Algérie - A la une

De chômeurs à chômeurs endettés



Rien que dans la wilaya d'Oran, plus de deux mille jeunes transporteurs ANSEJ seraient en cessation de paiement, selon la représentation locale de l'Union Nationale des Transporteurs. A Béjaïa, le wali accuse carrément un transporteur, dont l'entreprise est financée par l'ANSEJ aussi, d'être derrière la grève des transporteurs pour faire diversion face à ses difficultés de remboursement de son crédit.
L'an passé, un jeune homme outrageusement flambeur a été appréhendé dans un «cabaret» de l'Ouest avec plusieurs millions de dinars dans la boîte à gants de son véhicule. Quand il a été interrogé sur la provenance de cet argent qu'il claquait à tout-va, il a répondu avec beaucoup de désinvolture et quelque arrogance, que c'était' sa part de pétrole ! Et par sa «part de pétrole», il entendait bien évidemment le prêt ANSEJ qu'il avait obtenu pour créer sa petite entreprise !
A l'audition d'un leader de parti politique par le forum des chefs d'entreprises pendant la campagne électorale des législatives passées, un entrepreneur, après avoir dressé un bilan peu reluisant de la formule ANSEJ, a ponctué son intervention par une remarque qui ne manque pas de pertinence :
«Non seulement ils (les porteurs de projets ANSEJ, NDLR) mettent la clé sous le paillasson après quelques mois de laborieuse activité, mais entre temps, ils auront, par la concurrence déloyale, sérieusement mis en difficulté de petites entreprises plus viables dont le seul tort est de se faire tout seuls, parfois en hypothéquant jusqu'à la maison familiale». Parlant toujours des porteurs de projets ANSEJ, quelqu'un de particulièrement inspiré a trouvé cette formule, un peu expéditive en apparence mais assez lucide sur le fond :
«Avant, on avait des jeunes chômeurs, dans pas longtemps, on se retrouvera avec des jeunes chômeurs' endettés»! C'est que sur le fond, la question est d'une étonnante simplicité : au lieu d'aider les jeunes à créer des entreprises, on leur a donné de l'argent. Pourtant, il devait bien y avoir un «dispositif» d'accompagnement, de conseil en management, en comptabilité et en fiscalité qui aiderait les jeunes choisir leur créneau, à créer l'entreprise, à la gérer et pourquoi pas, l'agrandir. Dans les faits, ces jeunes sont livrés à eux-mêmes.
Parfois, ils ne savent même pas quelles sont leurs obligations et surtout quels sont les risques qu'ils prennent à s'endetter à des niveaux aussi importants, eux qui n'ont pour la plupart que leur volonté de s'en sortir. Il est d'ailleurs significatif que les créneaux investis en l'occurrence ne sont ni imaginatifs, ni particulièrement porteurs, ils sont même parfois si saturés que des agences ANSEJ locales arrêtent carrément de délivrer le quitus pour certaines activités. Dans la masse des postulants à ces crédits, il y a bien sûr les roublards qui n'en ratent pas une.
Ils savent la propension de l'autorité publique motivée dans «l'affaire» par des considérations de paix sociale au point d'éventuellement effacer toutes les ardoises. Ils sont aussi convaincus que «de toute façon, ils n'iront pas en prison». Alors, ils prennent toutes libertés, se permettent toutes les folies, et en l'occurrence, le jeune flambeur de l'Ouest en est l'exemple le plus emblématique.
D'autres, plus astucieux, ont carrément transformé le crédit d'«investissement» en crédit auto. La formule est simple, ils s'inscrivent à l'ANSEJ et «bricolent» un projet dont le seul investissement est le véhicule utilitaire et le tour est joué. Dans «l'affaire» toujours, seuls en baveront ceux qui, de bonne foi, travaillent et essaient de rembourser. Certains, assez rares au demeurant, ont réussi.
Il y a les autres, bien évidemment beaucoup plus nombreux, qui triment et angoissent face à un quotidien pas du tout rose et surtout un avenir plus qu'incertain. Il faudra bien faire un bilan de cette opération qui, en dehors de sa mission de faire-valoir ostensiblement étalée à chaque fois que cela s'avère «utile», continue d'alimenter l'actualité plus par les déboires insupportables de certains et l'arnaque réussie des autres que par des exemples de flamboyants aboutissements.


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