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GILLES KEPEL :
"La Passion du Christ, la Passion d'al-Hallaj, la Passion de Mohamed Arkoun"
ABDERRAHMANE MOUSSAOUI :
"Il est le penseur de l'impensé musulman"
YOUSSEF SEDDIK :
"Son apport à la pensée islamique est décisif et fort important"

PROSCRIT DE SON VIVANT ET TOUJOURS IGNORE APRÈS SA MORT MOHAMED ARKOUN,LE PHILOSOPHE QUE L'ALGERIE A RATE
Auteur prolifique, particulièrement de sociologie religieuse consacrée à l'islam, Arkoun a joué un rôle de premier plan dans l'évolution de la compréhension de l'islam par l'Occident.
Presque proscrit de son vivant dans son pays, ignoré après sa mort, Mohamed Arkoun, disparu il y a une dizaine d'années, restera pourtant et sans aucun doute pour la postérité comme l'un des plus brillants intellectuels de sa génération que l'Algérie ait enfanté.
Islamologue, historien et philosophe, cet humaniste que beaucoup n'hésitent pas à inscrire dans la tradition des lumières françaises est parti sans que l'Algérie ait bénéficié de son génie, lui dont la réputation internationale l'avait conduit à dispenser des cours et des conférences dans de nombreuses prestigieuses universités dans le monde.
"C'est la référence mal comprise en Algérie (...) Le mal des Algériens, c'est qu'ils ne lisent pas, c'est un constat. On se contente de ce qui se dit dans les mass médias", disait de lui, en 2015, l'ancien ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, lors du forum de Liberté.
Penseur exigeant, très discret sur sa vie privée, cet écorché vif, de l'avis de ceux qui l'ont côtoyé,a consacré l'essentiel de sa vie à ses œuvres, comme le rappelait, en 2019, sa fille Sylvie lors d'un colloque, un des rares, qui lui a été consacré par l'APW de Tizi Ouzou. Auteur prolifique, particulièrement de sociologie religieuse consacrée à l'islam, traduit dans plusieurs langues, ce natif de Beni Yenni, en Kabylie, région natale de Mouloud Mammeri dont il était un grand ami, a joué un rôle de premier plan dans l'évolution, certes encore à parfaire, de la compréhension de l'islam par l'Occident, une religion dont il considérait, à juste titre d'ailleurs, qu'il "est vital qu'elle accède à la modernité".
En s'interrogeant sur la possibilité et la façon de repenser l'islam dans le monde contemporain, sa réflexion a fourni un contrepoids aux interprétations parfois fortement idéologisées des mondes musulman et occidental, écrivait de lui le journal Le Monde, en 2014. Pourtant, ni son érudition ni ses réflexions sur l'islam et de manière générale sur la culture, dont le pays avait tant besoin à l'indépendance, n'ont trouvé grâce aux yeux des dirigeants.
Avec Mohamed Arkoun, on aurait pu sans doute éviter les dérives idéologiques à l'origine de l'apparition d'un islamisme rétrograde dont nous ne finissons pas de payer le lourd tribut. Faute de s'appuyer sur des hommes de sa trempe, les dirigeants de l'époque, spoliateurs de l'indépendance, ont tout fait pour arrimer le pays à une utopique "nation arabe", construction idéologique, selon les termes du défunt, et qui ne reposait sur aucune réalité historique ni sociologique.
Non seulement, il a été proscrit, mais on lui a préféré, lui le pourfendeur de "l'ignorance sacrée", des penseurs de la lointaine Egypte, comme l'imam El-Ghazali qui officiait des années durant à la télévision algérienne et dont la vision "rigoriste sur l'islam", de l'avis de nombreux observateurs, a eu un impact certain sur le développement de l'islamisme en Algérie. Mohamed Arkoun gardera, sa vie durant, un souvenir amer de sa mésaventure lors d'un colloque à Béjaïa en 1986 et où il a été blâmé par un certain... El-Ghazali, mais sans que cela suscitât de l'indignation à l'époque.
Il faut dire que le penseur si singulier qu'il fût, pour avoir étudié leur histoire politique d'après la colonisation, n'a pas été tendre avec les régimes arabes et musulmans. "Les échecs ont commencé dès le lendemain de l'indépendance. Partout se sont imposés des régimes policiers et militaires, souvent coupés des peuples, privés de toute assise nationale, indifférents ou ouvertement hostiles à tout ce qui peut favoriser l'expansion, l'enracinement d'une culture démocratique.
Les moyens par lesquels les régimes se sont mis en place n'ont, nulle part, été démocratiques", dénonçait-il au début des années 2000. Partisan d'une vision rénovée, moderniste et repensée de l'islam, Mohamed Arkoun aurait été sans doute, s'il avait été reconnu et écouté de son vivant, d'un précieux apport pour la compréhension des questions complexes liées à la religion, mais aussi d'éviter les dérives et la résurgence des archaïsmes.
Il aurait aussi contribué à la compréhension des questions qui agitent le monde musulman aujourd'hui, à l'instar de l'Algérie, et au rapprochement des religions. Pour lui, "l'Occident n'est pas plus l'incarnation du démon matérialiste, immoral et athée, que l'islam n'est réductible au fondamentalisme intégriste, terreau du terrorisme et incompatible avec la démocratie et la modernité".
Presque inconnu dans son pays, l'homme, défenseur de l'identité, qui fut très attaché à sa Kabylie natale, alors qu'il repose aujourd'hui au Maroc, mérite sans doute que son œuvre soit revisitée, vulgarisée et enseignée. Il y va de l'avenir démocratique.
Et pour une pratique de l'islam dépouillé d'une vision rétrograde et éculée. "Il mérite qu'on le relise, qu'on lui donne son rayonnement réel, le rayonnement d'une pratique de l'islam raisonnable et une pratique authentique en même temps", disait l'ancien ministre Mohamed Aïssa.

Karim KEBIR
ABDERRAHMANE MOUSSAOUI, ANTHROPOLOGUE ET PROFESSEUR DES UNIVERSITES À LYON 2
"Le penseur de l'impensé musulman"
"LA PASSION DU CHRIST,
la Passion de Mohamed Arkoun"
YOUSSEF SEDDIK, PHILOSOPHE, ANTHROPOLOGUE ET PHILOSOPHE TUNISIEN
"Son apport à la pensée islamique est décisif et fort important"


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