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Audiovisuel : qui mettra fin aux dérapages '


Le directeur général de la chaîne de télévision privée El Hayat est de plus en plus invectivé sur les réseaux sociaux à cause de sa propension à dépasser, lors de ses passages à l'antenne, les limites autorisées par la déontologie. Ses attaques impromptues, les dernières du genre, contre le RCD, ont incité des internautes, devenus experts dans le domaine, à recourir au fameux Var et remettre sur la Toile des interventions antérieures jugées inconvenantes : la stigmatisation de ceux qui rejettent le dialogue avec le pouvoir dans la case "de minorité à éliminer" (décembre 2019) et des propos virulents contre l'athlète qui a porté, sur le podium, l'étendard amazigh au lieu du drapeau national (juillet 2019). Un commentaire est particulièrement saisissant : "Nom : Habet Hanachi. Profession : Anis Rahmani." C'est dire que l'opinion publique décèle, à tort ou à raison, une prédisposition du propriétaire de la petite chaîne qui prend rapidement les allures d'une grande, à utiliser les méthodes peu orthodoxes que le patron du groupe médiatique Ennahar a érigées en règle dans l'exercice de la profession. Anis Rahmani, en détention préventive à la prison de Koléa depuis le 12 février dernier, s'est carrément spécialisé dans la diatribe et les atteintes à l'intégrité morale des personnalités, en sus d'avoir servi, pendant plus de vingt ans, de canal de propagande du régime.Le lynchage médiatique, dont a été victime le président Abdelmadjid Tebboune l'été 2017, après son limogeage du Premier ministère, puis pendant la campagne électorale de la présidentielle du 12 décembre dernier, a été, sans doute, la goutte qui a fait déborder un vase plein d'actes de diffamation et, parfois, d'incitations à l'agression morale. Deux exemples édifiants. En 2014, les activistes dans le mouvement Barakat ont été traités d'inféodés au sionisme. En mai de l'année écoulée, un présentateur de la chaîne Ennahar TV a épilogué l'information sur l'arrestation du général à la retraite, Hocine Benhadid, par une phrase assassine, littéralement en ces termes : "Celui qui veut libérer son pays doit charger son arme de dix balles. Une pour l'ennemi et les neuf qui restent pour les traîtres." Le média d'Anis Rahmani n'est, certes, pas un cas isolé dans le champ audiovisuel. Les dérives des chaînes de télévision offshore, et mêmes celles publiques, sont innombrables.
En décembre dernier, A3 a diffusé une vidéo d'un citoyen assimilant les opposants au scrutin présidentiel à des "zouaves". Un qualificatif péjoratif, puisant sa référence dans les unités coloniales d'infanterie. Le 30 juin, le même canal sème le doute sur le passé révolutionnaire de Lakhdar Bouregâa, placé en mandat de dépôt au centre pénitentiaire d'El-Harrach. L'on se rappelle également la transmission, par Echourouk TV, de l'appel au meurtre du prédicateur salafiste Abdelfatah Hamadache contre le journaliste-écrivain Kamel Daoud qualifié d'"apostat" et de "sioniste". Des caméras cachées aux contenus violents, des émissions construites sur le charlatanisme, les m?urs et les conflits familiaux ou conjugaux, des reportages à effet sensationnel (celui sur la prostitution dans les cités universitaires est un cas d'école), les faux scoops, la délation, les débats orientés, l'information sélective? Ce sont là quelques principes de la charte anti-éthique professionnelle, adoptée par les médias lourds en Algérie. La situation n'a pas évolué. Elle a été juste dévoilée par le mouvement citoyen, interdit d'antenne dès que la parenthèse du 5e mandat a été fermée dans le sillage de la démission d'Abdelaziz Bouteflika de la magistrature suprême. La réjouissance collective exprimée le jour de l'incarcération d'Anis Rahmani est symptomatique du rejet viscéral de ces chaînes.
Les pouvoirs publics sont, visiblement, conscients du marasme. Ahmed Ouyahia l'a évoqué quelques semaines à peine avant son éviction du Palais du gouvernement. À l'époque, le président de l'Arav (Autorité de régulation de l'audiovisuel), Zouaoui Benhamadi, lui a répliqué : "Il y a des dérives. Le danger est prégnant. Nous sommes en train de prendre un chemin très dangereux. Certains médias sont devenus des canaux de la peur et de la haine. Cette situation n'est pas tolérable." C'était le 2 avril 2019. Et depuis, selon toute vraisemblance, rien n'a changé.

Souhila H.
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