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Ça roule et ça patine



Ça roule et ça patine
«Le piéton ne va nulle part - mais, en revanche, il est partout, partout où il ne devrait pas être. C'est une sorte d'ennemi qui a été créé pour rendre la circulation difficile.» Sacha GuitryL'arrivée des grosses chaleurs coïncide cette année avec celle du mois sacré. C'est une période qui est censée être celle de l'abstinence et de l'introspection, est surtout réputée pour être celle des grands excès et de la surconsommation. Ce qui entraîne infailliblement une spéculation effrénée sur les produits alimentaires. L'ambiance générale ne favorise guère l'envie de travailler, surtout pour ceux dont les revenus deviennent purement symboliques devant cette inflation programmée. Mais, me direz-vous, ni la chaleur, ni le froid n'inspirent l'ardeur au labeur. Un jour de printemps ensoleillé, pas plus qu'un jour d'automne ne sont propices à l'expression des capacités productrices. C'est en tout cas l'impression générale que dégagent les rues de nos villes et les routes de campagne ou les voies interurbaines: elles sont toutes encombrées de véhicules de tous genres, de tous types et de tous formats. Ni les départs en congé, ni l'arrivée des émigrés n'influent sur le cours d'une circulation qui se densifie chaque jour jusqu'à provoquer des embouteillages chroniques qui ne disparaissent qu'à l'heure du f'tour. Mais c'est quand même surprenant de voir tant de monde dehors aux heures de boulot: entre dix et dix-neuf heures. Vous me direz que chez nous les horaires sont élastiques bien que les horaires des administrations soient calés sur le même méridien et seuls ceux qui travaillent en brigade sont assujettis à une rigoureuse assiduité. Mais ceux qui travaillent de nuit rentrent chez eux quand ceux qui sont astreints aux horaires normaux trouvent les ressources nécessaires pour aller faire une petite escale au bureau où ils sont censés être actifs avant de s'esquiver habilement pour une petite escapade qui les mènerait vers les marchés réputés pour la modicité de leurs prix. Et c'est la raison pour laquelle, on peut croiser sur les routes encombrées toutes sortes de titulaires de postes de travail imaginés, jadis par les spécialistes du SGT. Il y a d'abord les agents dont le métier est sur la route et qui se déplacent continuellement, menant une vie de bâton de chaise. Il y en a qui sont visibles grâce à leurs uniformes, leur tenue de travail ou aux couleurs et sigles qui ornent leurs voitures: les agents de police, les ambulanciers, les pompiers, les agents d'entreprises publiques de services. Tout ce beau monde se déplace sans cesse pour assurer le confort du citoyen. Il y a, bien sûr, ceux qui ne portent pas d'uniforme ou de signe distinctif et qui circulent dans des voitures banalisées et qui font le même travail. Il y a les contrôleurs des prix qui ont ciblé un épicier de quartier réputé pour faire valser les étiquettes parce que le commerce informel l'a ruiné, il y a les inspecteurs des impôts, les VRP, les détectives, les agents immobiliers accompagnant leurs clients, les escrocs et leurs victimes, les intermédiaires de toutes sortes, les chercheurs de tout acabit, ceux qui vont chercher un travail, une pièce d'état civil dans leur douar d'origine, un amoureux qui vole vers sa dulcinée, un estivant à la recherche d'une plage idéale, celui qui va faire une visite de courtoisie à quelqu'un de bien placé pour un éventuel piston, cet autre qui ne sait plus à quel syndicat se vouer puisqu'il a été licencié arbitrairement et qui attend patiemment, en roulant entre le bureau de son avocat et son entreprise en congé pour que son problème soit résolu. Enfin, il y a ceux qui roulent pour rouler, histoire de consommer de l'essence à bon marché vu que c'est papa qui fournit les bons. C'est cela, l'Algérie, tant que ça roule, c'est que tout va bien. Alors le travail, il peut continuer à patiner...


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