Charmante et insistante, Biskra pénètre dans le Sahara comme une main parée de joyaux d'architecture, une architecture intelligente en harmonie avec la nature avec ses jardins fleuris et ses palmeraies ombragées. La région est formée d'un cocktail d'oasis verdoyantes, d'admirables chotts et de canyons impressionnants. C'est le domaine de l'évasion et du dépaysement.
El Kantara, le Colorado version orfèvre
« A El Kantara, où je m'attardais deux jours, le printemps naissait sous les palmes, les abricotiers étaient en fleurs, bourdonnant d’abeilles. Les eaux abreuvaient les champs d'orge, et rien ne se pouvait imaginer de plus clair que ces floraisons blanches abritées par les hauts palmiers dans leur ombre abritant, ombrageant à leur tour les céréales. Nous passâmes dans cet éden deux jours paradisiaques, dont le souvenir n’a rien que de souriant et de pur… » André Gide
Arriver à El Kantara par la route de l'Est est un pur enchantement pour qui fait le voyage pour la première fois. Après la verdure des champs du Nord, le paysage se fait désertique. Puis ce sont les premiers palmiers qui longent un oued parallèle à la route. Brusquement, un bleu intense apparaît au loin, "La fontaine des gazelles", un nom bien poétique pour un barrage qui s'apparente à un lac immense. Spectacle déconcertant pour un œil non averti. Le novice n'en a pas fini avec ses surprises. Au détour d'un virage, présage de toutes les merveilles qui nous attendent, les gorges d'El Kantara s'offrent alors au regard comme pour mieux capturer l'âme.
Un site d'une beauté bouleversante qui a inspiré peintres et écrivains et dont les Romains, qui croyaient qu'elle était née d'un coup de talon d'Hercule, l'ont appelée Calceus Herculis. Les gorges, passage obligé, forment une véritable muraille couleur or. Le pont romain qui traverse l'oued est un point d'observation où l'on s'arrête volontiers. Et l'on se sent tout petit entouré de toute une masse tachetée de vert. Un peu plus loin à quelques kilomètres, la magie continue d'opérer.
Le Village rouge, perle des Zibans
L'éden décrit par Gide nous attend, le temps n'a guère eu d'effet sur cette citadelle construite en brique d'argile rouge qui lui valut son nom de "Dechra el hamra" (le Village rouge).
Site national classé, El Kantara ne manque pas d'atouts. Les gorges bien sûr, et puis l'immense palmeraie sous l'ombre de laquelle se blottissent des jardins partagés, bercés par le clapotis de l'eau qui s'écoule. Construit en spirale, le ksar est pure merveille.
Récemment rénové, il est sans doute l'un des plus beaux de la région. Des maisons plusieurs fois centenaires s'ouvrent sur des ruelles étroites et sinueuses.
Nous les suivons jusqu'à l'agora. La place publique de forme circulaire domine la palmeraie, dont le vert tranche avec le rouge des pierres. De là, on peut mieux apprécier cette oasis merveilleuse avec ses sources irriguant l'oued, ses gorges et ses palmeraies. L'on se surprend à humer le silence qui ajoute à cette beauté qui laisse coi. La vie semble s'écouler dans un silence rempli de quiétude et de poésie. Le village est surnommé "La Mecque des orientalistes" où quelque 300 familles vivent en ces lieux. Des enfants nous accueillent avec des sourires timides et étonnés. Çà et là, nous pouvons entrevoir des regards de femme à travers des portes ou des volets entrouverts. Nous nous asseyons sur un muret bien décidés à nous imprégner de tant de splendeurs, avant-goût de ce que nous réservera la wilaya de Biskra.
Biskra, reine des Zibans
Essentiellement agricole, la région est réputée pour l'élevage ovin, la production de miel, la culture sous serre et, bien entendu, la production de la fameuse "Deglet nour". L'antique Vescera est aussi appelée 'La ville aux deux millions de palmiers". La région cernée par une verdure luxuriante est aussi qualifiée de porte du Grand-Sud. Le paysage forme un contraste saisissant. Le vert, le rouge et l'ocre se partagent l'espace, transpercés ici et là par les entailles des oueds, offrant des sites d'une beauté fabuleuse. La reine des Zibans n'a pas échappé au commerce informel. Au centre-ville, des rues sont devenues des bazars à ciel ouvert. Chacune est spécialisée. L'oued Sidi Zarzour descend des Aurès et va jusqu'à Chat Melrira, au sud-est, et traverse la ville.
