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BISKRA. IIe SALON DES ARTS PLASTIQUES : Il y aura marché de l’art si...



Le second Salon des arts plastiques organisé par la maison de la culture Rédha Houhou de Biskra a pris fin . Pendant trois jours, des artistes plasticiens de 28 wilayas ont exposé leurs œuvres et sont « partis » à la rencontre de nombreux visiteurs assoiffés du beau, venus admirer les cimaises enchantées par des tableaux saisissants de diversité et de minutie dans le traitement des lignes et des couleurs.

Les artistes n’ont jamais été avares de mots et d’explications quant aux techniques utilisées, aux différents courants artistiques ayant marqué les époques et les esprits et leur vision du futur dans un pays où « l’art est la 5e roue du carrosse », selon les mots de l’un d’entre eux. Détaillant aux profanes comme aux connaisseurs leurs démarches, leurs aspirations et leurs motivations, ils ont suscité la sympathie de tous. Artistes accomplis ou en devenir ont montré une profonde et étonnante lucidité, un indéniable talent et une capacité d’analyse très pointue de la situation de l’art et de l’artiste en Algérie. Cependant, le plus saisissant « chez ces gens à la sensibilité exacerbée », reste leur soif de culture, de connaissance et d’ouverture vers l’autre. Khaled Nouri, dynamique et infatigable jeune homme responsable de l’organisation de cette manifestation culturelle explique : « Chaque artiste a exposé 2 ou 3 de ses œuvres. Des tables rondes ont été organisées avec les peintres, les calligraphes et les sculpteurs. Cette année, nous avons prévu une prise en charge totale des participants qui sont venus de toutes les contrées d’Algérie. L’hébergement et la restauration ont été pris en charge par la Maison de l’enseignant. Je remercie le public pour sa correction et tous les artistes qui ont démontré qu’ils n’avaient pas volé leur nom ». Boukerche Mohamed, peintre, sculpteur et écrivain, venu de Tipaza, est un artiste tant par la physionomie que par la structuration de son discours. Il déclare : « Je suis dans l’art depuis 30 ans. J’ai participé à de nombreuses manifestations nationales et internationales. J’ai même vendu des tableaux à des Chinois. Il y aura un marché de l’art en Algérie quand les millionnaires seront moins ignares. Pour le moment, l’œuvre d’art, c’est moi. Si je mérite le nom d’artiste, alors je suis mon propre chef-d’œuvre. Je suis le signifié et le signifiant de ma société et de mon époque. Etre artiste, c’est l’être avec ses pensées, ses tripes, et son corps. Quand le gouvernement aura payé toutes les dettes de l’Algérie, il faudrait qu’il pense à celle des artistes. Je suis toujours heureux de rencontrer des jeunes Algériens qui ont la fibre artistique. Biskra est vraiment une ville bâtie par des artistes. » Cet esthète, adepte d’un art conceptuel et doté d’une culture impressionnante, travaille en ce moment sur des « créations visuelles » ainsi qu’il termine l’écriture d’un roman intitulé Son excellence le zéro dans lequel il « passe en revue les étapes marquantes de (sa) vie ». Voilà ce qu’il dira en guise de conclusion avec un sourire malicieux, loin d’être celui d’un artiste blasé ou désespéré. Samir Khalfallah de Guelma, la trentaine entamée, 1er prix l’année dernière des « Journées maghrébines de la peinture à l’huile et de l’image numérique » organisées en Tunisie, est un portraitiste dont l’enthousiasme communicatif et le talent incontestable en font une valeur sûre. Il peint des visages d’Africains noirs. Il dit : « Dans l’histoire de l’art, les Noirs sont toujours représentés enchaînés, courbés, avilis et déshumanisés, j’ai voulu donner des visages humains à ces hommes et à ces femmes exploités depuis des siècles. Colonialisme et esclavagisme sont des crimes contre l’humanité que les artistes ont le devoir de combattre. Le wali devrait prévoir un budget pour l’achat d’œuvres d’artistes locaux pour les encourager matériellement. Une ville telle que Biskra devrait avoir plusieurs salles d’exploitation, des galeries de ventes, un musée et une école des beaux-arts ». Yacine Maghnachi, de Biskra, verse dans « le figuratif et le réalisme ». Il a ouvert, depuis quelques semaines, la première boutique d’art. Il espère pouvoir vivre de son art. Il réalise des tableaux de paysages d’oasis où les ocres du désert narguent les bleus du ciel immaculé, des ruelles étroites de ksour mythiques érigés en torchis, des palmiers majestueux aux stipes crénelés et des souks arabes de l’ancien temps. Il confie : « Je ne veux plus de cet art régi par une administration et des fonctionnaires. L’artiste a besoin de matériels, de paix et de sérénité pour produire tout au long de l’année. Ce n’est pas un meuble que l’on dépoussière pour les grandes occasions et qu’on range pour l’année prochaine. Chacun doit se prendre en charge et assumer ses prétentions artistiques. Je suis pauvre mais quand je peins, je suis le plus riche de tous ». Dans la grisaille automnale de ce début décembre froid et pluvieux, ces trois jours dédiés à l’art plastique ont été une parenthèse colorée et chaleureuse rendue possible grâce à l’esprit fertile et imaginatif d’artistes du cru national. Jamais vautrés dans le misérabilisme, les gémissements ou la complaisance, ils auront réussi à mettre du baume dans les cœurs de tous les visiteurs de ce modeste Salon, car au-delà de la beauté de leurs œuvres, ces artistes, fiers et déterminés, laissent entrevoir qu’ils sont une aubaine pour l’Algérie, qui peut se targuer, sans honte, d’avoir de tels enfants.


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