Algérie - Revue de Presse

Conservation des zones humides et changement climatique



Conservation des zones humides et changement climatique
Publié le 30.06.2022 dans le quotidien Le Soir d’Algérie
Par le Dr. Nadjib Drouiche
Le climat de l'Algérie a changé. Les températures de l'air et de la mer se sont réchauffées d'environ 1ºC au cours des 100 dernières années, les vagues de chaleur et les incendies ont augmenté, et le régime des précipitations a changé. Les projections relatives aux changements climatiques indiquent qu'en Algérie, il est probable que la température continue d'augmenter, que le régime des précipitations soit modifié, que le risque des précipitations intenses et d'inondations soudaines augmente dans de nombreuses régions et que la fréquence et la gravité des sécheresses augmentent.
La convention de Ramsar sur les zones humides — signée en 1971 dans la ville de Ramsar, en Iran — est un traité intergouvernemental qui fournit le cadre de l'action nationale et de la coopération internationale pour la conservation et l'utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Il y a actuellement 141 parties contractantes à la Convention, avec 1 387 sites de zones humides, totalisant plus de 122 millions d'hectares, inscrits sur la liste Ramsar des zones humides d'importance internationale.
Les zones humides de la région arabe, qui sont reconnues internationalement par Ramsar, totalisent 157 sites, la plupart dans des pays africains. Ces zones humides couvrent une superficie d'environ neuf millions d'hectares, dont un tiers se trouve dans les territoires algériens. Elles représentent des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelles et/ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante, courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine peu profondes.
Aujourd'hui, l'Algérie abrite 2 375 zones humides, dont 50 sites Ramsar d'importance internationale, composés de 2 056 zones humides d'origine naturelle et 319 d'origine artificielle. Depuis la ratification de la Convention de Ramsar par l'Algérie en 1984, la Direction générale des forêts (DGF) a mené de multiples activités, dont des inventaires et des plans de gestion, pour une meilleure gestion et valorisation de ces sites.
Les zones humides peuvent jouer un rôle important dans notre approche pour l'adaptation au changement climatique, en capturant et en stockant le carbone pour réduire les gaz à effet de serre dans l'atmosphère, et en offrant une résilience aux risques tels que les inondations. Cela est rendu possible grâce à l’une de leurs caractéristiques qui lui permettent d’agir comme une éponge ou un système naturel de contrôle des inondations. La structure des zones humides leur permet d'absorber les précipitations et de réduire ainsi le volume d'eau qui entre dans les ruisseaux, ce qui réduit naturellement le risque d'inondation. Des plaines d'inondation plus larges permettent également d'étaler et de stocker les précipitations.
En ce qui concerne leur capacité à capter et stocker le carbone, cette caractéristique est souvent sous-estimée. En effet, les zones humides font partie des plus grands réservoirs de carbone de la planète et on estime qu'elles stockent plus d'un tiers du carbone terrestre mondial. Leur destruction entraîne souvent d'importantes émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Lors de la conférence de Glasgow sur le climat (COP26), les nations se sont alignées pour promettre de mettre fin à la déforestation et de commencer à restaurer les forêts. Mais peu de promesses équivalentes ont été faites pour mettre fin à la disparition des zones humides ou pour réhumidifier les terres asséchées, alors que les zones humides sont des réserves naturelles de carbone extrêmement importantes.
Par ailleurs, le récent rapport du GIEC sur les incidences du changement climatique a souligné la vulnérabilité d'écosystèmes tels que les zones humides aux températures élevées, aux incendies et à la sécheresse, et prévenu que leur disparition amplifierait le changement climatique en libérant de grandes quantités de gaz à effet de serre.
Une autre caractéristique étonnante des zones humides est leur capacité à purifier l'eau en piégeant les polluants dans ses sols et sa végétation. Les zones humides sont si efficaces pour purifier l'eau qu'elles sont utilisées pour épurer les eaux usées provenant de l'industrie, des mines et des égouts.
Elles contribuent également à la reconstitution des nappes phréatiques, qui représentent également une source d'eau importante. Par ailleurs, elles abritent une grande variété d'espèces animales et végétales. Malheureusement, si les zones humides présentent de nombreuses merveilles qui améliorent l'environnement, de nombreux facteurs menacent ce type de paysage.
En Algérie, les zones humides sont menacées par le surpâturage, la déforestation, l’eutrophisation, la pollution due aux pesticides et la mauvaise gestion des eaux pluviales urbaines. En outre, durant les saisons sèches, les zones humides offrent des refuges à la faune et fournissent de l'eau aux communautés et au bétail.
La disparition des zones humides est un indicateur clair de problèmes plus vastes liés à la diminution de la disponibilité de l'eau et son affectation par les prélèvements ; un problème tant pour la nature que pour les personnes qui dépendaient de ces zones. Si les zones humides sont drainées, brûlées ou défrichées, elles deviennent une source de carbone, libérant dans l'atmosphère des siècles de carbone stocké. Les émissions de dioxyde de carbone provenant des tourbières drainées et brûlées représentent environ 10% des émissions annuelles mondiales de combustibles fossiles.
Une initiative régionale dénommée MedWet, dont l’objectif vise à la promotion et au soutien des politiques et des actions multi-acteurs sur le terrain pour la conservation, la restauration et l’utilisation durable des zones humides méditerranéennes, constitue une première contribution à la réalisation des cibles fixées dans les objectifs de développement durable 2016-2030 (ODD) à travers une série de mesures concrètes pour la conservation des zones humides, l’utilisation durable de leurs ressources dans la région méditerranéenne et l'intégration des bonnes pratiques de gestion de l'eau et de conservation dans les plans et politiques nationaux d'aménagement du territoire afin d'éviter que les fonctions et les valeurs des zones humides ne subissent de nouveaux dommages.
A la lumière de toutes ces données et des données scientifiques qui montrent clairement que les zones humides constituent des solutions naturelles efficaces pour toute une série de problèmes mondiaux, il est donc urgent de protéger nos zones humides et de reconnaître leur rôle capital dans l’atténuation et l’adaptation aux effets du changement climatique. Si nous n'accordons pas beaucoup plus d'attention à la protection et à la restauration des zones humides de notre pays, nous avons peu de chances d'atteindre nos objectifs en matière de climat et de biodiversité.
N. D.





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