Un passé culturel impressionnant
La période du printemps, qui attire beaucoup de curistes, donne à la ville des airs de vacances. Les thermes, Hammam Salihine, l'antique "Ad Piscinam" des Romains, aujourd'hui une station thermale réputée pour ses eaux sulfurées sodiques, sont prises d'assaut en cette période. Tous les hôtels de la ville affichent complet.
Les anciens se souviennent encore que les touristes étrangers de toutes les nationalités affluaient à Biskra, même en plein été, alors que la chaleur est à son paroxysme dans la région. "La décennie 60/70 était féerique", nous confie un citoyen rencontré devant l'ancien Casino devenu musée : "En ce temps-là, les touristes étaient si nombreux qu'on devait les loger chez les habitants." En fait de touristes, notre guide évoque des noms comme Elisabeth d'Angleterre (la reine mère), qui avait sa suite à l'année dans le mythique Hôtel du Sahara, le général De Gaulle, Oscar Wilde, André Gide et tout le gotha mondain d'Europe et même d'Amérique.
Notre guide tient à nous préciser que c'est à Biskra que fut peint le fameux Nu bleu de Matisse et qu'Ibn Khaldoun y séjourna en 1352 où il écrivit beaucoup sur les descendants de la ville et sur toute la région. Comme pour mieux nous en imprégner, il nous conduit jusqu'aux grilles du jardin London, un lieu culte. Là, nous avons droit à un petit cours d'histoire. Le jardin conçu par London de Langeville, qui s'installa à Biskra en 1879, a vu déambuler dans ses allées des noms bien célèbres de la littérature et des arts. Biskra a accueil le beaucoup de peintres, des orientalistes comme Eugène Fromentin, Guillaumet Gustave Achille, Lucien Hector Jonas, Paul Lazerges, Gérôme, Dubois, Bouviole, Bridgman, Brown... tous attirés par les lumières du Sud.
A chacun son paradis
La ville a un autre parc, "Le jardin du 5- Juillet". Lieu de promenade ou de méditation, le parc est un havre de verdure et accueille à l'ombre de ses arbres centenaires des enfants accompagnés de leurs parents. Très vite, les bacs à sable et les jeux en plein air sont investis et la douceur de l'air se remplit de rires puérils.
A côté, les bancs sont occupés par des personnes âgées qui discutent entre-elles. Un peu plus loin à proximité de l'ancienne église, devenue centre culturel, des jeunes jouent à la pétanque. Les allées du jardin, véritable paradis au cœur de la ville, sont un pur moment de détente.
17 heures, Biskra s'éveille...
En sortant du parc, l'ambiance est tout autre. Nous sommes jeudi et il est 17 h. Les rues commencent à s'animer c'est, weekend oblige, le jour des mariages et des cortèges. Files de voitures, musique et klaxons forment un charivari festif derrière une calèche où sont installés les mariés.
Comme une garde personnelle, quatre cavaliers en costumes traditionnels de fantasia chevauchent aux côtés de la calèche. Nous suivons des yeux cette bruyante procession avant d'aller déguster, dans une gargote du centre-ville, des "m' hadjeb" et une "doubara", deux spécialités de Biskra toutes aussi piquantes l'une que l'autre. Un régal ! Biskra mérite bien son nom de Reine des Ziban, sa majesté n'a d'égale que la magnificence de sa parure faite de l'or de ses gorges et de ses canyons, du rouge de son sol, du vert de ses palmiers et du bleu des sequia. Des atours que la belle ne révèle que pour mieux envoûter celui qui s'y attarde. Région aux incomparables richesses, aux possibilités sans cesse élargies, Biskra propose aux amateurs de pittoresque, de couleur et de luminosité, l'itinéraire le plus enchanteur. Un souvenir gravé à jamais dans la mémoire du cœur.
