Algérie - Revue de Presse


Par Hassane Zerrouky
Après le raz-de-marée des Frères musulmans et des salafistes aux élections législatives de décembre 2011-janvier 2012, on pensait que l'affaire était réglée comme une montre suisse : l'Etat islamique n'était qu'une question de semaines, disons de mois, le temps d'opérer quelques réglages.
Mais depuis la situation a évolué dans un sens que n'avaient pas prévu les islamistes. En effet, le 10 avril, lorsque la justice administrative a décidé de suspendre la commission chargée de rédiger le projet de Constitution, personne ne s'y attendait. Ladite commission, formée de 100 personnes désignées fin mars par le Parlement — 50 parlementaires et 50 non-parlementaires — est principalement composée de membres des Frères musulmans et de salafistes. Elle n'était donc pas représentative de l'échiquier politique égyptien puisque les partis démocrates et libéraux n'en faisaient pas partie. Mieux encore, même la prestigieuse institution islamique sunnite d'Al-Azhar et l'Eglise copte orthodoxe d'Egypte l'ont boycottée, tout comme la Cour suprême constitutionnelle qui a retiré son représentant en invoquant des «doutes et la confusion» sur sa formation. Nul besoin de dessin pour savoir par avance quel type de Constitution allait être concocté par une commission dominée par les «frères» et les salafistes, avant qu'ils la fassent adopter par un Parlement majoritairement islamiste. Pour l'heure, le processus constitutionnel a désormais peu de chance d'être bouclé avant le scrutin présidentiel, dont le premier tour est prévu les 23 et 24 mai prochains. Ce premier coup de semonce a été suivi d'un second. Quatre jours après, le 14 avril, la commission électorale invalidait dix candidats à la présidentielle, tout en leur donnant la possibilité de faire appel. Ce qu'ils ont fait. Parmi les recalés, l'exvice- président et ex-chef des services secrets, le général Omar Souleimane, l'ex-frère musulman Abdelmoneim Aboul Foutouh, le candidat officiel des Frères musulmans, Khairat al-Chater, le salafiste Hazem Abou Ismaïl, mais aussi le libéral Eyman Nour… Les motifs avancés pour invalider ces candidatures sont aussi divers que farfelus. Omar Souleimane a été disqualifié pour n'avoir pas recueilli les 15 000 signatures dans 15 gouvernorats requis. A Aboul Foutouh, Khairat al-Shater et Eyman Nour, il est reproché d'avoir fait de la prison, même si c'était sous le régime de Moubarak,… Et à Hazem Abou Ismaïl d'avoir une mère de nationalité américaine ! Face à la décision de la justice égyptienne, les Frères musulmans ont réagi en deux temps. Le 13 avril, ils se sont livrés à une démonstration de force place Tahrir exigeant la mise à l'écart définitive de tous les responsables de l'ancien pouvoir à l'élection présidentielle. Le lendemain 14 avril, le Parlement, dominé par les «frères» et leurs alliés salafistes, a approuvé un amendement à la loi visant à interdire à tous les anciens du régime de Moubarak «d'exercer des droits politiques pendant dix ans» ! En fait, la raison de cette colère est ailleurs. Elle n'est pas sans rapport avec la publication d'un sondage qui donne le général Omar Souleimane en tête du premier tour de l'élection présidentielle (20% des voix), devançant l'ex-responsable des Frères musulmans Abdelmoneim Aboul Foutouh (12,4%), le candidat officiel des «frères», Khairat al-Chater, crédité de 3,2% et le salafiste Hazem Abou Ismaïl (11,7%) ! Tous les recalés ayant fait appel, la liste définitive des candidats à la présidentielle des 23 et 24 mai sera annoncée le 26 avril. En attendant, parant à toute éventualité, les Frères musulmans ont sorti de leur chapeau le nom de Mohamed Morsi, président du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), la vitrine politique de la confrérie, pour remplacer si besoin est Khairat al-Chater. Derrière ces rebondissements dignes d'une série égyptienne, certains n'hésitent pas à voir la main de l'armée qui dirige le pays jusqu'au 1er juillet, date à laquelle ils devraient passer la main aux civils. A ce stade, il reste à savoir si la suspension de la commission constituante et les invalidations de candidatures vont changer la donne politique. Ce qui est sûr, c'est qu'une bonne partie des Egyptiens commencent à se lasser : le tourisme, une des principales sources de devises, est en berne, la machine économique peine à démarrer et l'argent promis par les monarchies du Golfe reste un vœu pieux.




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