Algérie (Santé publique) - Hacene Menouar. Président de l’association El Aman: «Il faut diminuer les plats facultatifs et les boissons»

- L’excès et l’abus provoquent malheureusement des maladies. Quelle analyse faites-vous de cet aspect?

L’association El Aman mène, depuis janvier 2018, une campagne de sensibilisation qui concerne la santé publique pour réduire la consommation et l’utilisation du sucre, du sel et des matières grasses dans notre alimentation. Les experts et médecins ont constaté ces dernières années que l’Algérien est devenu très malade à cause de sa nourriture.

Depuis cette date, la situation ne s’est pas améliorée malheureusement: il y a de plus en plus de malades. On a plus de 50.000 cas de cancer chaque année, plus de 6 millions de diabétiques et plus de 10 millions d’hypertendus (problèmes cardiovasculaires). On a pris l’initiative de lancer une enquête publique nationale pour affiner les chiffres relatifs au système alimentaire en Algérie.

- La sensibilisation est-elle suffisante pour faire prendre conscience aux Algériens qu’il faut manger sain et éviter la surconsommation?

Beaucoup d’associations font de la sensibilisation sur le terrain. Nous exhortons les Algériens à aller vers une consommation plus saine et économique. Mais en contrepartie, il y a un autre courant plus fort, celui des opérateurs économiques, des lobbies qui font tout pour vendre plus pendant le Ramadhan et qui font des gains importants sur le dos de la santé publique. Ils dépensent beaucoup dans la publicité et le marketing, des profits qui se font sur le dos de l’ignorance et du manque de culture de consommation chez les Algériens. Tout est permis, on vend de tout, n’importe quoi et n’importe où. Il y a aussi un manque de contrôle et de régulation de l’Etat.

Il y a aussi les préparatifs des pouvoirs publics à l’occasion de ce mois. Ils se déroulent comme si on préparait les Algériens à aller en guerre. L’approvisionnement spécial Ramadhan encourage à consommer plus et les opérateurs gagnent plus que le reste de l’année.

- Les habitudes alimentaires et de consommation changent pendant le mois de Ramadhan. Quelles sont, selon vous, les principales tendances à retenir?

Malheureusement, pendant le Ramadhan, les gens se croient tout permis, c’est comme si on a accès à tout (ne pas travailler, reporter les examens médicaux…). Considérant que c’est religieux, l’effort qu’on fait à jeûner et à dépenser pour la nourriture fait partie du travail spirituel.

Si on mange deux fois par jour pendant le Ramadhan, on achète jusqu’à trois ou quatre fois plus que les jours habituels: cela veut dire que le reste on le jette.

On gaspille la santé et le temps et on massacre notre économie nationale pendant le Ramadhan. On est en phase de deux crises, sanitaire et économique, il faut prendre des décisions pour diminuer les plats qui sont facultatifs et des boissons gazeuses et jus de fruits comme les «cherbat», composés d’édulcorants artificiels en quantités excessives et nuisibles à la santé.

- Quelle est la clé du succès d’un bon comportement alimentaire?

Il faudrait parler du système alimentaire dans sa globalité et le Ramadhan en fait partie comme dans les autres fêtes religieuses et événements familiaux ou autres. C’est pour cela que l’association El Aman a lancé une enquête publique sur internet pour évaluer justement le système alimentaire, déterminer les aléas et problèmes et chercher des solutions par le biais d’études scientifiques sérieuses. L’aboutissement de cette étude va permettre de formuler des propositions très fortes et franches qui vont imposer un changement radical de la politique de gestion de tout ce qui est commerce, industrie, agroalimentaire et agriculture. Pour le consommateur, il s’agira de changer de comportement et mieux répartir la composition et les fréquences des repas.



Photo: Hacene Menouar. Président de l’association El Aman

Propos recueillis par Kamel Benelkadi