Algérie

Commentaire



Bientôt quatre années de guerre en Irak «Nous resterons le temps qu’il faudra, mais pas un jour de plus». C’était ce que disait Bush en entrant dans Baghdad, avec la conviction qu’il avait définitivement gagné la guerre. Cela fera bientôt quatre années pleines que les forces américaines occupent difficilement l’Irak, mais la conviction n’est plus en la victoire. Tant que la guerre était menée selon le type classique, les Américains forts de leur armada militaire, avançaient irrésistiblement et pouvaient croire que la pacification allait être inéluctable. Mais, dès l’immersion de leurs troupes au sein des populations, c’était la fin de la guerre classique et le début d’une autre forme de guerre, celle que des forces d’occupation ne pourront jamais gagner et qu’ils ne sauront pas gagner, et cela est plus particulièrement valable pour les forces armées américaines qui avaient trop confiance en la supériorité de leur technologie et qui se sont retrouvées engagées dans une guerre où la mobilité, la clandestinité et les motivations sont les principaux atouts d’une armée de résistance qui acquiert ainsi fatalement une supériorité opérationnelle. Les Etats-Unis ne sont pas en train de gagner la guerre, disait le rapport «Baker». Les démocrates ainsi que le nouveau patron du Pentagone incriminent surtout la façon dont la guerre a été conduite, ce dont a profité Bush pour décider de l’envoi de renforts militaires en Irak et de la prise de mesures endurcies et de répression. La guerre telle qu’elle s’était déroulée, d’abord dans sa forme classique puis selon une forme asymétrique imposée par les résistants, comporte plusieurs dimensions. La première est celle que livrent les sunnites arabes irakiens aux forces d’occupation anglo-américaines. La deuxième est celle que livrent ces mêmes sunnites aux chiites arabes irakiens, plus particulièrement, les Kurdes apparaissant comme préférant se mettre en retrait de cette guerre. La troisième est celle que livrent les volontaires sunnites arabes non irakiens aux forces d’occupation. Ces volontaires sont pratiquement déclarés affiliés à Al-Qaïda, même si ce n’en est pas le cas, compte tenu que c’est l’intervention américaine en Irak qui a offert ce territoire à une Qaïda qui n’en espérait pas tant et qui souhaite même que les Américains s’engagent dans la guerre contre nombre de pays arabes ou de pays musulmans afin qu’elle puisse se donner l’occasion d’élargir sa base internationale de recrutement. Pour Al-Qaïda, tant que les Etats-Unis continuent encore à pratiquer la politique des «deux poids, deux mesures» au Proche-orient et élargir le champ des opérations militaires dans la région, elle ne peut que prospérer car ce sont ainsi les Etats-Unis qui lui fournissent la source de son alimentation. La quatrième est celle que livrent ces volontaires catalogués Al-Qaïda aux chiites arabes irakiens. Pour ce qui concerne les Irakiens, à la résistance menée par une partie d’entre eux contre les forces d’occupation se superpose une guerre civile qu’aggrave davantage l’exécution de Saddam qui rend pratiquement définitive la rupture de la cohésion nationale et donc la séparation conflictuelle et mortelle entre les communautés irakiennes, ce qui s’appelle la guerre civile. La guerre civile s’est réellement installée. Avec un nouveau Secrétaire Général de l’ONU et dont on dit qu’il est dans les mains des Américains, sans nul doute que lorsque le Conseil de sécurité onusien se saisira du dossier «Irak», probablement à la demande américaine, la tendance lourde qui s’en dégagera consistera en le changement de statut des forces étrangères présentes sur le territoire irakien pour que celles-ci soient déclarées «forces de maintien ou d’imposition» de la paix en Irak. Quelles leçons pourrons-nous tirer de cette troisième guerre qui n’est pas encore sur le point de connaître une fin? D’abord sur le plan international. La première guerre du vingt et unième siècle est menée sur le style des guerres coloniales, c’est-à-dire avec l’occupation du territoire. Celle-ci s’est