Algérie - Revue de Presse


Jeudi dernier, les calendriers psychologiques d?Alger et du pays étaient restés figés sur mercredi. On avait beau consulter les véritables, rien n?y faisait. L?aiguille des jours était bloquée sur la veille. Même les fantasques superstitieux désespéraient d?atteindre le vendredi 13. De là, comme dans un cauchemar de science-fiction, la machine à remonter le temps s?était emballée pour rejoindre à tombeau ouvert le trou noir de notre galaxie que nous voulions croire à des années-lumière. Comme tous leurs compatriotes, les artistes, les auteurs et tous les compagnons du sens et de la beauté ont reçu la nouvelle avec une émotion sans pareille. Ils se sont soudain revu plonger dans l?horreur décennale où ceux d?entre eux qui avaient survécu, ceux qui malgré tout avaient résisté à l?appel si fort de l?exil, ceux qui avaient espéré que chaque mercredi funeste soit suivi d?un jeudi serein, avaient été longtemps condamnés à entretenir dans le silence et l?isolement leurs instruments de création. Certes, l?art se construit autant sur les joies que les douleurs. Son histoire nous montre même que dans l?épreuve, la création peut se transcender. Mais ce fut « un temps déraisonnable », comme disait le poète où la pénurie de joies et l?abondance des horreurs avaient paralysé la vie culturelle. Privés de scènes, de galeries et, en général, de rencontres avec leur public, beaucoup de créateurs avaient sombré dans le découragement sinon pire : le renoncement à leur art et à eux-mêmes. Puis vinrent des temps un peu plus cléments, puis plus sûrs, puis encourageants, cette longue remontée des abîmes du silence qui leur donna à nouveau le goût de créer et de s?exprimer sans lequel eux ne sauraient pas vivre, tandis que les autres, leur public, ne sauraient que mal vivre. Jeudi dernier, la conscience et le c?ur dévorés d?inquiétude et de questions, la plupart d?entre eux se rendirent sur les lieux de leurs productions. Plusieurs eurent le bonheur de constater qu?en dépit de tout, y compris de la météo, leur public, même clairsemé, était venu à leur rencontre, moins en tant que spectateurs qu?en frères et s?urs de destin et de vie. Et avant-hier, à la Coupole, notre confrère Mustapha Benfodhil rapportait avec tendresse l?anecdote de cet Amine, jeune metteur en scène, qui demandait aux gens de venir nombreux ce jeudi à Bordj El Bahri voir sa pièce sur les handicapés. Cet Amine-là a tout dit. Alors, aujourd?hui, jeudi, consultez l?agenda culturel et passez voir les artistes, ne serait-ce qu?une minute, ne serait-ce que pour leur dire simplement : « Bonjour à vous. » Vous saluerez ainsi ce que vous avez de meilleur en vous. C?est la vocation des artistes que de nous amener à nous voir.
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