Algérie

Alilou tire sa révérence


Le 26 juin 2008 à Kénadsa, l?Association des anciens dirigeants et sportifs (AADS) de la wilaya de Béchar a commémoré, dans la piété et le recueillement, le 40ème jour de la disparition tragique du regretté Tidjane Ali, amicalement surnommé «Alilou» (Rahimahou Allah).

Ce geste spontané de la part de l?association, très apprécié par tous d?ailleurs, est une initiative louable et une marque de sympathie envers la famille du défunt.

Quant à moi, il m?est particulièrement difficile en de pareilles circonstances d?exprimer ce que je ressens au moment d?écrire et de me recueillir à la mémoire de Alilou, qui était un ami et un compagnon sportif, grâce à un dénominateur commun à tous les jeunes de l?époque : la JSB. Alors, je dis simplement «A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons».

En effet, le 14 mai 2008, Tidjane Ali et sa soeur trouvèrent la mort à la suite d?un grave accident de la route aux environs d?Oran. Pour ses amis et compagnons sportifs, qui ont appris la nouvelle avec consternation et une très forte émotion, ce fut une grande perte. Et en évoquant nos souvenirs sur ce «fils du bled», l?on se rappelle encore avec tristesse aujourd?hui ce personnage à l?esprit très vif, toujours collé aux joueurs de la JSB des années 50 et 60. Malgré son très jeune âge à l?époque, Alilou était à la fois un supporter inconditionnel et un dirigeant avéré. On peut dire qu?il l?avait dans le coeur cette JSB, dont la renommée dépassait déjà les frontières de «Colomb-Béchar».

Ayant quitté Béchar aux environs des années 70 pour s?installer à Oran pour des raisons professionnelles, le voilà qui réapparaît 30 ans après, décidé à apporter sa contribution et à nous encourager tous à aller fouiller au plus profond de nous-mêmes pour extirper nos souvenirs sportifs de notre mémoire, et tenter de faire émerger du gouffre de l?oubli l?histoire des joueurs et dirigeants des années 50 et 60 du Sud-Ouest algérien.

Infatigable, il faisait la navette Oran-Béchar pour maintenir le contact avec ses amis et compagnons, afin de s?informer sur les problèmes inhérents à l?AADS, créée en 2004 et restée en veilleuse depuis. Certains disaient sans ménagement, et ils avaient raison d?ailleurs, qu?il a fallu l?arrivée du «providentiel» Alilou pour redynamiser l?association qui n?a entrepris aucun travail sérieux depuis sa création.

Tenace et volontaire, il frappa à toutes les portes pour quémander et rassembler le maximum de documents et photos relatifs à la période concernée par l?écriture de l?histoire sportive. Sa voiture est devenue un véritable musée ambulant, pleine d?anciennes photos de la majorité des équipes sportives musulmanes de l?époque coloniale. Il faisait un travail de titan, avec une passion sans limite. Il arriva notamment à convaincre certains anciens sportifs à reprendre les destinées de l?AADS, dans le but d?élaborer un plan d?action pour la relance de ses activités. Il n?arrêtait pas de faire comprendre à tous la nécessité et l?importance de l?écriture de l?histoire sportive de la région. Il entreprit une longue et parfois pénible campagne de sensibilisation auprès des autorités locales sur la noble mission de l?association qui était son cheval de bataille.

Oui, il avait raison Alilou d?insister sur la nécessité d?entreprendre rapidement l?écriture de l?histoire (il me le répétait sans cesse !). Sur ce point, on était tous d?accord qu?il fallait laisser aux générations actuelles et futures les traces des évènements et péripéties sportifs vécus sur les stades pendant la période coloniale.

Avec le recul du temps, et au moment où j?écris précisément ce passage, je me pose soudain la question : «Et si Alilou était envahi par une sorte de prémonition le concernant ?». Dieu Seul le sait !

Quoi qu?il en soit, pour perpétuer son abnégation et son dévouement dans le travail qu?il a accompli et après sa tragique disparition, chacun de nous se doit d?apporter sa contribution à la réalisation de cette noble mission qui consiste à mobiliser et à écouter les «anciens» sportifs qui sont les principaux concernés, pour ensuite aborder sereinement l?écriture de la vraie histoire des vrais acteurs sportifs, sans complaisance ni parti pris, avec honnêteté et objectivité, en respectant les règles du jeu. Certes, la tâche est ardue et difficile, mais pour surmonter ces obstacles, il faut surtout éviter de tomber dans la polémique, les faux débats et le rejet systématique de l?autre, qui auront pour effet immédiat de vider l?association de sa vraie substance.

Personne n?est habilité à détenir l?exclusivité de l?histoire qui doit être normalement la propriété de tous les protagonistes concernés (joueurs, dirigeants et supporters). Malheureusement, certains membres de cette association, par ignorance ou maladresse, s?accaparent justement les instruments relatifs à l?écriture de l?histoire sportive en monopolisant à leur niveau toutes les décisions relatives au fonctionnement de cette structure, piétinant carrément les principes fondamentaux des associations qui sont la concertation des membres et la prise des décisions en commun.

D?autres enfin, en quête de réhabilitation sportive et profitant du cadre légal de l?association, tentent de se fabriquer sur mesure un passé sportif élogieux dépassant de loin la réalité, oubliant vraisemblablement que des acteurs à la mémoire vivace et donc témoins incontournables qui font partie du monde des vivants, connaissent parfaitement l?histoire de la région et de l?époque concernée.