Chetma, la majestueuse
Un site plusieurs fois séculaire comme tous ceux que nous visitons. Un endroit majestueux, magnifique, simple et tout simplement envoûtant. Un sentier entre les palmeraies mène jusqu'au k'sar.
Là, nous découvrons des maisons faites de briques de terre, enchevêtrées les unes aux autres dans un dédale de ruelles désertes, mais dont dénuées d'âme. Là, si quelques familles ont choisi d'y rester, la plupart de la population a choisi de s'installer plus loin dans le nouveau village. Chetma, c'est aussi le silence que le bruissement des palmes rend encore plus précieux. Ce petit bijou teinté d'ombre et d'ocre est noyé dans la verdure de la palmeraie. Sur la terrasse qui sert de parvis à la zaouïa, le regard se perd dans cette beauté magique que même les murs effondrés n'arrivent pas à altérer. La vie paisible de cette "Perle du Sud" fait que le temps s'arrête, nous happe et nous transporte quelques siècles en arrière. Un moment de sérénité sans pareil.
M'chounech, "les paradis" en attente
Une route sinueuse accrochée au flanc des Aurès traverse un paysage lunaire, nous conduit à M 'chounech, une oasis tranquille où l'eau claire et limpide de l'oued Abid a creusé des gorges spacieuses. Une eau dont nous ne pouvions deviner l'existence devant ces canyons tourmentés. Sur le mur d'un petit café fréquenté par les jeunes du village, on peut lire "Voir M'chounech et mourir". On ne peut s'empêcher de sourire en retrouvant une telle inscription dans cet endroit perdu... dans le temps. M'chounech, nous explique notre guide, vient du berbère "m'souness" qui signifie paradis au pluriel.
Un nom que ne saurions démentir devant un spectacle qui s'offre à nos yeux. Ici, nous sommes très proches des gorges du Roufi, dont M'chounech est le prolongement. Le village est peu peuplé. Des nouvelles constructions côtoient d'autres plus anciennes faites de pierres ocres. Au bout d'un chemin caillouteux, notre guide s'arrête et se retourne le sourire aux lèvres. Il ne doute pas un seul instant de notre réaction. Elle se résume à deux expressions qui prennent tout leur sens : yeux écarquillés, bouche ouverte. Au bas de quelques marches, nous découvrons une rivière splendide avec sa cascade en amont de l'oued, jaillissant de la montagne. Et c'est en silence que nous faisons un tour sur nous mêmes : 360° de magnificence! Le cours d'eau au pied des gorges est bordé de palmiers. Sont lit est fait de galets qui laissent s'écouler une eau cristalline que l'on a tout de suite envie de toucher. Le mélange des couleurs est saisissant, du vert, du bleu, du gris, le tout cerné par l'or des gorges. On comprend pourquoi cette région ait pu attirer autant de peintres.
Des enfants nous rejoignent. Ils nous regardent avec des yeux rieurs, un peu étonnés de nous retrouver en ces lieux. Ici, c'est leur terrain de jeux, leur territoire, leur paradis. M'chounech, c'est aussi le pays de la poterie. Celui de l'artisan qui peaufine avec amour toutes ses pièces, dont l'amphore qui gardera si fraîche l'eau de la cascade toute proche. Les maîtres potiers nous ouvrent la porte de l'un de leurs ateliers. Si les procédés de fabrication ont quelques peu évolué au cours des siècles, les coutumes séculaires se lisent dans chaque geste, les formes, les couleurs et les motifs ont très peu changé.
Tolga, l'île verte
Terroir de la "Deglet nour", Tolga nous accueille par un beau matin ensoleillé. De toutes les oasis que nous avons visitées, c'est sans doute la plus cossue. Une île de verdure en ces portes du Sahara. Sous les palmiers centenaires poussent des vergers luxuriants. Les saquias distillent une eau claire et fraîche provenant des puits alentour et finissent par donner au cadre magnifique des airs de paradis terrestre propice à la méditation. Tolga, c'est aussi la zaouïa Athmania connue à travers le Maghreb. Fondée en 1780, la zaouïa accueille en internat des élèves dès l'âge de 6 ans. Ils viennent de tout le pays : Batna, M'sila, Oran, Skikda, Alger, Dj el fa ... D'obédience Rahmania, la zaouïa, qui fonctionne grâce aux dons, dispense un enseignement gratuit. Les élèves y étudient outre la lecture et la compréhension du Saint-Coran, le "fiqh", la langue arabe et l'histoire.
