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Au rendez-vous de la mémoire




Au rendez-vous de la mémoire
Au centre, Madame Djoher Amhis-Ouksel, la conférencière; deuxième à partir de l'extrême gauche, Lotfi Khouatmi, président de l'Association des Amis de Miliana Art et Culture; deuxième à partir de l'extrême droite, Lounis Ait Aoudia, président de l'AssociaDans l'ambiance chaleureuse d'une rencontre de ressourcement, la cérémonie a été inaugurée par la diffusion d'une chanson en tamazight sublimement interprétée par la diva de renom international, à la voix de soprano, Amel Brahim-Djelloul qui connaît un grand succès en Europe.
C'est à la faveur d'une splendide journée automnale du vendredi 29 septembre dernier que Djoher Amhis s'est rendue à Miliana à l'invitation des amis de Miliana Art et Culture, une association très active qui s'investit pour la promotion du livre et de la culture dans cette ville traditionnellement attachée à sa vocation ancestrale, civilisationnelle et historique présidée par le docteur Lotfi Khouatmi.
Celle que l'on appelle par considération affective Na El Djoher, a du haut de la «baraka» de ses 90 ans répondu avec enthousiasme à la sollicitation de donner une Conférence littéraire dans cette capitale des majestueux monts du Zaccar et de saisir ainsi l'opportunité d'une circonstance inouïe pour développer un thème porteur d'actualité intégré dans le cadre de la consécration nationale et officielle du Centenaire de la naissance de l'éminent chercheur écrivain Mouloud Mammeri.
Un voyage initiatique et un pèlerinage de la mémoire
Pour Na El Djoher cela s'apparentait à un voyage initiatique et à un pèlerinage de la mémoire, elle qui, avec émotion, allait revisiter en compagnie des Milianais l'oeuvre colossale et le parcours de Mouloud Mammeri, une immensité de la culture algérienne.
Au programme de ce ressourcement mémoriel, était prévue la visite du lycée Mohamed Abdou au centre-ville de Miliana pour celle qui a sentimentalement renoué avec ce lieu très évocateur et qui était à l'époque l'Ecole normale d'institutrices, où la jeune bachelière Djoher Amhis-Ouksel, âgée de 17 ans était étudiante en 1ère année au cours de l'année 1945.
Dès l'entrée à l'intérieur de l'établissement, une bâtisse imposante par son architecture d'art classique et son impeccable entretien, celle-ci était visiblement émue lorsqu'elle s'est exclamée d'une voie entrecoupée d'un long soupir: «Incroyable, me revoilà revenue par bonheur après plus d'un demi-siècle, 72 ans exactement en un lieu où j'ai vécu ma prime jeunesse qui m'a fait découvrir la réalité de la condition de notre statut d'indigénat par les vexations et le mépris affichés à notre égard par certaines professeures» et d'ajouter avec force «c'est ici en ce lieu qu'a surgi ma prise de conscience qui fut un déclic à mon éveil nationaliste».
Miliana, ville de patrimoine ancestral
Dans le prolongement de cette quête de la mémoire de Na El Djoher, nous avions été les hôtes à déjeuner de l'association dans une magnifique douéra resplendissante par sa réfection, sa valorisation et surtout sa décoration artistique raffinée de plantes luxuriantes de senteurs, qui nous a rappelé un instant la casbah d'Alger des belles journées d'antan avec son«fel, son h'bek et son aromatique jasmin, yasmine».
Un authentique patrimoine précieux ainsi restauré, conservé et mis en valeur par la famille Abdelwahab propriétaire qui accomplit en exemple une oeuvre de sauvegarde salutaire des vestiges de qualité muséale.
C'est dans l'enceinte de ce site patrimonial que s'est tenue au théâtre Mahfoud Touahri la conférence thématique sur Mouloud Mammeri magistralement animée par la doyenne des écrivains de la mémoire Djoher Amhis-Ouksel.
Dans l'ambiance chaleureuse d'une rencontre de ressourcement, la cérémonie a été inaugurée par la diffusion d'une chanson en tamazight sublimement interprétée par la diva de renom international, à la voix de soprano, Amel Brahim-Djelloul qui connaît un grand succès en Europe.
Ce fut au tour du président de l'association de Miliana d'enchaîner les souhaits de bienvenue à l'assistance avec une introduction sur l'impact d'une rencontre culturelle à Miliana qui contribuera ainsi à la célébration du Centenaire de la naissance de Mouloud Mammeri.
