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D'Avignon à Maghnia
Après 50 ans de carrière, je suis toujours hanté par le doute?». Une confession prononcée comme une tirade, mais loin des tréteaux,d'Ahmed Benaïssa, rencontré à Maghnia, en résidence de création depuis plus d'un mois.Le comédien a jeté l'ancre dans cette ville frontalière, juste après sa production à Avignon où il joua Haroun, le personnage de Kamel Daoud dans Meursault contre-enquête, adapté pour la scène par Philippe Berling. Un changement de cap que certains pourraient assimiler à de l'absurde, mais que le célèbre homme de théâtre explique sans ambages.«A Maghnia, ville hospitalière, on a trouvé toutes les conditions pour organiser une résidence d'écriture pour de jeunes artistes venus de toutes les parties de l'Algérie. Après une première résidence réussie avec le théâtre régional de Mascara pour la pièce de Ali Abdoun Sid El Halwi, on s'est dit pourquoi pas Maghnia pour monter Nedjma de Kateb Yacine. La suite nous a donné raison.C'était très réussi. Il y a un très beau centre culturel ici et à l'hôtel El Izza, on met à notre disposition une salle de lecture et toutes les commodités, les autorités sont à notre écoute?Tout cela nous a encouragés à revenir et monter dans le cadre de Constantine, capitale de la culture arabe Amour perdu (24 artistes, comédiens et danseurs) d'après un texte de Abdelkrim Gheribi. Je vous rappelle qu'après l'indépendance de l'Algérie, quand on montait une pièce au TNA, on faisait automatiquement une tournée à Maghnia».Une fiction basée sur des pans d'histoire où l'amour d'une femme peut enclencher des batailles sanglantes. Il s'agit, en fait, de Sophonisbe, fille d'un général carthaginois, célèbre pour sa beauté, qui épousa Syphax, roi de Numidie, sur ordre de son père, afin de sceller une alliance entre Carthaginois et Numides.Elle fut auparavant fiancée à Massinissa, autre roi numide rival de Syphax, avant qu'il ne devienne allié de Rome. Ayant le sens du détail, de la précision et la technique du flash-back même dans ses propos, M. Benaïssa nous rappelle : «J'ai un assistant (Ali Abdoun), mais c'est en fait quelqu'un qui m'est complémentaire, qui s'implique. Ce n'est pas le cas des autres metteurs en scène, mais bon?Que ce soit pour Nedjma ou Amour perdu, on y a pensé ensemble, nous avons la même vision des choses?».Puis, insaisissable, il revient à Meursault contre-enquête. «Quand on m'a proposé de camper Haroun dans Meursault?, je leur ai dit : ??ça fait vingt ans que je ne suis pas monté sur scène, je ne vais pas lire le roman de Kamel Daoud, je vais plutôt lire l'adaptation de Philippe Berling pour m'imprégner profondément de l'?uvre?''». Et puis, curieusement, il nous avoue : «Moi, je ne traite pas l'histoire. Avec Ali, on lit et on s'interroge à partir d'un écrit.C'est à partir de là qu'on crée quelque chose de vivant, en essayant dans le doute d'être le plus justes. Possible, sans transmettre de message ou prétendre donner des leçons. Ecoutez, pour étayer ce que je vous dis, par exemple, pour Nedjma, j'ai dit aux comédiens : «Avez-vous lu Nedjma ''' J'étais sûr que 100% ne l'avaient pas lu. Non, nous non plus, je leur disais, nous ne l'avons pas lu, alors on va le lire ensemble et s'interroger, c'est ça l'intérêt du travail?Pour revenir à Amour perdu, c'est une fiction, je vous disais, mais il y a les grands repères de l'histoire. L'école n'a pas joué son rôle, sinon pourquoi c'est maintenant seulement qu'on parle de Bouamama, de l'émir Abdelkader par exemple? ' ça c'est terrible. Mais on ne doit pas s'étonner que d'autres comme Corneil qui a pris Sophonisbe et en a fait une garce dans une pièce, c'est comme ça qu'on reçoit des claques?». La générale de Amour perdu aura lieu à Maghnia, avant une longue tournée sur le territoire national. Une information confirmée par hadj Mohamed Yahiaoui, directeur du TNA.En dehors du fait que la légitimation de Syphax soit indéniable (dixit Benaïssa) et passant du coq à l'âne, en préludant à la fin de notre entrevue, nous avons osé poser une question qui frise l'indécence au metteur en scène : «Aimeriez-vous le théâtre plus que votre épouse '» Ahmed, laissant tomber son costume d'artiste, a répliqué après un long silence : «Je vais quand même vous répondre? Ma femme m'a donné deux beaux enfants qui ont réussi dans leur vie, grâce à elle et à moi aussi. Mais, le théâtre, je l'ai dans la peau depuis mon enfance? Je ne sais pas si ma réponse est convaincante 'Hamdoulillah?» Pudeur de l'homme, ou tirade théâtrale du comédien ' La vérité, on peut, peut-être, douter de sa réponse, sauf de sa sincérité et de sa bonhomie?







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