Alilou aujourd?hui hélas n?est plus de ce monde. Des hommes volontaires et passionnés comme lui de la cause sportive existent, ceux d?hier et ceux d?aujourd?hui, prêts à relever le défi, animés de la même ardeur que notre défunt ami et qui ont déjà fait leurs preuves au sein des différentes structures sportives. Parmi ces hommes, certains, avec qui j?ai travaillé dans un passé récent et dont je connais la valeurs et les compétences, ont marqué de leur empreinte indélébile leur passage au sein de ces structures dont ils avaient la responsabilité. Ils ont donc inscrit à leur actif une part de l?histoire du mouvement sportif national, régional et de wilaya. Ceci m?amène inévitablement à faire référence à quelque-uns de ces hommes (loin de moi l?idée cependant d?ignorer ou de remettre en cause les aptitudes et capacités d?autres personnes responsables dans le mouvement sportif au niveau de la wilaya de Béchar). Je cite donc, entre autres :

Gasmi Rachid, indépendamment du fait qu?il a été joueur et dirigeant au sein de plusieurs associations (JSB, JSS, MAS, ASTPS), fut le 1er président de la Ligue de football de la wilaya de Béchar, saison 1973/1974, à réussir la prouesse de faire déplacer le bureau de la puissante LOFA (dont nous dépendions à l?époque), pour tenir une réunion extraordinaire mixte LOFA-LWFB à Béchar même. Au cours de cette réunion, tous les problèmes spécifiques à la wilaya furent abordés, entre autres l?aide financière et surtout nous avons obtenu que la sélection de football soit confrontée régulièrement à ses homologues de l?Oranie, ce qui a eu pour résultat de relever le niveau de notre football à cette époque, comparativement à aujourd?hui... Il fut aussi membre fédéral au sein du bureau de la FAF, saison 2003/2004. Homme de principes, Rachid est pourtant contraint de démissionner de son poste, pour ne pas, dit-il, cautionner la médiocrité et la mauvaise organisation qui régnaient en ce temps au sein du bureau fédéral. Récemment, il apporta une aide précieuse et conséquente à l?AADS de la wilaya à l?occasion de l?organisation de l?exposition de photos qui s?est déroulée au mois de mars de cette année, et des retrouvailles historiques entre anciens joueurs et dirigeants de l?ancienne époque. Benyoucef Boutkhil, ancien joueur au sein de plusieurs clubs (JSB, JSS, MAS, ASF, ESD, USBD, CSUO) et président de plusieurs associations (MWB, JSMB, IRMB), et ligue de wilaya de football, a eu l?honneur d?être le 1er président de toute la nouvelle Ligue régionale de football du Sud-Ouest, créée en juillet 1988, dont le siège fut fixé à Béchar, à la suite du nouveau découpage géographique de la FAF, et qui englobait dans ses compétences géographiques pas moins de 5 wilayas (Béchar, Nâama, El-Bayadh, Adrar et Tindouf). Un immense territoire dont il fallait coûte que coûte organiser et gérer les compétitions officielles.

Boutkhil, aidé de son équipe, relèvera le défi et s?attela à la tâche en déployant des efforts considérables : c?était la course contre la montre pour installer l?administration de la ligue et la mise en place des commissions nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci afin de démarrer le championnat régional 88/89 à la date fixée, et ainsi tenir ses engagements vis-à-vis de la FAF. Le pari fut gagné, malgré les moyens humains, matériels et financiers très limités, pour ne pas dire inexistants, dont disposait cette jeune structure. Ces problèmes furent aplanis grâce aux bonnes relations que M. Benyoucef entretenait avec les instances sportives nationales et les autorités locales de la wilaya. Lui aussi fut contraint de démissionner de son poste de président car à l?époque, des opportunistes de tous bords, véreux et de surcroît médiocres, commençaient à tenter de déstabiliser cette jeune structure sportive pour s?en emparer à des fins inavouées.

Benayed Mohamed fut président de la SNTR-Béchar, qu?il a menée de main de maître en mettant à sa disposition tous les moyens matériels et financiers pour s?imposer dans les différentes divisions où elle a évolué. Par la suite, il devint président de la Ligue régionale de football. Ses coups de boutoir, sa franchise et ses interventions énergiques furent très remarqués (notamment à la TV) à l?occasion de réunions en AG de la FAF, et lui ont permis d?accéder au poste de membre influent au sein du bureau exécutif de la FAF. Plus tard, il en devint même le président par intérim. Il accompagna à maintes reprises des équipes nationales, toutes catégories confondues, pour disputer des compétitions internationales ou régionales en dehors du territoire national. En sa qualité de président de la FAF par intérim, il représenta l?Algérie aux différentes réunions et assemblées générales de la FIFA.

Maintenant, notre ami Alilou a tiré sa révérence : il peut se reposer en paix. Il a accompli l?essentiel en montrant le chemin à suivre pour l?écriture de l?histoire sportive. Il reste cependant à espérer que ce précieux acquit ne s?écroulera pas comme un château de cartes après sa disparition et que les responsables de l?AADS ainsi que les amis sportifs du défunt assureront avec sagesse et clairvoyance la continuité du travail qu?il a commencé.

 

*Ancien cadre de la DJSW Béchar à la retraite
Ancien joueur de la JSB 1959/1963
Ancien SG de la LWF Béchar
Ancien SG de la LRF Béchar
Entraîneur diplômé 1er degré de FB 1972
Ancien correspondant de La République et d?El Moudjahid 1971/1974






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