Au pays de la théorie...

« Un jour, dirait l'humoriste Pierre Desproges, j'irai vivre en Théorie, car en Théorie tout se passe bien. » Le pays des rêves, c'est un bien fou. Il n'y a guère de hauts ni de bas, tout est horizontal. Nulle place pour la mélancolie et la tristesse. On y redessine le monde à notre guise, on y chante, on y danse, on y fait la fête quand bon nous semble, on s'adonne aux orgies du plaisir, on est dans notre élément naturel, et personne ne nous dérange. On se marie avec la belle au bois dormant, on habite un château des Mille et une Nuits, entouré de beaucoup de charmantes princesses. On est le gardien du trésor, le fondé du pouvoir, le roi des terres et des mers à qui tout le monde courbe l'échine. Ô comme c'est beau de rêver d'être Jupiter, le nombril du monde, le chef suprême, le guide, l'ordonnateur du bien et du mal. Le pouvoir devient, à lui seul, une poésie, notre unique poésie. On s'y accroche, parce qu'on ne s'en rassasie plus. Mais, hélas, la réalité est autre chose ! La pratique ne rime pas avec la théorie. Vivre en pratique, c'est aller au contact de la réalité, c'est subir le diktat de la raison. Dans le pays de la pratique, les rêveurs ne font guère la loi et le ciel n'est pas toujours aussi bleu que l'on imagine. Il y a des hauts et des bas, des voies droites mais aussi des routes sinueuses. Les nuages voilent parfois l'horizon, et si l'on voit de la lumière, ce n'est qu'une illusion d'optique. Car, tout peut basculer du jour au lendemain. La vie, dans ce pays-là, est aléatoire et personne n'est à l'abri d'un mauvais coup. La roue tourne, c'est pile ou face, chacun son tour! Et c'est la vie en grand « V », avec tout ce qu'elle de beau et de laid, de bon et de mauvais, de joyeux et de malheureux. Le tout contraire du pays de la théorie et c'est déjà pas mal...