Algérie - Parc et sites naturels, zone humides

Algérie (Parc national du Djurdjura) - LES ORDURES DÉGRADENT LA BEAUTÉ DU SITE: Tikjda, loin de l’image d’épinal



Algérie (Parc national du Djurdjura) - LES ORDURES DÉGRADENT LA BEAUTÉ DU SITE: Tikjda, loin de l’image d’épinal


Les déchets se sont, malheureusement, imposés comme un élément de décor qu’on ne peut ignorer. Incivisme, irresponsabilité, laxisme et immobilisme sont autant de vocables qui trouvent tout leur sens une fois que nous sommes sur le sol de ce sanctuaire de la biodiversité.

Entre Tikjda que l’on a l’habitude de voir sur les cartes postales et celle de la réalité, il y a une grande différence. Il y a aussi une énorme quantité de déchets. Tikjda, ce cœur palpitant du Djurdjura, se donne à voir, à la fois, dans toute sa beauté, mais aussi dans toute sa laideur. Elle est à la fois attirante et repoussante. La station de Tikjda est victime de sa réputation. Beaucoup de gens l’admirent, mais peu se soucient de son hygiène.

En cette radieuse matinée du vendredi 28 août, une action de dépollution initiée par le Parc national du Djurdjura (PND) a permis de dépoussiérer le visage de cette station, connue pour être La Mecque des amateurs de randonnées et des sports de montagne durant les années 1970 et 1980. Aux côtés des agents du PND, il y a des associations qui ont répondu à l’appel, dont les randonneurs Idurar N Ǧerǧer, le club de ski et sport de montagne, l’association Taouyalt et l’association Protection de la nature d’El-Esnam. D’autres bénévoles sont venus d’Alger pour être utiles.

Les volontaires étaient tous armés de fourches, de râteaux et de sacs poubelles. Résultat des courses, après un peu plus de deux heures, des dizaines de sacs bien remplis de toutes sortes d’ordures, que les visiteurs épris de montagne laissent derrière eux. Les déchets se sont imposés comme un élément de décor qu’on ne peut ignorer. Incivisme, irresponsabilité, laxisme et immobilisme sont autant de vocables qui trouvent tout leur sens une fois que nous sommes sur le sol de ce sanctuaire de la biodiversité qu’est le Djurdjura.

Les bénévoles qui ont répondu à l’appel du PND ont pu découvrir l’ampleur du désastre écologique. À Thighzert ou à proximité du centre de Tikjda, ils ont déterré des quantités importantes de déchets, des sachets, des bouteilles en plastique et en verre, des canettes de bière et toutes sortes d’ordures. Même chose à Tala Guilef et à Tala Rana, où l’opération de dépollution s’était avérée fructueuse.

“L’éducation à l’environnement doit commencer d’abord par la famille. On doit apprendre à l’enfant, dès son jeune âge, à respecter la nature pour ne pas en arriver là. Les ordures sont dans tous les recoins de la station, et c’est lamentable. Je ne comprends toujours pas comment on peut salir un endroit féerique comme Tikjda. Notre action d’aujourd’hui consiste à nettoyer le site, mais surtout à servir d’exemple aux autres visiteurs que nous y rencontrons et qui doivent s’en inspirer”, a déclaré un bénévole.

. Tourisme de masse, un écueil

Les ordures sont partout. Là où l’homme met les pieds, il y laisse ses déchets. Sur les bords des routes, à l’ombre des cèdres ou dans les espaces protégés du Parc national du Djurdjura. L’anarchie s’installe. À quelques dizaines de mètres du Centre national des sports et loisirs (Cnslt), plusieurs baraques squattent illégalement la route. Les mises en demeure du Parc national n’ont trouvé aucun écho.

Les autorités locales peinent à réagir pour rétablir l’ordre. Les parkings sauvages pullulent aussi à Tikjda. “Cela ne coûte rien si à la fin de la journée on met tous les déchets qu’on a générés dans un sachet, qu’on dépose dans le premier bac à ordures qu’on trouve en ville”, enchaîne un autre jeune volontaire. Les opérations de nettoyage et les campagnes de sensibilisation effectuées n’ont pas eu les résultats escomptés.

Makhlouf Saâdi, président de l’Association ski et sport de montagne Djurdjura, lance un appel aux visiteurs de Tikjda en particulier et de la montagne en général de respecter la nature. “Nous avons effectué une opération de nettoyage à Tikjda. Nous constatons que la pollution est importante. Nous ne pouvons pas réussir à rendre l’endroit propre sans l’aide des visiteurs. Ils doivent s’impliquer en ramassant leurs déchets eux-mêmes.

J’espère que ce que nous faisons aujourd’hui servira de leçon aux autres”, dit-il. Ainsi, d’aucuns estiment que l’un des facteurs nuisibles à l’équilibre écologique et à la biodiversité dans le massif du Djurdjura, c’est le tourisme de masse. Il y a quelques années, les pouvoirs publics à Bouira en ont fait une priorité pour sortir Tikjda de son enclavement imposé par les longues années du terrorisme islamiste.

