Algérie - A la une

Au pays des guillemets Constances



On commence déjà à s'amuser, avec la prochaine élection présidentielle. Sans guillemets, non pas parce que quelque chose de notable a changé au point d'envisager un vrai scrutin mais parce que ça commence à devenir pénible. S'il fallait en mettre à toutes les choses sérieuses dans ce pays à chaque fois qu'on écrit un texte de 3 000 caractères, on n'en sortira pas. Des guillemets à chaque élection parce qu'on est convaincu, à raison souvent?juste pour ne pas dire toujours ?que les jeux sont faits d'avance et que le reste n'est que mise en scène. Guillemets pour un président dont on a oublié la voix depuis des années. Guillemets pour un Premier ministre qui n'est pas le chef du gouvernement, à supposer qu'il soit chef de quelque chose. Guillemets pour des députés mal ? juste pour ne pas dire pas du tout ?élus. Guillemets pour la démocratie dont l'évocation nous fait rire à gorge déployée. Guillemets pour l'opposition en service commandé dont la composante est installée dans chaque compartiment qui aurait pu exister dans la vraie vie. Guillemets pour la majorité censée être aux affaires du pays alors qu'elle est à? l'affairisme. Guillemets pour les partis de l'Alliance, excroissances clients au rabais de la rente. Guillemets pour le développement économique avec des animateurs sans projet, sans imagination, sans audace, sans perspective. Guillemets pour l'Education nationale dont la ministre, pleine de volonté et de courage, affronte, horriblement seule, une cruelle adversité dont la plus redoutable est dans l'enclos. Guillemets pour la culture réduite à une mission de faire-valoir, des festivals? festifs pour amuser les organisateurs, des manifestations autonomes empêchées, des livres et des films censurés et un ministre qui ne parle des artistes que dans les cimetières. Des guillemets pour la santé, qu'on aurait pu appeler plutôt «mauvaise santé». Parce que les soins sont ailleurs et les gouvernants ne s'en privent pas. Il y a tellement d'Algériens à? priver d'hôpitaux, de médecins et de médicaments, qu'ils ne vont pas en rajouter. Alors, on les a abandonnés au choléra, miraculeusement revenu, au moustique-tigre qu'ils découvrent à leurs dépens et au cancer sans radiothérapie. Guillemets pour nouveaux walis pas si nouveaux que ça qui ont pris leurs fonctions en parlant de leurs nouvelles régions d'affectation comme s'ils venaient d'atterrir en enfer, oubliant les terres brûlées qu'ils venaient de céder aux autres. Guillemets pour la pluie devenue synonyme de tous les malheurs alors qu'elle est censée être une généreuse offrande du ciel. Peut-on encore trouver assez de mots sans guillemets pour rédiger un texte qui remplisse cet espace ' Laborieusement. On a commencé à s'amuser dès l'automne. Vous imaginez ce que ça va être à l'orée du printemps. Il y a déjà trop de guillemets mais il y en aura forcément d'autres.S. L.
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