Algérie

Amnistie générale


une réflexion en vase clos Avant même sa réélection, le 8 avril 2004, pour un second quinquennat, le président Bouteflika avait déjà planté, quoiqu?à travers des suggestions implicites, les jalons de ce qui sera, par la suite, le projet d?amnistie générale. Il a fallu, néanmoins, attendre le discours à la nation prononcé à la veille de la célébration du 50e anniversaire du déclenchement de la Révolution pour que le Président lance, avec des allures de ballon d?essai, ses intentions dans le débat public. « Si vous voulez l?amnistie générale, sachez que j?en suis partisan », avait-il déclaré. Bien entendu, Bouteflika voulait faire de ce projet l?étape suprême du processus de réconciliation entamé sous son premier mandat. Il n?avait toutefois pas avancé de calendrier pour mettre en pratique sa politique. Tout comme il n?avait pas précisé les contours de son projet, ses limites juridiques et le profil des personnes qui pourraient profiter du pardon du peuple. Il suggérera, par ailleurs, un référendum pour, à l?évidence, mieux légitimer sa future démarche. Il faut dire que le chef de l?Etat, de par sa tactique imprégnée de prudence, n?a fait que baliser le terrain au suspense et aux discours spéculatifs. Pendant que l?opposition exploite le flou qui caractérise les visées présidentielles pour les désavouer, les partis de l?Alliance présidentielle (FLN, MSP et RND) et les associations réputées proches du cercle présidentiel ont multiplié les sorties publiques pour louer les vertus de la « grande inconnue » qu?est le projet d?amnistie. C?est dans ce contexte brouillé que le patron du PRA, Abderrezak Smaïl, un homme pas très connu du public, crée la Commission nationale de l?amnistie générale (CNAG). La mise en place d?une structure organique pour piloter le dossier en a surpris plus d?un. Par les circonstances de sa création, le 2 décembre 2004, d?abord et par le choix de son président ensuite. « C?est une organisation populaire et non partisane », assurait, sans convaincre, Abderrezak Smaïl. Cependant, la substance de l?amnistie générale se dessine au fur et à mesure de ses sorties médiatiques. Lors de l?une de ses conférences de presse, le président de la CNAG a révélé les huit axes principaux du projet. Il s?agit de lever les poursuites judiciaires imposées à l?encontre de tous ceux qui ont été impliqués dans la tragédie nationale, d?annuler les décisions de justice à l?encontre de ceux impliqués dans cette tragédie, de réhabiliter les victimes, d?amnistier tous ceux qui, des deux côtés des affrontements, ont été impliqués, d?appliquer l?amnistie fiscale aux victimes économiques, de réhabiliter les figures nationales et historiques, de permettre une ouverture pluraliste pour les partis, les syndicats, les organisations de la société civile et les médias et enfin d?amnistier les porteurs d?armes dans le respect des valeurs de la République. Ces questions ne demanderaient-elles pas une réflexion plus profonde pour aspirer à une rationalité dans la gestion d?un dossier aussi problématique ? Ne fallait-il pas ouvrir un large débat en associant tous ceux qui ont des choses à dire ? Si l?on veut gérer de façon judicieuse les après-crises, il faut - c?est un principe juridique universel - que la justice impute la faute, condamne les coupables et répare le mal subi. En d?autres termes, la justice doit d?abord trancher la culpabilité criminelle des bourreaux, indemniser le préjudice ensuite, pardonner aux coupables enfin. Qu?en est-il dans notre cas ? « Ce qui s?est passé à Raïs et Bentalha, ce sont des crimes contre l?humanité », a tranché récemment le professeur Miloud Brahimi. « Les juristes du monde entier disent que les génocides ne sont pas amnistiables », a-t-il affirmé. Néanmoins, le droit algérien n?a pas prévu le cas de crimes contre l?humanité. « Les juristes s?accordent à dire qu?un crime qui n?est pas prescriptible n?est pas amnistiable non plus », a déclaré, pour sa part, le professeur Mohand Issad en répondant à la question d?un confrère. La priorité, selon lui, « consiste à mettre à flot le code pénal algérien au niveau des législations modernes avant toute amnistie ». Le chroniqueur Boubakour Hamidechi a souligné, dans une réflexion d?une lucidité pénétrante : « Le virage vers la paix que l?on promet risque de se transformer en mortel dérapage tant que l?on persistera à souffler dans les baudruches de la démagogie au lieu de donner publiquement la parole à ceux qui ont des réserves à émettre. Démonopoliser la réflexion sur l?amnistie et ses conséquences incalculables est un préalable plus important que de convoquer le corps électoral. »


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