Chasse au Pokémon, Chakib Khelil pour l'instant épargné

Scène de rue : un adolescent, téléphone en main, s'écrie : «Là, il y a en a un ! Il faut l'attraper !» Immédiatement, ses amis sortent leurs téléphones comme des revolvers et les orientent pour viser un endroit, puis se mettent à courir : «Là ! Il est là !» Mais de quoi s'agit-il ' D'un voleur, un égaré du Daech ou une guerre de quartier ' De Chakib Khelil aperçu en train de dévaliser une boulangerie ' Non, c'est le nouveau jeu de Nintendo, Pokémon Go, qui fait fureur cet été dans le monde et vient d'arriver en Algérie par la magie du téléchargement. Le principe : des Pokémons virtuels sont disséminés sur la planète et, grâce à une carte et la géolocalisation GPS, il s'agit de les attraper avec son téléphone en les visant. Mais ce qui n'est qu'un jeu a immédiatement alerté les intellos pas rigolos préférant Candy Crush Saga, indignés par cette nouvelle déperdition, débilisation, infantilisation, stupiditisation, bref beaucoup de mots en «tion» sur le ton du reproche. Ajoutant que ces jeunes feraient mieux de chasser des terroristes et des corrompus, ce qu'eux-mêmes ne font pas. Pourtant, c'est l'été, grosse période de vacances, et tout le monde a le droit de s'amuser, quelqu'un qui joue ne pouvant pas être mauvais. On pourrait croire que ces adultes d'un autre temps sont très sérieux, participent à des manifestations, sont mobilisés pour la chose publique et défendent l'intérêt national autant qu'ils critiquent et agressent tous ceux qui font quelque chose. Ce n'est pas le cas ; issus de la nébuleuse de l'ex-PAGS, ces moralisateurs sourcilleux ne sont pas connus pour avoir fait avancer le pays, combattu la corruption ou laissé des marques de progrès, Mouloud Hamrouche lui-même ayant dû les supplier en 1989 pour qu'ils acceptent le principe d'ouverture des médias à la presse privée, ce qu'ils refusaient. Aujourd'hui encore, ils n'aiment pas les jeux, insultent l'argent et finissent milliardaires et ont beaucoup de mal avec les libertés. Sauf la leur.