La zaouïa peut s'enorgueillir de posséder des manuscrits rares dans tous les domaines et même la cuisine, précise notre guide qui nous explique que la bibliothèque renferme plus de 1 400 manuscrits, dont certains datent des XIV' et XV' siècles et qui sont soigneusement entretenus par les locataires de la zaouïa.
A Tolga, cet édifice est l'objet de tous les respects. Les alentours baignent dans un silence quelquefois rompu par une voiture qui passe. Nous déambulons à travers les rues du village avec, malgré le bitume, l'impression d'être dans un cocon de verdure.
Sidi Okba, la sainte
Lorsque nous arrivons à Sidi Okba, nous sommes surpris par la "grandeur" de la nouvelle mosquée. Ville sainte de l'islam. La petite mosquée a été engloutie par l'architecture imposante, le marbre et la lumière de la nouvelle. Derrière la porte plusieurs fois séculaire, on pénètre dans le mausolée qui abrite le tombeau de l'apôtre guerrier Sidi Okba ben Nafi, fondateur de Kairouan. L'intérieur est fait de pénombre et de tapis moelleux sur lesquels nous nous asseyons comme pour mieux méditer. L'endroit incite à la rêverie et au recueillement. Dehors, le village se reconstruit, les maisons en pierre laissent la place à de nouvelles constructions, plus modernes, plus confortables. Les rues sont quasi désertes en cette matinée de vendredi. Nous nous n’attardons pas, la route pour Béni Souik est longue.
Béni Souik, l'hospitalière
En abordant la vallée de l'oued Abid par le sud, le village des Béni Souik est l'un des premiers que l'on rencontre. Non loin de la palmeraie de Djemmorah et de Branis, le village est accroché aux flancs de la montagne.
Les maisons, construites en pierre, semblent avoir pris au fil des siècles la même couleur ocre et se fondent presque dans le paysage.
Pour y accéder, nous grimpons par des pistes semées de cailloux et parfois très raides. Dans ce village, le temps n'a rien changé au mode de vie. Si la notion de confort est un mythe, l'accueil que l'on nous réserve balaie toutes nos pensées "modernistes" car l'on se sent comme chez soi.
Nous rencontrons des villageois qui nous offrent du petit-lait bien frais. Pour nous rafraîchir, notre guide demande si les femmes peuvent pénétrer dans une maison du village. Une demande qui se transforme aussitôt en invitation. A l'intérieur les chambres s'articulent autour d'un petit patio. L'une des pièces forme la cuisine où l'on cuit sur du feu de bois. L'odeur est alléchante. Notre hôtesse nous invite à partager le déjeuner.
C'est avec beaucoup de plaisir que nous nous asseyons sur des nattes posées à même le sol pour goûter au "mahkouk" succulent et généreusement épicé servi dans une "gasâa" (plat) en bois. Le "mahkouk", littéralement "le frotté", est une des nombreuses spécialités culinaires de la région. Un plat fait à partir de galettes cuites sur le tajine que l'on émiette en les frottant sur un tamis. On prépare ensuite une sauce très piquante (papilles sensibles s'abstenir) avec laquelle on arrose la galette. Un repas modeste mais ô combien délicieux que nous partageons avec nos hôtes dans une ambiance conviviale et chaleureuse. Après le repas arrosé de l'ben (petit-lait) comme pour nous rafraîchir le palet, notre guide nous conduit jusqu'à la palmeraie où un autre paradis nous attend.
Les palmiers majestueux semblent veiller sur les jardins leur apportant une ombre bienveillante. Bercés par le clapotis de l'eau de la rivière, nous dégustons du thé à la menthe accompagné de dattes fraîches et savoureuses.
