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Comme catharsis, 24 ans après la guerre


Comme catharsis, 24 ans après la guerre
Le cinéma libanais reste hanté par la guerre civile qui a déchiré le pays pendant 15 ans, les réalisateurs ressentant le besoin d'exorciser les démons de ce conflit aux séquelles enracinées dans la société.Dernier film en date, sorti en salle en début d'année, «Mirath» du Franco-Libanais Philippe Aractingi: dans un mélange de fiction et d'autobiographie, le réalisateur raconte à ses enfants son expérience de la guerre de 1975-1990, son exil, son retour à la patrie, en somme, l'histoire de chaque famille libanaise. «Traiter la guerre dans le cinéma est une sorte de catharsis. Dans 'Héritage', j'évoque la nécessité d'en parler à nos enfants pour qu'elle ne se répète pas», dit le réalisateur de deux autres longs métrages, «Bosta» (2005) et «Sous les bombes» (2008), qui avaient représenté le pays aux Oscars. Au Liban, le cinéma n'a jamais vraiment brillé comme en Egypte en raison du manque de soutien gouvernemental, poussant les réalisateurs à chercher du financement de l'étranger. Age d'or du Liban, les années 1960 ont été marquées par les films des frères Rahbani, empreints d'insouciance, de romance bucolique et d'amour de la patrie. Mais en 1975, le pays bascule dans une guerre qui va faire 150.000 morts, des milliers de disparus et le grand écran devient un espace pour peindre un pays qui se déchire. L'ère Maroun Bagdadi Durant les années de guerre, deux noms ont brillé: Borhane Alaouié, mais surtout Maroun Bagdadi, le plus international des réalisateurs libanais jusqu'à sa mort prématurée à 43 ans après la fin de la guerre. Les films à succès de Maroun Bagdadi, notamment «Petites guerres» (1982) et «Hors la vie» (1991), écho de la crise des otages occidentaux au Liban, ont marqué le début d'une tendance de films axés sur les «évènements», euphémisme utilisé par le Libanais pour évoquer le conflit. Dans les années 1990, dans un Liban qui panse ses blessures, c'est Ziad Doueiri avec son «West Beyrouth» (1998) qui reçoit le prix François Chalais à Cannes grâce à son portrait d'adolescents dans une capitale divisée. Suivit une période qui s'éloigna un peu des sujets strictement liés au conflit comme «Autour de la maison rose» de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, ou encore «Cerf-volant» (2003) de Randa Chahhal Sabbagh (grand prix spécial du jury à la Mostra de Venise). Mais «à partir de 2005, il y a un retour aux films sur la guerre civile», explique Hadi Zakak, réalisateur et enseignant de cinéma. «Les réalisateurs tentent de revenir à l'origine du problème pour expliquer pourquoi la guerre se poursuit au Liban sous une autre forme». En 2005, le Liban bascule de nouveau dans la tourmente avec l'assassinat de Rafic Hariri, ex-Premier ministre devenu opposé à la tutelle du grand voisin syrien. «Guerre civile non déclarée» «Depuis 2005, il y a une guerre civile non déclarée (...) les réalisateurs reviennent donc au passé pour comprendre le présent», dit M. Zakkak. Après 2008, des violences ayant fait 100 morts ont fait craindre une nouvelle guerre civile. Nadine Labaki, «star» du nouveau cinéma libanais et réalisatrice de «Caramel», crée «Et maintenant on va où '», avec des villageoises chrétiennes et musulmanes tentant à tout prix de dissuader leurs maris de se battre entre eux (2011, Prix du public au festival de Toronto). Parmi les dossiers les plus douloureux, celui des disparus et des mères qui attendent leur retour. Bahij Hjeij réalise en 2011 «Que vienne la pluie» sur la difficulté du retour d'un disparu à sa famille, tandis qu'Eliane al-Raheb ose en 2013 mettre face à face dans «Layalen bila nawm» (Nuits blanches) un ex-milicien et la mère d'un combattant disparu. Au Liban, l'histoire nationale dans les manuels scolaires s'arrête au départ des derniers soldats français en 1946, la guerre civile n'étant pas enseignée car jugée un sujet «trop sensible». «Je vais à la rencontre de mon pays quand je vois ces films», soutient Christiane, 22 ans, qui n'a pas connu la guerre. «Il y aura des films sur la guerre, et ce, tant que les Libanais vivront dans le déni du passé», conclut M. Aractingi.




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