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Constatons, constatons, il en restera toujours quelque chose !



Constatons, constatons, il en restera toujours quelque chose !
On dirait que les appels au changement politique, qui se déclinent de différentes façons, sont indexés sur les cours baissiers du pétrole. Les premiers sont inversement proportionnels aux seconds. Plus les prix du brut chutent, plus ces appels sont nombreux, de plus en plus audibles et de plus en plus pressants. A l'exception du FFS qui fait une pédagogie patiente en faveur d'un consensus politique national, tous les autres plaident pour une transition. Une transition qui reste brumeuse dans l'esprit même de ses promoteurs. Les uns et les autres demandent cependant une nouvelle Constitution et des élections présidentielles anticipées. Les plus audacieux avancent l'idée d'une seconde république en lieu et place de la Radp. Tous ont un point commun, en guise de fil rouge, le constat comme leitmotiv. Ils constatent, ce qui est facile, ils critiquent, ce qui est normal et de leur bon droit. Mais aucun d'eux, sauf le constat renouvelé et la critique réitérée, n'avance des solutions, ne présente de programme alternatif. Tous surfent sur la crise économique, la déprime continue des marchés pétroliers et regardent, avec une grosse loupe, ce qu'un éditorialiste algérois a appelé «l'indice de la peur». Le tableau est certes négatif et inquiétant. Mais la vision réaliste des conjoncturistes et des prévisionnistes étrangers est allégrement amplifiée par les pessimistes professionnels en Algérie. Ils donnent même l'impression d'être ravis par la conjoncture qui leur donne l'occasion d'ajouter à la sinistrose. Et, du même coup, faire du pouvoir en place le responsable exclusif de ce que Hocine Aït Ahmed a appelé «l'algériasclérose». En somme, pour eux, le régime est l'alpha et l'oméga de la crise, sa cause et ses effets. La conjoncture est certes difficile, les perspectives inquiétantes et les solutions difficiles à trouver et à mettre en ?uvre. Il est vrai que le baril a perdu presque 50% de sa valeur depuis juin dernier. Et qu'il est à son plus bas niveau depuis 2009. Et que par conséquent des arbitrages douloureux doivent être faits. Comme de réduire, de reporter ou d'annuler certaines dépenses prévues pour les cinq années à venir. Surtout d'alléger le train de vie de l'Etat. On sait aussi que le recours au bas de laine qu'est le FRR, le fameux Fonds de régulation des recettes pétrolières, n'est qu'un palliatif. Tout le monde sait ça. Et c'est défoncer une porte largement ouverte ou même inventer l'eau chaude que de constater que le pays est bloqué. Que les réformes majeures de l'économie et du Léviathan administratif tardent à venir. Et que, et que et que... on pourrait, à l'envi, faire tous les constats possibles. Notamment celui de dire que des élections présidentielles anticipées constitueraient la panacée démocratique. Dans l'esprit de tous ces «y a qu'à dire» et «y a qu'à faire», des élections présidentielles, réellement pluralistes et absolument probes et transparentes, créeraient dans le pays un cercle démocratique vertueux. Et c'est ainsi que l'impossible politique et économique ne serait plus algérien. Il fallait donc juste y penser. Vision prométhéenne des choses. Il suffisait donc d'y penser avant pour que la lumière démocratique, tel le feu sacré de Prométhée, éclaire ensuite un pays plongé dans une obscurité politique nord-coréenne ! Mais il ne suffit pas d'organiser des élections présidentielles anticipées, même honnêtes et transparentes, pour rendre l'Algérie démocratique et inoculer du coup aux Algériens le bacille de la démocratie. Sur la question démocratique, le général de Gaulle, père de la Ve République disait que la Constitution, c'est une idée, et la démocratie, une pratique. Autrement dit, une culture que les Algériens, même les démocrates autoproclamés, ne possèdent pas dans un pays travaillé depuis des siècles par l'autoritarisme. Culture «enrichie» depuis 1962 par les pratiques d'un régime autoritaire qui ne s'est pas encore débarrassé complétement de ses oripeaux de dictature émolliente. Imaginons enfin une fiction politique qui consisterait à penser que l'actuel chef de l'Etat déciderait de lui-même d'écourter son mandat ou que l'inéluctabilité biologique en déciderait à sa place. Scrutin présidentiel anticipé et alors nouveau locataire d'El Mouradia. Le successeur éventuel de M. Abdelaziz Bouteflika aurait-il pour autant les moyens, les marges de man?uvre politiques nécessaires, les possibilités financières pour acheter la paix sociale ' Régler la question sécuritaire aux frontières, moderniser l'économie, créer les alternatives aux hydrocarbures ' Tout compte fait, décrisper le pays et mobiliser les énergies dans une quiétude absolue ' Le doute est permis. L'opposition ou plutôt cette mosaïque d'oppositions, n'a pas la force politique et l'armement intellectuel nécessaires pour entrainer le pays dans une aventure démocratique vertueuse qui aurait l'allure d'une croisière de printemps à Tahiti. Et même si elle avait le feu de Prométhée, elle ne pourrait pas sauver le pays toute seule, comme une grande ! Du reste, elle ne pourra pas appliquer la moindre solution sans le pouvoir, et surtout contre lui. Car on n'a jamais vu un pouvoir accepter de se saborder et de livrer, parce que ça lui ferait plaisir, les clés de la maison. La solution ne serait que collective, dans le cadre d'une mutualité des idées et des bonnes volontés. Ça, le FFS a fini par le comprendre. Le pouvoir, quant à lui, ne rejette pas l'idée «globalement et dans le détail», comme il l'a fait pour le «Contrat de Rome». C'est déjà un premier pas positif sur la voie de la démocratisation du pays, qui ne sera pas, loin s'en faut, un oued algérien tranquille.N. K.




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