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Ces expressions non innocentes


Ces expressions non innocentes
Il n'y a qu'un seul islam. Il n'y en a ni deux, ni deux cents. Rien qu'un et un seul! C'est l'islam du CoranCe qui change, ce qui est pluriel, c'est le comportement des hommes, leur manière de comprendre et de pratiquer cette religion.«A trop bien vouloir faire, on finit toujours par mal faire.» C'est un adage qui met en garde contre l'excès de zèle et tous ces comportements inutiles dont on pourrait aisément se passer sans rien perdre.Notre ministre des Affaires religieuses veut faire bouger les choses. C'est tant mieux et nous l'avons déjà signalé dans ces mêmes colonnes. Il veut dépoussiérer les mentalités, et c'est très bien. Cela permettra au moins de secouer un peu notre léthargie et d'ouvrir les yeux à ceux qui les ont toujours gardés fermés ou semi-ouverts. Il veut reconsidérer l'état des lieux, et c'est parfait. Nous applaudissons. Il veut déterrer la perception du religieux de là où l'ont mise les incapables et les faux dévots. Nous avons dit bravo.Toutefois, comme emporté par son élan, le ministre des Affaires religieuses, plutôt soucieux de faire dans l'inédit, semble ne plus avoir le temps de trop s'intéresser à ses propres idées et même à ses propres paroles. C'est, du moins, ce que l'on constate à la lecture de l'entretien accordé par M.Aissa à El Watan.Il n'y a qu'un islamC'est ainsi que notre ministre des Affaires religieuses, sans le vouloir peut-être, se trouve en train de conjuguer l'islam au pluriel. Or, en réalité, il n'y a qu'un seul islam. Il n'y en a ni deux, ni deux cents. Rien qu'un et un seul! C'est l'islam du Coran, celui de Mohammed (Qsssl), celui que nous connaissons tous.«Dans un contexte de révolution au nom de l'islam radical, avait dit notre ministre, nous avons perdu nos repères et nos référents authentiques.» Or, il n'a jamais existé d'islam radical, tout comme il n'a jamais existé d'islam modéré non plus.C'est dans la bouche et sous la plume des non-musulmans que l'on trouve ces expressions. Ils les utilisent pour décrire certains comportements qu'ils trouvent, plus ou moins, extrémistes. Est-ce que cela veut dire que, nous aussi, nous devons faire usage des mêmes expressions' Pour paraître moderne, doit-on, absolument, reprendre les mêmes expressions dans nos discours' Ou bien est-ce une manière, pour le ministre des Affaires religieuses, de lancer des signaux vers ceux qui nous regardent à un moment où certaines puissances tapent sur la table pour «la liberté du culte» alors que d'autres veulent la garantie d'un «islam modéré»'Ce qui change, ce qui est pluriel, c'est le comportement des hommes, leur manière de comprendre et de pratiquer cette religion. Il y a des comportements modérés, des comportements extrémistes, des comportements radicaux, etc. Il y a autant de comportements que de manières de les classer. Mais il n'y a qu'un islam.C'est pour cela que, admettre l'existence de plusieurs islam c'est déjà commencer à se perdre dans la forêt des mots car dire qu'il y a différents islam signifie qu'on peut entreprendre une certaine évaluation de l'islam en soi. L'aberration!Que signifierait donc l'islam radical' Et quel sens donner à l'islam modéré' Lequel des deux est le plus loin de la Révélation' Et lequel en est le plus proche'Ceux qui jugent l'islamDans ce jeu d'évaluation et d'étiquetage, certains ont fini par inverser les choses en déplaçant les repères. Souligner la prétendue modération ou la soi-disant radicalisation de l'islam c'est juger de sa conformité à certains repères humains. Or, vouloir juger une religion comme l'islam par rapport à des repères humains est en soi une prétention déplacée et un exercice débile. Cela nous rappelle l'ouvrage de Philippe d'Iribane L'islam devant la démocratie dont, à lui seul, le titre est révélateur de la conception erronée que se fait de l'islam ce chercheur du Cnrs, né pourtant dans un pays musulman (le Maroc). L'islam est une religion, la démocratie un style de gouvernement. Ce grand chercheur n'ignore pas que la comparaison nécessite l'homogénéité des choses comparées. Pourtant, il entreprend sa comparaison qui n'est, en fin de compte, qu'un plaidoyer contre l'islam, une accusation, une charge violente.L'auteur ne cache ni ses intentions ni la démarche douteuse à travers laquelle il veut atteindre son objectif et il exhibe même, fièrement, la confusion qu'il entretient de manière volontaire entre islam et musulmans. «J'ai donc voulu enquêter sur la philosophie islamique, le droit islamique et remonter jusqu'au Coran pour comprendre. J'ai alors été frappé par la cohérence de cet ensemble sur deux principes: