Algérie

Béjaïa, AOKAS, Voyage à l’intérieur de la grotte féerique




La visite prend forme à l’entrée d’une porte en verre. Le guide fait quelques pas devant un groupe de touristes curieux et impatients de découvrir et de confirmer tout ce qui se raconte à propos de cette grotte, qui ne se fait, tout de même, connaître que de bouche à oreille.
Le guide grimpe quelques escaliers pour dominer l’ouïe attentive des visiteurs. C’est la première escale, on y raconte souvent l’histoire de la grotte : elle remonte, en fait, au moins à la fin de l’ère du crétacé, parce que c’est la craie qui a laissé place à cette poche d’air en plein coeur de la montagne (Ima Tadrart). Mais il faut compter aussi juste après la baisse du niveau de la mer, sinon avant, la grotte était inondée et la concrétion calcaire n’était pas possible. Tout à coup, le groupe devient stupéfait, comme surpris, soit par ce chevauchement des ères, soit par cette remontée lointaine dans le temps, ils savent que c’est à plus de cent millions d’années.
La découverte par hasard de la grotte: en 1962, une société franco-italienne, lors du perçage du tunnel, abritant actuellement la RN9, les ouvriers s’aperçoivent de la présence d’une poche d’air, qui est, en fait, le bout d’une galerie de 63 m, et qui conduit vers une grande salle appelée Le Grand Salon. Immense galerie d’art ou un musée, dirait-on, où on peut admirer des chefs-d’oeuvre non achevés, auxquels la nature continue d’apporter des retouches d’une main lente et délicate. Avant de pouvoir admirer tous ces prestiges naturels, avant d’aller faire le même rêve que la nature a fait il y a des millions d’années, les visiteurs sont priés de ne pas toucher les roches parce que, aussi sensibles au toucher que le sont les yeux à leur éclat. Quelques pas...et c’est le Grand Salon. Et devant cet éblouissant paysage, tout le groupe se remet à rêver, et des doigts se levèrent machinalement vers des formes que certains ont déjà reconnu la ressemblance, après on a souvent du mal à expliquer que toutes ces sculptures ne sont qu’oeuvre de la nature et que l’homme n’y est intervenu aucunement.
Le groupe semble non intéressé quand on parle de la forte présence de la calcite et de l’oxyde de fer dans les roches, mais nettement perçue leur désolation quant à la pollution qui range ces prestiges naturels comme, en fait, un cancer sur un malade.
Et tout d’un coup, les stalagmites se mettent à vivre, racontant des fables et légendes représentant des animaux, des objets, des tableaux, des hommes et des femmes. C’est ainsi qu’une tortue géante se met à nous fuir, un bébé phoque nous tourne le dos. Quelques pas de plus et on aperçoit un Targui qui semble observer un horizon lointain, et puis une émouvante scène: de toutes ses forces, une dame serre un enfant dans ses bras, et puis des châteaux de type romain, la Coupe du monde de football. Et d’un coup, deux dauphins surgissent de l’eau, une momie égyptienne aussi sereine que mystérieuse, des cathédrales, et la plus belle colonne ayant une ressemblance frappante à la fameuse Tour de Pise, joue un double rôle: soutenant la voûte telle une des colonnes de ces antiques constructions grecques d’une part, et d’une autre, par sa beauté rarissime, sert d’objet de décoration. Un aigle royal, la Tour Eiffel, un bout d’une falaise, un vieux cimetière apparaît à travers un éparpillement de pierres tombales et au milieu une femme portant un enfant. Ensuite, une scène plus gaie: un bébé jouant avec sa maman. Ensuite, une roche prend la forme d’une fille, de dos, coiffée d’une longue tresse. Et puis, les regards plongent dans un lac, et les esprits, au lieu de se préoccuper du crocodile qui s’y trouve, s’interrogent, plutôt, à propos des pièces de monnaie qui l’entourent ; le lac des voeux. Une passerelle nous fait survoler le lac et on enchaîne avec d’autres personnages et d’autres scénarios. Sur une falaise, un vieil homme, une femme portant une cruche. En plein milieu de la falaise, un petit gorille.
En une autre roche, le Hoggar ne peut être mieux représenté et juste à côté, trois femmes targuies. On quitte le Tassili et les préparatifs d’un mariage se font à travers des réalisations de sculptures naturelles.
L’artiste nous présente une femme agenouillée roulant du couscous, une mariée, une pièce montée.
Deux roches présentent une ressemblance auditive cette fois-ci ; l’une résonnant en y tapant dessus tel un tambour, et des lamelles de pierre correspondent chacune d’elles à une note musicale d’un xylophone.
Après cette pause musicale, les visiteurs enchaînent avec d’autres formes, d’abord, un petit oiseau surveille de loin un petit oeuf dans un nid, un index montre un joli flambeau allumé, un dromadaire sur une dune, un roi, un lapin, la Sainte Marie, telle une icône, tenant le petit Jésus dans ses bras, un immense olivier coupé, une énorme niche au chocolat gardée par un petit caniche, enlevant aux visiteurs ainsi tout espoir de pouvoir la départager après ce long voyage temporel de quelques millions d’années, et spatial en faisant un tour de 4100m.
Et là, les visiteurs se rendent compte qu’on est au bout du couloir qu’on a emprunté pour entrer, et ce dernier va aussi nous servir de sortie.
Chaque visiteur se fait la promesse de revisiter la grotte féerique, à chaque lois qu’un bon vent le ramène à Aokas.


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