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CE MONDE QUI BOUGE
Par Hassane ZerroukyChaque 8 mars, on se rappelle de l'existence des femmes. Elles ont droit à une demi-journée chèmée pour celles qui ont la chance de travailler. Des fleurs et des cadeaux. Et sont invitées à des galas où chanteuses et chanteurs viennent les régaler. Le discours officiel, ça dure depuis 1962, ne manquera pas de saluer le combat des Algériennes durant la guerre de Libération nationale, sa contribution, fût-elle minime, à l'édification nationale et de valoriser son statut d'épouse et de mère ! Quant à l'amélioration de leur statut, il ne faut pas trop y compter. Elles seront toujours confinées dans un statut de citoyenne de seconde zone. Et pour ce faire, on n'hésitera pas à convoquer la religion, et s'il le faut des oulémas, pour leur rappeler les lignes rouges à ne pas franchir. Certes, par rapport au code de la famille de 1984, par définition anticonstitutionnel puisque la loi fondamentale consacre l'égalité hommes/femmes, on ne peut nier une certaine évolution. Mais, malgré des progrès réels – plus de femmes actives dans divers domaines – force est de constater que les forces réactionnaires continuent de pointer les femmes et de multiplier les freins pour les confiner dans un statut d'infériorité par rapport à l'homme. Et si ces milieux consentent à ce que la femme s'instruise ou active, on n'hésitera pas à tenter de les encadrer afin qu'elles ne sortent pas de leur statut d'asservissement. Exemples, entre autres. A l'université, des campagnes animées par des groupes extrémistes font le forcing pour «hidjabiser» toutes les étudiantes. A Blida et ailleurs, des associations religieuses se sont même fixé des objectif chiffrés : voiler 500 fillettes ou plus, c'est selon. Et comme si cela ne suffisait pas, des prédicateurs connus, wahhabites devant l'Eternel, s'en prennent aux jeunes femmes qui ne portent que le foulard : il faut que leurs corps et leurs visages soient entièrement recouverts, tonnent-ils ! Illustration encore de cette vision sectaire, ces députés islamistes et conservateurs, s'opposant au projet de loi en débat au Parlement portant protection de la femme et criminalisant la violence à l'endroit des femmes, que ce soit dans l'espace public ou privé. Un député islamiste a argué que l'Etat n'a pas à légiférer dans la vie privée d'un couple. En clair, on ne doit pas punir l'homme qui «tabasse» sa femme ! En fait, cette levée de boucliers contre les Algériennes, qui ont eu à subir dans leur chair – elles sont plus nombreuses qu'on ne le croit – les violences de la décennie noire, et toutes sortes d'exactions comme le mariage forcé au demeurant non interdit par la loi, s'explique par le fait qu'elles sont de plus en plus nombreuses à occuper un espace (public ou du travail) autrefois réservé aux hommes.Des chiffres. Environ 55% des bacheliers sont des filles. Le nombre d'étudiantes à l'université est égal sinon supérieur à celui des garçons. Reste cependant que le nombre de diplômées femmes, bien qu'en augmentation, est inversement inférieur au nombre de postes qu'elles occupent dans la vie active. Selon l'Office national des statistiques (ONS), 58% des femmes diplômées ont trouvé un emploi contre 77% pour les garçons. Et de façon plus générale, même si l'on dénombre 2,7 millions de femmes qui travaillent contre moins d'un million en 1999,ce chiffre ne représente que 17,5 % de la population active. C'est le plus bas du Maghreb ( 27% au Maroc et 25% en Tunisie). Le taux officiel de chômage des femmes (18%) est le double de celui des hommes. Enfin, elles sont autour de 400 000 à travailler dans le secteur de l'informel et ne bénéficient pas de protection sociale et encore moins d'une allocation-chômage.Confinées jusque-là dans les services classiques non marchands – administration, enseignement et santé –, c'est dans les secteurs de technologies nouvelles – téléphonie mobile, de l'information, les services informatiques et de conseil, marketing bancaire et financier — à savoir les services marchands, que l'emploi féminin a le plus progressé en Algérie. La raison : elles sont mieux formées que les hommes. L'armée, la police et la gendarmerie sont également des secteurs où la féminisation a fortement progressé : elles sont nombreuses à occuper des fonctions supérieures dans l'armée et la police (on compte quatre femmes officiers généraux, plusieurs dizaines d'officiers supérieurs dont des commandantes dans la marine de guerre).Cette féminisation de certains secteurs, notamment dans l'armée et les services de sécurité, inquiète les milieux islamo-conservateurs. Des députés islamistes n'ont-ils pas tenté, avec la complicité de certains milieux du pouvoir, d'imposer le hidjab au sein de la police et de la douane, en contestant une circulaire interdisant le port du voile dans les corps de sécurité ' Arrêtons là et bon 8 Mars quand même à toutes les Algériennes (voilées ou non), car il reste du chemin à faire.


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