Algérie

Cyrille Kileba Pok-A-Mes. Directeur du journal congolais The Post




« Le terrorisme ne doit pas transformer l?Afrique en cercueil de l?humanité » Quel impact peut avoir le terrorisme sur les médias et comment ces derniers peuvent-ils exercer en situation de conflit armé ? Nous n?avons pas d?expérience en matière de terrorisme comme l?Algérie. Néanmoins, cela ne nous empêche pas de réfléchir à une telle situation parce qu?aucun pays ne peut être épargné, si l?on se réfère à ce qui se passe actuellement dans le monde. Les conflits sont généralement des situations qui divisent et montent les gens les uns contre les autres. Les journalistes en tant qu?êtres humains ont tendance à se diviser par rapport aux différents protagonistes à être pour ou contre. Mais nous pensons que le rôle des médias n?est pas d?être pour ou contre. Leur rôle est de faire dans la médiation sociale. Il est vrai que les conflits ont tendance à embrigader les médias, mais il est important que ces derniers restent lucides. Pensez-vous qu?il y a de la place à la lucidité et à la neutralité dans une situation de conflit, où le journaliste devient lui-même une cible ou dans celle où il y a une occupation étrangère ? Quelle que soit la situation, le plus important pour un journaliste est d?être convaincu qu?il doit rester indépendant vis-à-vis des idéologies antagonistes, surtout lorsqu?elles expriment des pensées extrémistes. C?est vrai qu?il y a des situations où les médias deviennent cibles dans des conflits. Dans le cas du terrorisme, il est difficile de dissocier les victimes des médias. D?un côté, les terroristes qui veulent les instrumentaliser pour les mettre à leur service. De l?autre, les victimes, consciemment ou inconsciemment, qui tentent de les utiliser au profit de leur cause. Le seul moyen qui permet d?être lucide est le respect permanent de l?éthique et la déontologie. Mais je sais aussi qu?il est difficile, lorsque le journaliste est lui-même victime d?attentat, soit personnellement soit à travers ses proches, et là il va avoir tendance à exagérer ses sentiments. Dans ce cas, la société va lui renier son statut de journaliste, surtout s?il exprime une opinion extrémiste. La région subsaharienne a tendance à se transformer en refuge pour les terroristes. A votre avis, pourquoi spécialement cette zone ? Quelles sont les conséquences qui pourraient en découler ? Le premier aspect de cette question nous amène à l?étiologie du terrorisme, c?est-à-dire les causes de ce phénomène. Les inégalités et les injustices dans le monde ont une influence sur les comportements des peuples. La mondialisation et la globalisation ont ceci de fâcheux : l?élargissement continuel de la distance entre ceux qui possèdent, continuent à posséder et veulent toujours posséder et ceux qui ne possèdent rien. Malheureusement, ceux qui possèdent veulent même le peu qui reste aux pauvres. Lorsque vous entrez dans les relations internationales, vous remarquerez que nos amis du Nord ont tendance à posséder, à nos détriments, nos propres richesses. Petit à petit, ce comportement engendre des frustrations et des comportements extrémistes, comme le terrorisme ou toute autre situation de violence. Parallèlement, à l?intérieur de l?Afrique, la mal gouvernance des Etats a, elle aussi, créé des frustrations au sein des populations. Certains dirigeants privilégient des parties par rapport à d?autres, des tribus par rapport à d?autres, développent des localités dont ils sont originaires au détriment d?autres, aident des ethnies dont ils sont les plus proches et marginalisent les autres, enfin autant d?inégalités qui encouragent l?émergence de situations explosives. Malheureusement, la communauté internationale a toujours tendance à privilégier les droits de l?homme au détriment des droits des peuples. Ce sont tous ces ingrédients qui peuvent expliquer un certain nombre de comportements, comme le terrorisme. Mais il faut tout de suite dire, quelle que soit la cause, le terrorisme ne peut être encouragé. En tant qu?Africains, nous nous sommes toujours vantés d?être le berceau de l?humanité, alors faisons en sorte que nous ne devenions pas le cercueil de l?humanité.

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