Algérie



BORDJ KHREIS Dés?uvrement et isolement Le moyen le plus rapide et la voie la plus directe pour gagner Bordj Khreïs, commune et daïra à 47 km au sud de la wilaya, est le taxi. C?est le seul en fait si l?on ne veut pas prendre le fourgon qui oblige à faire le voyage en deux étapes : Bouira-Sour El Ghozlane puis Sour El Ghozlane-Bordj Khreïs, avec une rallonge de 13 km. C?est, on s?en doute, le moyen le plus commode et le chemin le plus court que nous prenons ce matin en mettant le cap sur la daïra la plus déshéritée en matière d?infrastructures. Cette impression nous est confirmée dès que nous quittons la daïra d?El Hachimia, pour piquer droit devant nous vers le Sud : les travaux qui s?effectuent sur ce tronçon long de 20 km nous soumettent à rude épreuve. Nous voyageons secoués et couverts d?un épais nuage de poussière. Heureusement, on a eu droit à de jolis panoramas où l?élément dominant est le pin et une brise légère chargée de résine. Cela n?empêche pas notre chauffeur de maugréer contre la lenteur des travaux qu?il trouve excessive. Cela fait quatorze mois que cela dure, selon lui, et on n?est pas près de voir le bout du tunnel, les délais d?exécution auraient été rallongés d?autant de mois. « Si ça dure encore longtemps, nous allons arrêter. Nous tenons à notre matériel », dit-il. Heureusement, le matériel tient et nous atteignons ainsi notre destination avec quelques courbatures, mais le c?ur en fête à cause du spectacle offert par l?une de nos plus belles forêts. Tout de suite on se heurte à un embarras linguistique : faut-il appeler bourg, ville village, ces voies poudreuses et cette bâtisse un siège d?APC ? A côté, celui de la daïra semble, avec la rue très large et bien entretenue qui y conduit, un palais. Situé beaucoup plus haut, il domine le bourg. De la fenêtre à laquelle nous nous tenons, au premier étage, la vue plonge par de-là le CEM sur un tas de toits plus ou moins lépreux et beaucoup plus loin, sur la verdure entretenue tout autour du bourg par la forêt. Une daïra déshéritée En l?absence du chef de daïra, en congé, c?est son secrétaire qui nous reçoit. Le premier problème que nous abordons avec lui concerne évidemment la route. Tout ce qu?il nous apprend sur ce projet est qu?il est inscrit en PSD et que le maître d?ouvrage est la DTP. Ce projet comporte deux tronçons de route : le premier va de Oued Saâdi à Oued Ghomra, le second de Oued Ghomra à Bordj Khreïs. Le P/APC, que nous avons vu plus tard, explique les retards accusés dans l?exécution des travaux par le mauvais temps persistant qui a sévices derniers mois. L?état de la route a même, selon lui, suscité des velleités de grève chez les transporteurs publics. Mais en apprenant que les travaux ont repris dans de bonnes conditions, ils sont revenus à de meilleurs sentiments. L?eau et l?électricité sont rapidement évoquées. Certes, le problème de l?eau se pose comme un peu partout, et celui des coupures d?électricité en cas d?intempéries. Au sujet de l?eau, le P/APC ajoute que du fait qu?elle contient une assez forte teneur en sel, il faut la couper avec de l?eau douce pour pouvoir l?utiliser dans certaines préparations, comme le café par exemple. Mais, selon lui, le problème sera résolu le jour où le barrage de Tilzdit sera opérationnel. En revanche, ce qui pose vraiment problème, ce sont les coupures de téléphone auxquelles la daïra est plus sujette. Aussi l?un et l?autre responsables réclament à cor et à cri la mise en place de la fibre optique pour l?amélioration de la prestation de ce service. Ce sentiment d?isolement qui étreint cette daïra qui s?étend sur une superficie de 708 km2, pour une population estimée à 33 130 habitants, se renforce encore avec l?impossibilité de capter les programmes de l?ENTV. C?est pourquoi, fait observer le secrétaire général de la daïra, tous les foyers ici, malgré leurs moyens modestes, sont équipés de paraboles. Cette pauvreté est encore plus criante au niveau des trois autres communes, notamment Taghdit, la plus reculée des trois. A Mesdour, il y a bien une platrière qui emploie 20 personnes, mais à cause des litiges soulevés par les propriétaires des terres voisines, la fabrique est condamnée à demeurer figée sans perspective d?extension aucune. C?est pourquoi le chômage touche 70 à 80 % de la population active, malgré les différent s dispositifs sociaux mis en place et a contrario des statistiques officielles qui situent le taux de chômage à 35 %. Un centre d?examen La préoccupation la plus urgente, reste selon le secrétaire général et le président de l?APC l?obtention d?un entre d?examen à Bordj Khreïs. le P/APC raconte les tribulations des candidats au bac chaque année. Ils étaient près de 400 cette année. Etant éloignés de 32 km de Sour El Ghozlane, ils s?étaient présentés la veille de l?examen pour réclamer les moyens de transports. « Passe pour les garçons qui disposent de l?internat pendant les trois jour d?examen, déclare ce responsable, mais les filles ? » Beaucoup de pères ne voient pas d?un bon ?il l?internat et préfèrent se soigner en louant un taxi plutôt que de ne pas voir leurs filles rentrer le soir. Un hôpital ! Obtenir que l?hôpital, qui a servi de caserne au cours de la décennie noire, retrouve son statut, après sa réhabilitation prochaine est l?autre priorité à laquelle se sont attelés les responsables locaux. Mais il y a peu de chance que ces efforts aboutissent. Ce sera tout juste un centre de soins. D?ailleurs, la polyclinique, un peu plus loin, dispense le minimum de soins. En cas de problème sérieux, même de nuit, le médecin est appelé en consultation et le malade évacué par ses propres moyens vers l?hôpital de Sour El Ghozlane. Un des trois médecins qui y exercent fait la navette entre Bouira et Bordj Khreïs. Une jeune fille déplore l?absence d?un service d?urgence, d?une maternité et surtout le manque d?hygiène qui f ait que la situation sanitaire soit mauvaise. Sur le registre de consultation qu?elle semble tenir elle-même, elle relève des cas de gale, 3 cas de conjonctivite, 2 de rougeole et un de zona. Le cabinet du dentiste est fermé pour congé de maternité. Situation qui n?est pas sans faire grincer des dents les citoyens, quelque fois, qui justifie le désir du P/APC de voir un vrai directeur à la tête de l?établissement sanitaire au lieu d?un simple infirmier, afin de bien reprendre les choses en main. La mafia de la forêt De même que l?on parle aujourd?hui, selon le P/APC, de la mafia du sable, on peut parler ici à Bordj Khreïs de la mafia de la forêt. Celle-ci serait de deux espèces : celle qui massacre les arbres pour leur bois à des fins industrielles et celle qui coupe, défriche et incendie dans le but de dégager des parcelles de terre en vue d?y pratiquer des cultures céréalières. L?une et l?autre mènent leur travail de sape sournoisement et souvent de nuit pour ne pas être découvertes. Il résulte de cette dégradation systématique, une situation fort déplorable. Comme la mafia du sable, celle de la forêt doit être dénoncée sans complaisance et combattue de façon implacable, recommande notre interlocuteur. Le retour sur chemin cahoteux propose des images tristes que nous importons avec nous de ce bourg, que nous hésitons à appeler ville livrée à la misère, au dés?uvrement et surtout à l?isolement le plus total, par la beauté des lieux et l?extraordinaire qualité de l?air que nous respirons quand le nuage de poussière qui nous enveloppe se dissipe parfois.





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