Algérie - Revue de Presse


A propos de nos loyers, nos devises et nos droits de consommateurs (*) Il n'est pas de bon escient d'aborder les sujets qui fâchent, surtout à l'heure où le président de la République fait le pompier et tente de reconquérir le coeur des Algériens pour qu'ils aient plus confiance dans leurs institutions. Avec 2.480.877 votants sur 18.760.400 d'inscrits, soit 13% du corps électoral, l'Alliance présidentielle sort bien affaiblie du dernier scrutin. Nous y avons vu (in Le Quotidien du 19/05/2007) un signal fort adressé par les Algériens aux gouvernants : plus de pouvoirs à l'Exécutif, plus d'autorité de l'Etat. L'avant-dernier Journal Officiel (n° 31 du 13 Mai) comporte deux textes importants : - Loi n° 07-05 du 13/05/07 modifiant et complétant l'ordonnance n° 75-58 du 26/06/75 portant code civil; - et le Règlement (de la Banque d'Algérie) n° 07-01 du 3 février 2007 relatif aux règles applicables aux transactions courantes avec l'étranger et aux comptes devises. La première porte sur un sujet épineux : le bail immobilier qui, quelle que soit l'opinion qu'on puisse en avoir, a quand même été traité par les différents organes de législation : «Après avis du Conseil d'Etat; Après adoption par le Parlement», le président de la République «promulgue la loi dont la teneur suit», dit le texte. Pour le cas du Règlement, c'est «Le Gouverneur de la Banque d'Algérie», vu... vu... vu... (et enfin) «Vu les délibérations du Conseil de la Monnaie et du Crédit en date des 9 janvier 2007 et 3 février 2007, promulgue le règlement dont la teneur suit»; l'objet étant de «définir le principe de la convertibilité de la monnaie nationale pour les transactions internationales courantes et les règles applicables en matière de transfert de et vers l'étranger liées à ces transactions ainsi que les droits et obligations des opérateurs du commerce extérieur et des intermédiaires agréés en la matière». Il va sans dire que cette loi touche de près les préoccupations d'une grande majorité d'Algériens (toujours locataires) et que le règlement n'intéressera qu'un 13% d'entre eux ! Qui, même s'ils ont voté, se voient floués car ce texte juridique n'a été débattu qu'en conclave : - par le fameux dit Conseil dans sa séance du 9 janvier, - puis par le ministre chargé des Finances (du fait de l'Article 63 de la Loi sur la monnaie et le crédit du 27/08/03: «Avant leur promulgation, le Gouverneur communique, dans les deux jours de leur approbation par le Conseil, les projets de règlements au ministre chargé des Finances, qui dispose d'un délai de dix (10) jours pour en demander la modification»; - et enfin par le même Conseil dans sa séance du 3 février (puisque, toujours selon ce même article : «Le Gouverneur doit réunir alors le Conseil dans un délai de cinq (5) jours et lui soumettre la modification proposée. La nouvelle décision du Conseil, quelle qu'elle soit, est exécutoire»). Le problème ici est qu'avec la loi sur l'activité immobilière — venant combler des vides juridiques dans nos Codes - l'on a tenu indirectement (par nos représentants nationaux et nos magistrats) de notre avis et qu'en dernière instance le Législateur a mis sur la balance les intérêts contradictoires des propriétaires et des locataires (les producteurs de biens et les consommateurs). Alors que dans les règlements de la Banque d'Algérie - émis par le Conseil - cette «balance des intérêts» n'entre pas en jeu. L'acte de naissance de ce Conseil - comme d'ailleurs l'acte rectificatif (loi sus-citée de 2003) - fait que seule l'union professionnelle des banques (à travers l'ABEF) a droit au chapitre. Les magistrats qui y sont présents, comme nous l'a montré le déroulement de l'affaire Khelifa, ont bien d'autres chats à fouetter que celui de «balancer les intérêts» contradictoires des uns et des autres, des déposants et des collecteurs de fonds et d'épargne. Les droits des consommateurs sont tout simplement bafoués. Le teneur de ce texte (extrêmement important à nos yeux) est discutable même si, en vérité, il ne porte qu'une formalisation juridique des pratiques bancaires courantes (connues de tous les opérateurs). Et c'est peut-être là tout son intérêt. Ses fondements juridiques se trouvent dans les béances de notre législation, de tous nos Codes : notre Code civil par exemple, datant des années Ben Bella, ne comprend qu'une centaine d'articles; là où nos voisins en sont à deux milliers. Il permet ces «fassirates sayi'ate» que la Cour Suprême pointe dans ses Arrêts. Sans que nos juges - et nos présidents de Cour - n'en tiennent compte, faute d'une jurisprudence codifiée, disponible, affichée (sur un site Internet par exemple). Ces fondements deviennent incertains quand, par exemple, une notion introduite par ce texte - le compte-devise (et non le compte en devises; ce n'est pas la même chose !) - n'a d'existence légale que dans une Note (d'un des fonctionnaires à l'ère Chadli). Quand ce règlement stipule dans son Article 8 «Hormis les cas expressément prévus par l'article 126 de l'ordonnance n° 03-11 du 27 Joumada Ethania 1424 correspondant au 26 août 2003, susvisée, LA CONSTITUTION D'AVOIRS MONETAIRES, FINANCIERS ET IMMOBILIERS à l'étranger par les résidents à partir de leurs activités en Algérie EST INTERDITE» (souligné par nous), l'on croit vraiment rêver ! De quel droit ce Conseil ou le Gouverneur de la Banque d'Algérie nous interdisent-ils des avoirs, des biens, des capitaux à l'étranger avec la sueur de nos fronts ? Sommées par le «syndrome Khelifa» (le texte n'a-t-il pas été publié qu'un trimestre après son adoption ?), ces instances dépassent leurs prérogatives et nagent clairement dans les eaux boueuses de l'autoritarisme de mauvais aloi. Notamment à l'heure où notre pays adopte les standards internationaux de la libéralisation financière. Ainsi, en pratique, notre autorité monétaire dispose d'une indépendance que peut-être elle ne mérite pas, surtout à cause du peu de robustesse de nos système bancaire et financier, système de paiements (voir l'affaire d'Algérie Poste) et régime monétaire. Mais les hommes, leurs compétences, leurs managements y sont pour beaucoup ! (*) Cet article n'aurait pas vu le jour sans une discussion riche et un échange fructueux avec le Pr. Bouyacoub Ahmed. Qu'il soit ici vivement remercié. Je reste seul responsable des propos tenus. *Economiste
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