avons eu tout le temps d'entendre à cause de la vitesse à laquelle nous avancions. «Voilà quelqu'un qui pense comme toi!» dis-je à ma fille qui se mit à applaudir.Longtemps, je pensais à Palm Beach et à l'hôtel El Riyadh avant de m'endormir.





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