Algérie

Au chevet des manuscrits du désert




Au chevet des manuscrits du désert

Des milliers de manuscrits témoins de plusieurs siècles d'histoire sont menacés de disparition dans la wilaya d'Adrar, dans le Sud algérien : une institution unique en France, le centre de conservation du livre (CCL) d'Arles, s'est fixé pour mission de les sauver des sables.

"L'idée n'est pas tant d'apporter notre savoir-faire à la population que de l'aider à avoir les compétences afin qu'elle se débrouille toute seule pour conserver ses trésors en déshérence", explique Bruno Marty, chargé de mission au CCL.

Depuis 1998, le CCL offre son "assistance technique" en "formant les populations locales", dans le cadre d'un programme européen baptisé Manumed, où le centre arlésien joue le rôle de coordinateur, ajoute Stéphane Ipert, son directeur. La zone choisie se situe dans le couloir du Touat et du Gourara, dans la wilaya d'Adrar, à 1.600 km au sud-ouest d'Alger, sur la route de Tombouctou.

La région, peuplée à l'origine de berbères zénètes avant d'accueillir populations noires, juives et tribus arabes par vagues successives jusqu'au XVème siècle, est au coeur de la route des caravanes, d'or, de sel, d'esclaves : autant d'échanges commerciaux Nord/Sud et Est/Ouest qui s'accompagnent d'échanges culturels, raconte Saïd Bouterfa, spécialiste algérien des manuscrits du Sud, dans un ouvrage sur la mission Manumed-Algérie.

Quelque 15.000 manuscrits, datant pour certains du XIIème siècle, sont ainsi dispersés, pour la plupart aux mains de particuliers.

Coran, astronomie, poésie...

Les précieux textes, conservés dans une trentaine de "bibliothèques privées" principales, appelées "khizanas" - souvent de simples pièces prenant l'eau, dotées dans le meilleur des cas d'une armoire - se trouvent pour beaucoup dans un état de dégradation avancée, comme c'est le cas pour tout le patrimoine manuscrit sub-saharien (Tombouctou au Mali, Chinguetti en Mauritanie...), selon les spécialistes.

Ces manuscrits - des documents religieux (Coran et commentaires), scientifiques (traités d'astronomie, de mathématiques), des ouvrages de droit, de poésie, des chroniques locales primordiales pour les historiens - sont menacés par le temps, la chaleur, l'abrasion du sable, les insectes...

"Leurs propriétaires sont échaudés par la période coloniale (de nombreux livres furent détruits ou pillés) puis par les vols et les abus de confiance de chercheurs ou hauts responsables les ayant empruntés pour ne jamais les rendre", ajoute Bruno Marty. "Il est difficile d'obtenir l'autorisation de les consulter".

L'objectif du CCL, en coordination avec l'Institut de bibliothéconomie de l'université d'Alger, a donc été de former les locaux.

"Ils sont chargés de rassurer les propriétaires, de les conseiller sur la conservation, d'effectuer le catalogage des collections", explique Bruno Marty. Un laboratoire leur permettant d'effectuer des travaux de restauration, de microfilmer et de numériser les documents est en cours d'installation.

Manumed Algérie, d'un coût de quelque 100.000 euros (financé par l'UE, l'UNESCO et la Région PACA) devait initialement s'achever en 2004, mais va être prolongé jusqu'en 2007. Le programme Manumed concerne au total une dizaine de partenaires dans divers pays (Algérie, Chypre, Egypte, Espagne, Grèce, Jordanie, Syrie, Liban, Maroc, France).


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