Algérie - Patrimoine perdu, volé ou confisqué

Belhaï Djelloul. Professeur de géologie et chef d’équipe planétologie à l’USTHB : «7070 météorites algériennes sorties illégalement d’Algérie»




Belhaï Djelloul. Professeur de géologie et chef d’équipe planétologie à l’USTHB : «7070 météorites algériennes sorties illégalement d’Algérie»
Belhaï pouvez-vous nous brosser un tableau du domaine de recherche qui est le vôtre, spécialement ce qui concerne les météorites ?
Je vous remercie pour l’occasion que vous m’offrez pour parler d’un domaine scientifique particulier, celui des météorites qui sont des roches. Mais pas n’importe quelles roches. Ce sont des roches qui tombent du ciel ! Quand on a dit à Aristote que des pierres tombaient du ciel, il a répondu, «que si des pierres tombent du ciel, c’est que les vents les auront soulevées». La controverse sur l’origine des météorites va persister jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

Ce n’est qu’en 1803, que les arguments de Chladni (1794) et Jean Baptiste Biot (1803) amènent l’académie des sciences française à reconnaître le caractère extraterrestre des météorites. Une météorite est un objet qui, provenant de l’espace, traverse l’atmosphère et atteint le sol. Sa dénomination vient du fait qu’on attribuait les météores aux phénomènes météorologiques comme la foudre, les éclairs, le tonnerre, etc., Aujourd’hui, on sait que les météorites proviennent principalement de la ceinture d’astéroïdes et d’autres proviennent de la planète Mars et de la Lune. On distingue les météorites non différenciées dites chondrites et des météorites différenciées (achondrites). On parle de chute lorsqu’on observe l’arrivée de la météorite avec sa date précise comme la chute d’El Idrissia à Djelfa en mars 2009.

Les trouvailles sont les météorites retrouvées bien après leur chute sur Terre. Une météorite est reconnue en vérifiant la présence à sa surface d’une croûte de fusion, d’aspect noirâtre et d’une épaisseur d’un millimètre. Et si, dans le cas d’objets pierreux, on peut apercevoir la présence de chondres (petites billes) à l’intérieur, dans la matrice. Comparer la couleur de la matrice avec celle de la croûte de fusion si elle est visible. La présence de grains de métal disséminés dans la roche est caractéristique. La réaction positive au fer natif qui attire les aimants avec l’aiguille d’une boussole. Vérifier également la présence de regmaglyptes, et l’aspect général extérieur arrondi et anguleux.

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C’est avec à la datation des météorites (chondrites) qu’on connaît l’âge de la terre et du système solaire qui est de l’ordre de 4,56 milliards d’années. Tout récemment, des scientifiques, notamment français, ont daté une météorite trouvée en mai 2020 sur le sol algérien dans l’Erg Chech au sud-ouest d’Adrar (26°1’54’’ N et 1°36’38’’ W). Elle pèse 31,78 kg. Baptisée EC 002, ces chercheurs ont montré qu’il s’agit de morceau d’une croûte d’un astéroïde, une andésite (roche volcanique), dont l’âge a été déterminé à 4,565 milliards d’années, ce qui en fait la roche magmatique la plus ancienne provenant de l’espace trouvée sur Terre.

Le Sahara algérien représente la moitié du ce grand désert partagé par plusieurs pays. On estime à 14 000 le nombre des météorites qui y sont tombées donc à priori 3500 sur notre territoire. A ce jour, seulement 800 d’entre elles sont reconnues comme algériennes. Comment expliquer cet état de fait ?
Officiellement on connaît 700 météorites répertoriées et reconnues comme algériennes, mais le nombre est beaucoup plus important si on considère les météorites NWA (North West Africa). Chaque année, ce sont des dizaines de météorites, qui ont une valeur marchante eu égard à leur rareté et leur intérêt scientifique, qui quittent le territoire algérien par les méandres de la contrebande et atterrissent dans les laboratoires étrangers par le biais de chasseurs de météorites qu’ils soient nationaux ou étrangers. Les laboratoires algériens ne profitent pas de cela malheureusement. Les météorites reconnues algériennes sont au nombre de 704, alors que statistiquement, sur les 13845 recensées pour tout le Sahara, au moins 49% seraient d’origine algérienne, si l’on tient compte que le Sahara algérien couvre 49,5% de tout le désert nord-africain, malien et nigérien. Les météorites tombées en Algérie et baptisées NWA seraient alors de 6370, et si l’on rajoute les 704 reconnues algériennes, elles deviendraient 7070 météorites algériennes, sorties illégalement d’Algérie.

Au cours de votre carrière, vous avez à différentes reprises porté la question des météorites aux plus hautes instances de l’Etat en faisant des propositions pour mettre fin aux pratiques frauduleuses qui pillent ce patrimoine national. Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet ?
Oui, en effet, j’ai essayé et j’essaie toujours d’attirer l’attention des autorités sur la nécessité de créer un Centre ou un Museum pour, d’une part, déposer les météorites, les conserver et les étudier, et d’autre part promulguer des lois pour les protéger et amener les chasseurs de météorites à les écouler sur un marché interne et de façon légale vers un organisme capable de les conserver et de les étudier. Il faut saluer le rôle de la Gendarmerie nationale et les autres services de sécurité qui déploient des moyens légaux pour protéger et rapporter des météorites.




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