Algérie - Revue de Presse


Effacement ou repli tactique ? Qu?est-ce qui a changé aujourd?hui pour que la présence d?un chef d?Etat algérien à un sommet de la francophonie ne soit accompagnée d?aucune levée de boucliers ? Il n?est pas très loin pourtant le temps où la simple idée de rallier cette instance était vite inscrite au registre de la trahison : de multiples voix s?empressaient de le crier publiquement, pointant du doigt ce fameux « Hizb França » (parti de la France), diabolique trouvaille pour vouer aux gémonies coloniales quiconque usait de la langue de Molière ou manifestait quelque penchant pour la francophonie. Est-ce l?effacement du courant idéologique qui a toujours ?uvré pour l?élimination de l?usage du français au prétexte qu?il est à l?origine de la faiblesse de la percée de la langue arabe ? Ou est-ce un simple repli dicté par « l?effet Bouteflika » qui, dès le début de son premier mandat, manifesta une opinion contraire aux détracteurs de la langue de Molière qu?il traduisait souvent sur le terrain, notamment en parlant publiquement le français. A titre individuel ou regroupées en associations, diverses personnalités tentèrent longtemps de peser sur la sphère politique pour l?amener à bouter hors d?Algérie la langue française, y compris par le recours à la législation. Votée par le Parlement au début de la décennie 1990, une loi sur la généralisation de la langue arabe consacra ce combat dans lequel s?impliqua fortement le FLN. En 1996, le chef du gouvernement de l?époque, Ahmed Ouyahia, réactiva ce texte qu?adopta le Conseil national de transition (CNT), lequel fixa à juillet 2002 sa mise en ?uvre totale. Celle-ci s?avéra cependant impossible car le recours au français était courant, voire systématique, dans des secteurs aussi vitaux que l?administration, l?entreprise et l?enseignement supérieur. Son gel apparut une nouvelle fois nécessaire, car c?était la survie de l?Etat qui était en jeu, ce que fit Bouteflika qui, par ailleurs, commença à manifester de l?intérêt politique pour la francophonie. L?introduction du français en deuxième année de l?école fondamentale fut l?autre acte concret le plus significatif de sa volonté de réhabiliter la langue de Molière que Kateb Yacine qualifia de « butin de guerre » pour les Algériens. Il y eut également toutes ces mises en garde d?intellectuels sur le danger d?une démarche qui ne réponde pas aux réalités linguistiques de la société algérienne, évacue le poids de l?histoire et tourne le dos aux données économiques et sociales : ils plaidèrent pour une politique linguistique qui trouve son sens dans la diversité des langues nationales que sont l?arabe et le tamazight et dans l?urgence de s?ancrer dans le monde des sciences et des technologies. Dire aujourd?hui que les adversaires acharnés de la langue française - souvent ce sont les mêmes qui combattent le tamazight - ont revu leur copie, c?est aller vite en besogne. L?hostilité qui a accompagné la publication du rapport sur la réforme de l?école et l?avant-projet du code de la famille laisse croire qu?en Algérie le courant conservateur, étroitement associé aux islamistes, reste toujours vigilant et offensif sur les questions doctrinales. Il agit par à-coups, au gré des rapports de force, sachant marquer des points lorsque la conjoncture s?y prête et opérer des reculs tactiques quand les conditions politiques lui sont favorables.
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