Mouloud Mammeri revisité à Miliana
L'auteur de ces lignes lui succédera pour une intervention synthétisée et centrée sur l'immensité d'une oeuvre à découvrir continuellement tant sa richesse incommensurable et féconde de la connaissance constitue un véritable patrimoine «Mammerien»qui est un legs très précieux à immortaliser pour le rayonnement universel de la culture algérienne.
Et de conclure par cette affirmation: «L'oeuvre d'éclat gigantesque de Mouloud Mammeri est une foisonnante encyclopédie de savoir scientifique et culturel perpétuellement à découvrir dans l'esthétique raffinée de son art et la philosophie humaniste de ses valeurs d'universalisme.»
Djoher Amhis, avec une démarche communicative et pédagogique, a instructivement, explicité l'oeuvre, l'apport, le savoir et la connaissance du penseur et visionnaire Mouloud Mammeri.
Son parcours d'infatigable chercheur, sa lumineuse érudition, ses oeuvres multiples de création littéraire, poétique et ses savantes traductions ont été brillamment retracées par Djoher Amhis dans le style didactique qui est le sien pour en dresser une anthologie créative d'anthropologie et d'histoire de ce vaste univers.
Et pour compléter cette genèse, il est judicieux de se référer à cette substantielle rétrospective de Djoher Amhis qui a captivé st séduit un auditoire très attentif dans un silence de recueillement, d'admiration et de reconnaissance à l'endroit de l'illustre symbole d'algérianité, du savoir et de la connaissance universels.
«Mouloud Mammeri, homme de culture, n'établit aucune frontière, et c'est naturellement, qu'il atteint l'universalité.
Comme Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Aimé Césaire et Frantz Fanon, sa démarche reflète sa philosophie et son rapport à l'humain: la foi en l'homme.
Une démarche intellectuelle qui souscrit constamment à la défense des valeurs universelles: générosité, esprit de justice, altruisme, compréhension de l'Autre pour aller vers lui, contre toute forme de violence, de tyrannie, contre tout ce qui porte atteinte à la dignité de l'être humain».
«Toutes ses oeuvres témoignent d'une quête pacifique, d'un désir profond de ne pas voir sombrer dans l'oubli, sa culture, celle de tous les Algériens.
Il était nécessaire de donner des repères à toute une jeunesse dé-sorientée. Il fallait aider à leur prise de conscience et les sensibiliser à la richesse de leur histoire, de leurs langues et ainsi se réapproprier un patrimoine qui plonge ses racines dans une longue histoire, un passé lointain.»
Eloquente narration de niveau académique de Djoher Amhis-Ouksel sur l'étendue incommensurable de l'oeuvre de Mouloud Mammeri qui en repère-legs de la jeunesse et des générations futures devra étre inclue dans les programmes scolaires et universitaires pour constituer ainsi un apport scientifique et culturel majeur pour la connaissance et la valorisation d'un patrimoine plurimillénaire dans ses fondements humains structurants d'algérianité et d'universalité.
Dans une harmonie chaleureuse, un intermède lyrique et poétique a été interprété par le barde multilingue en arabe algérien, tamazight et français réputé de la verve musicale et traditionnelle, Rachid Rezzagui qui, dans la réjouissance, a enchanté l'auditoire dans un moment de convivialité et de ressourcement aux sons de douceurs mélodieuses et de rythmes vibrants des airs pathétiques d'autrefois.
À l'issue de cette féconde intervention, un débat très fructueux a permis à une assistance ravie de dialoguer et d'échanger avec l'émérite conférencière pour connaître davantage le patrimoine immatériel dans l'oeuvre de Mouloud Mammeri.
En la circonstance, les armoiries mémorielles et du souvenir de la ville de Miliana ont été évoquées par les convives pour se remémorer l'élogieux palmarès des personnalités de grand prestige, qui, à la fierté des Milianais, ont séjourné dans leur ville.
Alphonse Daudet et Taos Amrouche à Miliana
Le mythique écrivain français de notoriété mondiale Alphonse Daudet auteur entre autres des «Lettres de mon moulin et Tartarin de Tarascon,» malade, atteint de phtisie a séjourné à l'ancien hôtel du Commerce de Miliana en 1861 aujourd'hui en ruine au paradoxe de l'inexistence d'une plaque commémorative d'un tel épisode culturel très saillant.
La célébrissime écrivaine, Taos Amrouche, poétesse, cantatrice de grande notoriété des sublimes envolées de complaintes des «achouik» ancestraux aussi a été élève à l'Ecole normale d'institutrices de Miliana au début des années 1930.
