Algérie - A la une

Baromètre du niveau culturel et espace de convivialité


Le café était à une certaine époque une école exclusivement réservée aux hommes, où chacun avait au quotidien, l'opportunité de se mesurer aux autres par le verbe et le jeu de dominos.Le café auquel les occupants étrangers ont ajouté le qualifiant maure par référence à notre histoire, était ouvert à tout le monde : aux fellahs qui, éreintés par une longue journée de travail, venaient là pour trouver délassement et bonheur, ou à tous ceux qui mouraient d'ennui parce que la localité ne leur procurait aucune possibilité de se défouler pour se sentir comme partie intégrante d'un ensemble social organisé. Chacun aspire au défoulement dans les moments de fatigue ou de contrariété. On venait, du temps de nos aînés, au café pour une cure de remise en forme qui redonnait de l'espoir et du tonus nécessaires à la vie dure d'un temps où il fallait une organisation ingénieuse pour faire vivre une famille souvent nombreuse. Mais nos aïeux s'en sont sortis honorablement.
Un espace d'échanges fructueux
Cela signifie que nos anciens utilisaient un langage populaire recherché dont chaque mot qui sort de la bouche d'un participant à l'échange, est supposé avoir été pesé pour sa polysémie. Il arrivait que l'on s'adonnât à de véritables joutes oratoires. Ce fut le cas, à une époque où le café n'existait que dans un marché en plein air et où le cafetier préparait les boissons de manière traditionnelle avec des ustensiles posés sur trois pierres en guise de trépied au milieu duquel un feu était maintenu allumé.
Les clients étaient généralement réguliers et venaient de partout pour se retrouver au tour du cafetier en s'asseyant à même le sol. Et en buvant à petites gorgées du café ou du thé, on se racontait les problèmes de la vie en usant de métaphores, de paraboles de métonymies, sinon de symboles que les partenaires saisissaient au vol et lorsque le niveau culturel le permettait, ces rencontres alternées étaient agrémentées de légendes anciennes.
Nous sommes à une époque où les intravertis devaient subir un apprentissage auprès des maîtres du verbe et de la sagesse populaire.»Au café maure», titre d'un ouvrage de Mohamed Dib, on se rencontrait non pas seulement pour se concerter, se communiquer les dernières nouvelles, mais aussi pour se donner des conseils demander de l'aide ou des idées pour travailler, formuler des demandes en mariage. Les hommes qui se chargeaient de ces missions délicates avaient le sens de la parole donnée, de l'honneur, du savoir être.
Puis avec l'évolution, dans le mauvais sens
On a introduit les jeux comme les dominos, les cartes, le loto qui ont changé les mentalités en mal. Les gens ont accepté le processus d'aboutissement par l'apprentissage du vocabulaire des jeux : doubli dose, jeu fermé, l'as de pic etc. L'assimilation de cette terminologie s'est faite rapidement chez les passionnés ou les mordus des jeux et ceux qui viennent en spectateurs pour ne pas dire en supporters. Un nouvel état s'est installé au bout de quelques décennies et fondé sur l'appât du gain.
Celui qui gagnait se faisait payer toutes les consommations. Avec d'autres jeux, c'est des caisses de bananes ou de dattes qu'on pouvait emporter à la maison, après les avoir gagnées, c'est du»qmar«interdit pourtant par la morale et la religion. De plus en plus de bruit se dégageait des cafés maures. Ajoutez la fumée des fumeurs de cigarettes et les crachats de chiqueurs qui en usaient pour se maintenir dans les jeux engagés. Avec l'apparition des moyens, les cafés se sont désaffectés en se transformant souvent en salles de cinéma ou de soirées musicales.
Les gens ont suivi les mouvements de modernisation accompagnés de perversion. Les films parlants venaient d'arriver et on ne s'en privait pas sous prétexte qu'Ill n'y avait point de téléviseurs, ni d'émissions radiophoniques dans les foyers. La suite, on la connaît. Au bout d'un temps record, les ordinateurs, les portables sophistiqués ont occupé l'espace. Proposez à des gens de venir voir un film dans un café, comme dans l'ancien temps. Vous verrez la réponse.
Notre problème est qu'aujourd'hui on n'a pas appris à gérer son temps à bon escient. On passe des années à téléphoner en ignorant les bienfaits de la lecture et du théâtre, facteurs de développement de la culture. Et les décennies défilent.
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