Ouled Djellal, la ville aux sept zaouïas
A Ouled Djellal, qui compte sept zaouïas, se trouve la mosquée El-Atik, construite au XIV' siècle, fort bien conservée et qui fait la fierté de la population. Prenant une petite rue à gauche de la mosquée, notre• guide nous mène, à travers un dédale de ruelles, jusqu'à "Rahba Cherguia", un souk qui n'a pas connu de "modernisation" et qui nous enchante tant par l'architecture propre aux médinas d'Afrique du Nord. Voûtes, arcades, fenêtres étroites, ruelles étroites et ombragées.
Là, nous rencontrons Dahmane, un Algérois qui se dira "reconverti au Sud". Dahmane nous accueille avec le sourire et se mêle à notre groupe. Il nous parle de Ahmed Bouguerra El Ouafi, enfant de Ouled Djellal, héros des Jeux olympiques d'Amsterdam en 1928 qui a créé la surprise en remportant le marathon. Il raconte non sans fierté que bien qu'ayant couru sous les couleurs de la France, l'athlète avait refusé la nationalité française. Et c'est en écoutant ce jeune homme dont l'enthousiasme est communicatif que nous visitons les zaouïas El-Mokhtaria, fondée par Cheikh El-Mokhtar en 1860, et ElKadiria, fondée en 1913. Des édifices séculaires remplis de charme et qui accueillent également des élèves. Située à 100 km au sud-ouest de Biskra, Ouled Djellal est une des plus vieilles cités des Zibans, ayant constitué une étape incontournable des principales voies caravanières entre le Tell et le Sahara.
Le village est également réputé pour l'élevage de l'agneau et l'une des plus grandes communes de la wilaya de Biskra.
Khenguet Sidi Nadji, la magie du temps qui s'arrête
Notre périple dans la région de Biskra n'a pas fini de nous réserver des surprises. Lorsque notre chauffeur nous arrête sur une piste et nous invite à continuer à pied, nous ignorons encore ce qui nous attend, pensant avoir vu le plus beau. Après avoir parcouru quelques centaines de mètres, El Khanga, comme l'appellent ses habitants, nous saisit et nous immobilise. Le site est parmi les paysages les plus fascinants de la région. Nous nous retrouvons devant un fantastique décor que nous étions loin d'imaginer. Niché depuis des siècles entre la palmeraie luxuriante et la couronne de montagne, le ksar est un pur enchantement. Bien qu'inhabité, il a conservé son charme d'antan : l'étroitesse des rues ajoutée à la sensation d'être engloutis par cette médina hors du temps. L'ancienne mosquée, réplique plus petite de la mythique Zitouna en Tunisie, est encore ouverte à la prière, mais elle ne reçoit plus que rarement les fidèles. "Les gens vont plutôt dans celle du nouveau village car venir ici, c'est trop loin", nous explique notre guide. Le village n'est cependant pas tout à fait abandonné. Il renaît chaque année à l'occasion de fêtes religieuses comme le Mawlid ou l'Achoura. "Les gens reviennent et la fête dure plusieurs jours", continue le guide.
Puis, il nous mène au cœur du ksar pour nous faire visiter le palais S'raia. Un édifice que l'on a commencé à restaurer et qui bien qu'ayant subi les outrages du temps, n'a rien perdu de sa majesté.
Doucen, baroud d'honneur et fantasia
La commune de Doucen est sans doute la plus saharienne de toute la région. Notre guide nous apprend que cette petite commune, qui semble perdue dans l'immensité, accueille des rassemblements de cavaliers, de méharistes et de troupes folkloriques traditionnelles. Les courses sont très prisées des habitants de la région. Entre la terre et la lune, nous déambulons dans des espaces sans limites. Des espaces arides, mais épris de liberté dans lesquels nous gambadons, poussons des cris comme si nous étions retombés en enfance, comme pour mieux apprivoiser le silence.
