Algérie

Crise syndicale et crise politique




La vitalité des syndicats indépendants révèle que la société reste vivante. Pourtant, les résultats restent timides.Après une grève générale en avril, et une autre annoncée pour la mi-mai, les travailleurs algériens abordent le 1er mai dans un état de confusion extrême.       Noyés dans un agenda politique qu?ils ne maîtrisent pas, écrasés par les problèmes socio-économiques, confrontés à un pouvoir qui manoeuvre sans s?attaquer aux vrais problèmes, soumis à un engrenage économique qui broie leur pouvoir d?achat, partagés entre des syndicats très actifs mais non reconnus, et un syndicat complice mais assurant de confortables rentes de situation, ils sont tentés d?aller aux défilés du 1er mai sans savoir où cela les mènera !Plutôt qu?un 1er mai de mobilisation, on risque ainsi, en 1er mai 2008, d?assister à une journée où il sera plus important de savoir où on en est plutôt qu?à des journées de revendication ou de mobilisation traditionnelles. Ce qui explique, au moins en partie, la difficulté des militants syndicaux à donner un sens à une journée qui devrait leur appartenir totalement. D?où, également, la tentation de se recroqueviller dans le pré-carré du syndicalisme, les revendications salariales, seul point susceptible de faire le consensus au sein des groupes les plus actifs au sein du monde du travail. Les syndicats ne peuvent pourtant faire l?économie d?un débat sur le sens de leur action, pour tenter de sortir du cercle dans lequel ils sont enfermés. Jusque-là, ils ont été enfermés dans un syndicalisme de survie, ne parvenant que rarement à passer au stade de la revendication. Non reconnus par un pouvoir qui refuse de les considérer comme partenaires, ils multiplient les actions et consacrent l?essentiel de leur énergie à prouver leur existence et leur implantation. Et quand ils réussissent à mener une action d?envergure, le pouvoir organise une rencontre avec son syndicat, l?UGTA, pour annoncer des mesures en faveur des travailleurs !Quand elles sont prises, ces mesures ne constituent pourtant guère une avancée. Au mieux, elles peuvent être considérées comme un rattrapage partiel de la perte de pouvoir d?achat enregistré depuis plusieurs années. Mais elles ne peuvent en aucune manière représenter une amélioration du pouvoir d?achat. D?autant plus que la seule inflation importée ces deux dernières années, sous l?effet conjugué de la baisse du dollar et de la hausse des prix des produits alimentaires, a débouché sur une forte augmentation des dépenses obligatoires.Un militant syndicaliste avoue la difficulté de dégager une ligne de conduite. « On ne peut mobiliser que sur des thèmes concrets, pour éviter les divisions politiciennes », dit-il. Cela nous oblige à nous limiter à deux revendications centrales : exister en tant que syndicat, être reconnu, d?une part, et demander l?amélioration du pouvoir d?achat, d?autre part ». Cette démarche, reconnaît-il, « a donné peu de résultats jusque là. Mais on ne peut ni l?abandonner, au risque d?éparpillement, ni la maintenir, parce qu?elle nous contraint à perpétuer un syndicalisme sans issue ».La situation est aggravée par l?attitude du pouvoir. Celui-ci ne prend jamais d?initiative. Il se contente de voir venir, de manoeuvrer, de laisser la situation pourrir jusqu?au moment où l?agitation atteint des proportions insoutenables. Alors, il cède, après avoir fait traîner les choses en longueur. Mais une fois l?augmentation de salaires décidée, il faut des mois, voire des années, pour l?appliquer. Dans l?intervalle, les effets de l?inflation auront largement dépassé l?impact de l?augmentation elle-même. Et on se retrouve au point de départ.Sortir le monde syndical de cette impasse s?avère dès lors très difficile. D?autant plus que le symbole UGTA est devenu une organisation complice du pouvoir. Une tendance qui s?est vérifiée jusqu?à la caricature, avec le patron de la première organisation syndicale du pays avouant, devant un tribunal, avoir commis un faux qui a entraîné la perte de sommes faramineuses appartenant aux travailleurs.Ce syndicalisme qui touche le fond se trouve dès lors confronté à un débat de... fond : faut-il continuer à militer pour survivre, pour obtenir quelques acquis précaires, ou faut-il militer pour créer des conditions où le syndicalisme serait non seulement reconnu, mais encouragé, comme moyen de représentation sociale et d?organisation de la société ?Il est évident que le monde du travail ne peut être perçu isolément du monde économique et politique. De même, la crise syndicale ne peut être isolée de la crise politique que subit le pays. Dès lors, les organisations syndicales représentatives ont tout à gagner de l?émergence d?un système qui puisse normaliser la situation politique du pays, créer les conditions de la croissance économique, et considérer les syndicats comme des partenaires et non comme des ennemis : c?est le constat qu?avaient fait il y a un demi-siècle les fondateurs de l?UGTA.

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