la vertu de l'unanimité, qui entraîne la réprobation des voix discordantes, et celle des certitudes indiscutables, qui excluent toute nuance entre ceux qui partagent ces évidences - qui sont les bons, les justes... - et ceux qui les contestent - les impies, les malhonnêtes. C'est cette perception très tranchée du bien et du mal, du vrai et du faux, basée sur des convictions inébranlables qui explique que, dans l'islam, le débat soit interdit.»Il n'est nullement besoin de lunette astronomique pour voir comment l'auteur a volontairement accompli un cheminement douteux en passant de l'islam (philosophie islamique, droit islamique, Coran) aux hommes (voix discordantes, les bons, les justes... - et ceux qui les contestent...) pour revenir, en fin de compte, à l'islam (c'est cette perception... qui explique que, dans l'islam, le débat soit interdit).Cette démarche lui a permis d'entretenir la confusion entre la religion et les hommes, entre l'islam et les musulmans pour arriver, à la fin, à vouloir faire porter à la religion les comportements des hommes et, surtout, à glisser l'idée d'une pluralité d'islam. Il le dit clairement. «Même, dit-il, si l'on voit depuis des décennies s'étendre et s'imposer un islam fondé sur une stricte application du Coran, il faut savoir qu'il existe d'autres formes plus ou moins réceptives aux valeurs démocratiques. Comme l'islam populaire et syncrétique qui vénère les saints (comme en Indonésie ou au Mali) et que l'islam strict et rigoureux que l'on connaît aujourd'hui combat depuis le XIXe siècle. Or on constate qu'en Egypte, nombreux sont ceux qui rejettent cet islam de dogmes et qui veulent revenir à une version antérieure de leur religion. A un islam plus apaisé, plus populaire.»Dans sa charge contre l'islam, d'Iribane essaie de lui faire porter tous les maux des hommes. «Depuis toujours, dit-il, on sait que domine, dans les pays marqués par l'islam, la crainte de la division et le goût de l'unanimité. C'est cette spécificité qui explique l'absence de tolérance de ces cultures face à toute forme de pluralité et donc la difficulté à accepter la liberté de la presse, la liberté d'expression, de conscience, etc.». Voilà! Tout est dit.La colère cachée de ce vieil homme contre l'islam provient de sa déception de voir les pays musulmans, tout comme la Chine d'ailleurs, ne pas rentrer dans les rails décidés par l'Occident.Il le signifie sans détour: «On a longtemps cru, soutient-il, que toutes les cultures étaient en train de converger, que certaines mettaient simplement plus de temps que d'autres à entrer dans le processus mais que, au final, l'ensemble de l'humanité allait bientôt ressembler à l'Occident. Or, lorsque l'on voit la Chine et l'islam, il ne semble pas qu'on en prenne le chemin.»Changement de capQue des non-musulmans parlent de l'islam au pluriel, cela n'a rien de surprenant, et l'on trouverait bien mille et une enseignes sous lesquelles inscrire de tels propos et une telle démarche, peu amènes, mais lorsque cela vient d'un musulman, un ministre des Affaires religieuses, de surcroit, cela ne peut que choquer.Mener campagne pour que l'on cesse de tout faire porter à l'islam, voilà, une bien belle mission pour notre ministre des Affaires religieuses. Oui, s'il arrive à faire comprendre aux gens, musulmans et non musulmans, qu'il n'existe qu'un seul islam mais que la pratique de cet islam diffère selon la compréhension des uns et la perception des autres, ce serait une belle chose. S'il arrive à inverser le raisonnement pour que l'on arrive en fin de compte à saisir le comportement des musulmans par rapport à leur religion au lieu de juger l'islam par rapport au comportement des musulmans, ce serait une réussite plus grande encore.Nous ne devons point nous cacher la réalité du monde. Ni sous une gandoura ni dans le noeud d'une cravate.Les non-dits des expressions comme «l'islam modéré» ou «l'islam radical» sont aussi sournois que pervers. Les reprendre est une erreur, surtout lorsqu'on dit être venu pour dépoussiérer les consciences et secouer les volontés de bien faire les choses.Si nous parlons donc d'hommes modérés, nous en trouverons bien parmi les musulmans, les chrétiens, les juifs et ailleurs. Et aucune religion n'en sera stigmatisée.Si nous parlons de comportements radicaux des hommes ou de comportements extrémistes, nous allons aussi en trouver un peu partout dans ce monde.Dans toutes les confessions, dans toutes les races, à travers tous les continents. Mais si nous parlons d'islam modéré ou d'islam radical, où bien donc allons-nous les trouver' Chez les Zoroastristes' Allons, allons, ouvrons un peu les yeux!




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