Sidi Khaled,"le prophète en son pays"
Le cinquième jour de notre circuit nous conduit à Sidi Khaled. Un village qui doit son nom à un saint venu s'installer dans la région, Khaled ben Sinane El Absi, que les habitants ici appellent "Enn'bi Khaled" (le prophète Khaled). La mosquée avec son minaret de forme carrée abrite son tombeau. Notre guide nous explique que les historiens situent son existence entre la naissance du Christ et celle du prophète Mohamed (QSSL), et que la polémique autour de cette appellation n'est pas près de se terminer. Selon notre guide, beaucoup de savants musulmans lui attribuent le statut de prophète en raison de ses qualités morales et des miracles qu'il aurait accomplis. Selon la légende, il aurait réussi à éteindre un grand incendie avec sa canne. La mosquée, dont une partie bien conservée, a été construite en 900 après l'hégire abrite un deuxième "tabout" (tombeau), celui de Sidi Benkhelif. Sous le mausolée se trouve une pièce sombre et étroite, à laquelle on peut accéder grâce à quelques marches. "Sidi Benkhelif se retirait durant des semaines dans cette pièce", explique le guide. La petite mosquée à l'architecture arabo-musulmane, bien que très bien conservée, reste très isolée et n'est plus que lieu de pèlerinage.
Hizia, l'éternelle
En sortant de la mosquée, nous nous dirigeons vers un petit cimetière non loin de là. C'est laque repose Hizia, labelle immortalisée par Ben Guitoun. Avec le lieu de culte, la tombe de Hizia est l'endroit le plus visité de la région. Hizia bent Ahmed Bel Bey, originaire des Béni Hilal née en 1852, aimait secrètement son cousin Saïd et était aimée de lui. Un amour devenu célèbre en 1875, après la mort de la jeune femme à l'âge de 23 ans. Ne pouvant supporter la perte de sa bien-aimée, Saïd erre quelque temps avant de demander au grand maître du melhoum de raconter leur histoire. Aujourd'hui, la belle repose dans ce petit cimetière où une plaque à l'entrée rappelle que la légende est une histoire vraie, rajoutant au charme que la région opère sur ses visiteurs.
Zaâtcha, la guerrière
Arrivés à l'oasis de Zaâtcha, aussi luxuriante que celles que nous avons visitées, notre guide nous présente Salah, un habitant du village qui, après nous avoir offert un thé à la menthe, nous emmène vers une stèle dédiée à la mémoire de la bataille de Zaâtcha en 1849. Nous devons grimper pour y arriver, mais le panorama qui surgit après le dernier rocher est féerique. Le vert de la palmeraie qui s'étend à perte de vue tranche là encore avec l'ocre de la pierre et donne toute sa magie au village. De cette hauteur, nous pouvons contempler toute la zone. De l'autre côté de la palmeraie, des serres sont alignées sur des kilomètres. Les sequias laissent s'écouler une eau transparente. Encore une fois, nous avons envie de dire : " Silence, ça admire !" Salah nous explique que cette stèle, appelée "J’dara" (le mur), a été réalisée par de jeunes artistes de la région et qu'elle a ensuite été montée sur ce promontoire pièce par pièce. Les personnages faits d'ocre aussi représentent les valeureux combattants qui s'opposèrent à la domination française. Après des combats terribles, l'oasis fut brûlée, le village rasé. En contemplant une telle sérénité dans cette nature paradisiaque, nous avons du mal à croire que cette région ait pu connaître de tels crimes. Mais n'est-ce pas dans les Aurès tout proches que se déclencha la révolution de Novembre ?
Le retour sur Biskra fut silencieux. Nul doute que chacun voulait revivre dans sa tête le film de ce circuit exceptionnel. Terre de contrastes, Biskra est aussi une terre de promesses. Un filon touristique à l'état brut. Nous prenons le temps de nous acheter des babouches en cuir, une fibule en argent, des épices et... des dattes. Nous les avons marchandés, selon la coutume, et réussis à en payer la moitié du prix demandé. Épuisés mais comme transformés, nous reprenons la route du Nord, laissant derrière nous ces k'sour enchantés. Mais sur la route, nous attendait une autre merveille. Boussaâda, la ville de Dinet. Mais là aussi, c'est un autre enchantement.
Aly Denine
Posté Le : 23/03/2025
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Photo : Hichem BEKHTI - Texte : Aly Denine