déroulée en deux phases. La première est technologique et s’est terminée en faveur des forces de la coalition qui possèdent une force de frappe à distance vraiment phénoménale, la deuxième a commencé avec l’occupation du territoire et a démontré et démontre encore que dans une guérilla urbaine, la supériorité opérationnelle n’est pas du côté des forces disposant d’une technologie de guerre avancée. La mobilité, la clandestinité, l’immersion au sein des populations et davantage les motivations, permettent l’initiative, le choix du moment et de la cible ainsi que les moyens de frappes à utiliser. La doctrine militaire américaine qui intègre l’occupation du territoire jusqu’à la chute du régime en place et son remplacement par un gouvernement ami ne prévoit pas la possibilité d’une forte résistance. Dans une guerre de style colonial, la notion de puissance militaire ne prend pas ici toute son importance. Et encore, dans le cas de l’Irak, la rupture de la cohésion nationale par la promotion de la logique ethnique a fait perdre toute sa notion à l’espace de défense compte tenu que les Chiites et les Kurdes ne s’opposent pas aux forces de la coalition qu’elles ne considèrent d’ailleurs pas, par voie de conséquence, comme des forces d’occupation. De toute façon, cette guerre est une catastrophe pour toutes les forces en présence et plus particulièrement les populations. A la fois pour ce qui concerne les vulnérabilités internes face à une menace extérieure et les risques d’une guerre civile, la meilleure et la plus efficace des parades demeure bien entendu la cohésion nationale, ce qui a terriblement fait défaut à l’Irak. Cette cohésion a été d’abord et principalement détruite par la gestion répressive du régime de Saddam qui a réprimé ce qu’on pourrait appeler des ethnies, à savoir les Chiites qui sont majoritaires ainsi que les Kurdes. Cette cohésion a été également détruite par l’idéologie baâthiste qui ne reconnaît pas les particularités. Et pourtant, à ses débuts, la guerre avait apparu aux observateurs comme devant opposer le peuple irakien aux forces étrangères alors que ce n’était pas pour rien que les Américains pensaient qu’ils allaient être accueillis avec des fleurs. Ils faisaient probablement allusion aux chiites et aux Kurdes qui partageaient avec les Américains leur aversion au régime de Saddam. Cependant, il semble que les Américains n’avaient pas prévu la réaction des sunnites arabes irakiens, comme cela fut également de même à l’égard de Al-Qaïda. La première divergence de fond entre les communautés apparut publiquement quand il avait fallu organiser des élections. Dans une logique ethnique ou d’exacerbation du communautarisme, que pourront bien apporter de bien à l’Irak ou à sa démocratisation des élections au suffrage universel et dont on sait qu’il ne risque pas d’y avoir de surprise quant aux résultats. Les chiites majoritaires, du point de vue de la démographie, gagneront toujours les élections et tant que les Irakiens continuent à voter «ethnie» ou «identité», il n’y aura pas d’identité collective et intégrante, ce qui revient à ce que les élections assoient la domination d’une «ethnie» sur les autres ethnies minoritaires, autrement dit, les résultats électoraux constitueront une source permanente de guerre civile. Il faudrait, par contre, s’entendre sur une solution sur un partage du pouvoir qui ne tienne pas compte du nombre des populations par ethnie. Les élections serviront alors à tuer la démocratie de type occidental appliquée à l’Irak. Il faudrait réfléchir à un modèle de démocratie spécifique qui place toutes les communautés sur un même pied d’égalité en matière de répartition des pouvoirs. Les élections, bien que faisant partie de la démocratisation, ne résument pas à elles toutes seules la démocratie. Dans le cas d’une option pour le système fédéral, les Arabes sunnites ont des raisons de le rejeter pour la raison que la portion de territoire qui va leur échoir se trouve en dehors des périmètres importants des champs pétroliers.
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