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ALGÉRIE. QUAND LES TRADITIONS ANCESTRALES SE HEURTENT À L’INDUSTRIALISATION. Dur d’être Touaregs !



ALGÉRIE. QUAND LES TRADITIONS ANCESTRALES SE HEURTENT À L’INDUSTRIALISATION. Dur d’être Touaregs !
Les Touaregs algériens rêvent de renouer avec la vie nomade. Mais l’industrie pétrolière, la sécheresse et la lutte antiterroriste réduisent leur rêve à un mirage.

Hammou travaille comme bagagiste à l’aéroport d’In Amenas (région du sud-est algérien, proche de la frontière libyenne, riche en ressources naturelles, notamment gazières). La manutention lui permet de faire vivre sa famille et de regarder passer des voyageurs du monde entier. Mais Hammou a la tête ailleurs et rêve de revenir à la vie de ses ancêtres. Voilà à peine quinze ans que son père a décidé de sédentariser la famille et d’abandonner la vie nomade. Et cette vie lui manque.

« Nous sommes des nomades, c’est notre nature et c’est dans la nature que je me sens bien. » A partir de ce désir de retour à ses origines, Hammou a imaginé investir dans l’agriculture et l’élevage de chameaux. Citant comme exemple Ouargla (ville située au nord du Sahara algérien, à 800 km d’Alger), où l’agriculture donne des résultats probants, Hammou croit qu’il est possible d’exploiter certaines des terres qui entourent Illizi (ville située au sud-est du Sahara algérien, à 100 km de la frontière libyenne, riche en hydrocarbures).

Un manque de soutien…
Vu la nature aride de la région, l’expérience reste tributaire d’un certain nombre de facteurs. Mais, pour l’élevage, il n’y a pas de doute, le potentiel est énorme et le savoir-faire ne se discute même pas. D’ailleurs, ce désir de retour aux sources habite l’ensemble de la population d’In Amenas, dominée par la tribu arabe des Chaânba. Mais ce rêve n’est pas si simple à réaliser. « Je veux acheter quelques chamelons pour commencer, mais l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes refuse de m’accorder des financements », se désole Hammou. De plus, il faut du temps pour constituer son cheptel. « Les femelles se reproduisent tous les deux ans et portent leur petit une année entière. Un éleveur a donc besoin de trois ans pour obtenir un chamelon », explique Hadj Laïd Benarouba, rencontré à Debdab.

A Illizi, l’attachement à la terre et le désir de la travailler à nouveau est aussi fort qu’à In Amenas. Propriétaire d’un troupeau de quatre-vingt têtes, Laïd appréhende l’année en cours, qui a commencé par un hiver sans pluie. La sécheresse dure depuis plusieurs années et ce n’est pas bon pour les troupeaux. En 2006, l’Etat a pensé aux soixante-quinze éleveurs de Debdab en subventionnant l’alimentation du bétail. Mais, aujourd’hui, en plus de la sécheresse, les éleveurs ont du mal à payer l’orge à 2 000 dinars algériens (27,83 euros) le quintal. De plus, de nouveaux problèmes, étrangers à la région et à sa population, sont apparus. Entre In Amenas et Debdab (220 km), l’élevage de dromadaires est menacé par l’industrie pétrolière.

Dans les plaines de Aach Loghrab et d’El-Merk, trois dromadaires sont tombés récemment dans des puits pétroliers. « Les déchets pétroliers et les forages abandonnés constituent une menace sérieuse et permanente pour le bétail », affirme Abdelmadjid Ghedier, un éleveur de la région. En trois années, les propriétaires ont perdu plus d’une centaine de têtes dans ces puits abandonnés sur l’erg Hamada (étendue désertique rocailleuse). Beaucoup de sociétés engagées dans ces champs qui s’étalent à perte de vue négligent, en effet, de fermer les puits après avoir sondé ou pompé du gaz ou du pétrole.

De plus, des meutes de chiens affamés s’attaquent de plus en plus souvent au bétail, ciblant les chamelons. Les éleveurs affirment avoir saisi les pouvoirs publics, notamment le wali (le préfet), « mais leur appel est resté sans écho à ce jour », affirme Benarouba.

...et trop de restrictions !
Il est par ailleurs interdit aux troupeaux de dromadaires de boire à proximité des sites d’extraction de pétrole et de gaz. Cette interdiction s’ajoute à celle imposée par les stations-service, qui refusent de vendre du carburant aux éleveurs propriétaires de véhicules 4x4 sur instruction des forces de sécurité, sauf dérogations spéciales. « Nous avons pourtant la carte d’éleveurs, on est éleveurs de père en fils ! », martèle Laïd Benarouba, qui en veut aussi aux islamistes qui ont investi le sud algérien et dont l’activité justifie ces restrictions et pénalise la vie des populations.

Des mesures qui s’ajoutent à tout un arsenal de restrictions, imaginé pour combattre le terrorisme et les trafics en tous genres qui traversent le Sahara. La volonté des gens du Sud de construire une économie autonome en s’investissant pleinement dans leur activité originelle bute, hélas, sur des obstacles en cascade. A l’instar des troupeaux, les éleveurs et les éleveurs potentiels commencent à fatiguer et à douter, craignant de voir cette richesse s’étioler. A moins que l’État ne se décide enfin à répondre au SOS lancé par ces éleveurs.
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