Les noms historiques des glorieux Mohamed Bouras, Mustapha Ferroukhi et Amar Ali, le légendaire Ali la Pointe de la casbah d'Alger, une fresque d'effigies et de repères-phares de leur ville natale de Miliana, ont intensément plané dans la ferveur au cours de cette communion de la pensée collective.
Miliana: un vivier évocateur du Mouvement national
Enfin, leur ont succédé vers les années 1943-44, élèves en cette période de guerre à l'école de garçons, actuellement Lycée Mustapha-Ferroukhi, enrôlés également, avec l'exaltation nationaliste, dans les Scouts Musulmans Algériens (SMA) du célèbre foudj (groupe Ibn Khaldoun de Miliana) des figures emblématiques du Mouvement national indépendantiste à l'image de Hocine Ait Ahmed, Laïmeche Ali, Mebarek Aït Menguellet, Amar Ould Hamouda et d'autres jeunes militants avant-gardistes de premier plan, Idir Aït Amrane, Saïd Chibane et leurs camarades trop nombreux pour être tous cités ici.
Aussi, un octogénaire, âgé de 87 ans, très avenant, Kastali Hadj Abed, présent à la conférence, a tenu avec une marque de grande considération et de fidèle reconnaissance, à révéler avoir été un élève du regretté professeur Cheikh Bouamrane, ancien président du Haut Conseil islamique, lequel était à l'époque, instituteur à l'ex-Ecole Maubourguet, actuellement Larbi Tebessi à Miliana, au cours de l'année 1947, pour devenir plus tard lui-même le doyen des instituteurs algériens de langue française à Miliana.
Invraisemblable est cette magique rotation temporelle de la destinée, dès la fin des années 1940, Cheikh Bouamrane a quitté Miliana pour rejoindre son poste de mutation d'Alger, à l'école de garçons de l'ex-Rampe Vallée aujourd'hui Louni Arezki au sein de laquelle j'ai été scolarisé avec le bonheur de l'avoir eu comme premier instituteur au cours de l'année 1950 et dont je garde avec ses nombreux élèves du quartier et de la Casbah aujourd'hui tous septuagénaires, un souvenir attendri de reconnaissance et de gratitude.
Ceci avec une pensée affective à Ahmed Benblidia, également natif de Miliana, Inspecteur de l'Académie d'Alger à l'indépendance du pays dont j'ai bien connu et apprécié ses valeurs de rectitude en ma qualité d'enseignant détaché administrativement dans cette institution.
Pour le succès de cette importante édition du Café littéraire de Miliana, le Haut Commissariat à l'amazighité, à travers son persévérant et coopératif secrétaire général Si El Hachemi Assad empêché en cours de route vers Miliana pour des raisons imprévues d'être de la partie comme ardemment souhaité, a cependant contribué par l'attribution au public d'un lot d'ouvrages d'Actes de séminaires et de colloques scientifiques et d'une oeuvre biographique de Idir Aït Amrane dont le parcours et celui de ses illustres compagnons est ci-dessus retracé. C'est dans une liesse conviviale que la clôture de l'évènement culturel a eu lieu avec la remise d'un magnifique portrait de Mouloud Mammeri, tramé dans un décor patrimonial du Carillon de la Place centrale de Miliana, offert par Sadek Brahim-Djelloul, père de la grande soprano Amel, sous une valse d'applaudissements nourris, d'un public ce jour-là à l'unisson.
Cette rencontre des adeptes du patrimoine et de la culture à Miliana constitue une action qui revêt un impact stimulant, suscité auprès de l'assistance qui a participé à l'analyse méthodologique d'un cursus d'anthropologie culturelle, brillamment développée par la pédagogue de notoriété Djoher Amhis-Ouksel, à travers l'oeuvre monumentale et le parcours fabuleux de Mouloud Mammeri.
Celle-ci s'est désormais érigée en un immense héritage patrimonial immatériel d'universalité, à immortaliser et à perpétuer à travers les cycles générationnels et la postérité.
Le mouvement associatif: une matrice sociétale, féconde de création, d'animation, d'expansion et de rayonnement culturel
Encore une fois, le ressourcement de la mémoire, la résurrection du souvenir avec le patrimoine et ses fragments d'histoire étaient à ce rendez-vous du savoir et de la connaissance, grâce à la louable initiative des animateurs du Café littéraire de Miliana.
Une rétrospective culturelle d'actualité et d'opportunité, afin de rappeler le rôle prépondérant du mouvement associatif et de la société civile qui sont les artisans pérennes d'édification et de rayonnement du substrat culturel et de ses segments de valeurs structurantes d'algérianité et d'universalité incarnée dans la symbolique du Centenaire de Mouloud Mammeri.


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