Algérie

Bac d?hier et d?aujourd?hui




Dans la tourmente de ces dernières décennies, bon nombre de grandes valeurs sociales et culturelles ont sombré. Parmi les rares survivantes, il y en a une qui se distingue particulièrement : le baccalauréat. Ce fameux papier est devenu une valeur-refuge pour les familles, mais d?une manière bien particulière. D?abord les parents ont fait leur deuil de la notion de réussite liée traditionnellement au bac. Ils n?y voient pas le couronnement d?un savoir de base dont ils devinent la faiblesse et surtout ne le sacralisent pas, conscients qu?il n?ouvre aucune porte du monde du travail. Le diplôme peut certes servir à entrer dans l?université, mais celle-ci est devenue impitoyablement sélective, marginalisant la grande armée des « sans mentions », ces bacheliers du « deuxième collège » poussés vers des filières sans attrait et sans avenir. Et comme elles sont coupées du monde du travail, fonctionnent pour elles-mêmes, ainsi qu?au gré d?une demande sans cesse élevée que le politique doit prendre en charge, les facultés et les écoles sont devenues des fabriques de chômeurs. Le bac n?est plus ce fameux passeport pour la réussite, laquelle passe par d?autres voies : l?argent, l?affairisme, la débrouillardise et le piston. Et cela les familles le savent. En revanche, le bac a, pour elles, une grande vertu : à travers leur enfant diplômé, elles existent socialement. Ce n?est pas seulement la famille élargie qui va être concernée par la réussite, mais tout le voisinage et l?ensemble des amis. Comme pour un mariage, la fête du bachelier, la plus grandiose possible, va épuiser allégrement les économies de la famille. Celle-ci exprime ainsi autant sa singularité dans le cruel anonymat ambiant que son désir et sa volonté de se voir reconnaître une place. C?est la réponse de la société algérienne à l?histoire chaotique de ces dernières décennies qui l?a complètement déboussolée, lui faisant perdre ses repères et ses valeurs les plus essentiels. Le bac est une petite bouée de sauvetage dans l?océan des fractures et des incertitudes. Il a perdu sa qualité de simple ticket d?entrée dans l?enseignement supérieur, car l?Algérie n?a pas encore réglé la crise qui l?étouffe. S?il n?a plus sa vocation originelle, il a au moins le mérite de participer au réancrage culturel et social des familles algériennes. Et cela elles en ont bien besoin.

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