Ils ont tout fait pour attirer un nombre important de visiteurs, mais aucune mesure ne semble avoir été prise pour la sauvegarde de ce haut lieu de la biodiversité. Des marées humaines se rendaient alors chaque week-end au lac Goulmim et dans d’autres sites où tout accès au public est strictement interdit par la loi régissant le PND. Pour M. Dahmouche Ahmed, directeur du Parc national du Djurdjura, la surfréquentation du site et le non-respect de la réglementation posent un sérieux problème.

“Nous sommes confrontés à un sérieux problème. Les gens ne respectent pas la loi qui régit le parc. Les visiteurs se rendent partout, même dans les zones vulnérables et interdites d’accès au public. Nous ne pouvons pas empêcher tout le monde de se rendre dans ces zones. Seule la force publique peut les en dissuader”, a-t-il déclaré. La plupart des randonnées et des campings se font de manière anarchique dans le Djurdjura.

. Camping et randonnée à réglementer

Des campeurs dressent leurs tentes partout et allument les feux de camp, et des randonneurs sillonnent de long en large la montagne sans mesurer le risque de porter atteinte à la nature, déjà fragilisée par d’autres aléas. Le premier responsable du PND estime que, idéalement, toutes les randonnées doivent être soumises à autorisation.

“Il y a des associations qui nous envoient des demandes d’autorisation pour effectuer des randonnées. On désigne un agent du parc pour les accompagner; c’est lui qui est au courant des circuits balisés, des sites à fréquenter et à ne pas fréquenter, et ce, tout dépend, par exemple, de la biodiversité existante et de l’endémisme de certaines espèces végétales, et aussi de la période de l’année durant laquelle la randonnée est organisée, notamment au printemps”, souligne M. Dahmouche, qui estime que les guides de montagne professionnels sont rares.

Le directeur du PND affirme que le randonneur a l’obligation de suivre le sentier de randonnée et de ne pas s’aventurer dans d’autres directions et porter atteinte à la faune et à la flore. Il en est de même pour les amateurs de camping. Ces derniers ne doivent pas s’installer là où il y a de la végétation arborescente : cèdre, chêne vert, érable.

Ce sont des espèces endémiques et protégées. Autrement dit, il y a un comportement à adopter une fois à l’intérieur du territoire du PND. Le premier responsable du parc suggère une nouvelle vision pour mieux gérer les espaces dans le Djurdjura. Même les lois doivent évoluer.

“Il y a plusieurs intervenants au sein du parc. Ce qui rend la gestion de cet espace un peu difficile. C’est pourquoi il faudra une autre vision. Une vision globale pour déterminer comment gérer les espaces du PND et définir les activités écotouristiques qu’on peut tolérer”, soutient M. Dahmouche.

Le tourisme de masse, encouragé par les autorités locales qui ne souciaient guère de l’aspect environnemental et écologique de la région, a porté préjudice aux espaces protégés. La quasi-totalité des visiteurs ignorent l’importance du zonage du Parc national.

. Le riverain, un gage de préservation

Les zones dites centrales abritant des espèces végétales endémiques, dont l’accès est réservé uniquement aux scientifiques, sont piétinées à longueur d’année. Le site Tigounatine, qui est une réserve intégrale, n’échappe pas à l’invasion des visiteurs qui y campent même et passent leurs soirées à la belle étoile autour des feux de camp. Au lac Goulmim, des milliers de personnes s’y rendent ces dernières années. La situation s’aggrave depuis qu’une piste a été ouverte par des villageois d’Ath Reggane.

Aujourd’hui, les véhicules pénètrent jusqu’à Alma Bouchène, un site situé à mi-chemin entre le lac et Thighzert. “Le tourisme de masse nuit beaucoup au PND. Pour assurer la sauvegarde des lieux, il faut développer le tourisme solidaire, écologique et responsable. Il faut faire en sorte que le nombre de visiteurs soit limité”, affirme le directeur du PND. Pour combattre ces mentalités, il faudra l’implication de tout le monde, notamment la population locale qui a un rôle primordial à jouer dans la préservation des lieux.

D’après Dahmouche Ahmed, la présence des agents du PND sur le terrain permet d’anticiper certains comportements négatifs des visiteurs. Les conséquences de la pollution sont désastreuses pour les espèces animales, à l’image du singe magot. En plus des changements climatiques, les incendies sont à l’origine de la disparition des habitats naturels de ces primates et de la rareté de leur nourriture.

La présence humaine et le fait de les nourrir mettent leur santé en danger. Le singe magot est déjà inscrit depuis quelques années sur la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

“Le singe magot est une victime. Son milieu naturel est déséquilibré. Les fruits des bois qui constituent l’aliment principal de ces singes sont cueillis et vendus sur le marché. Cela ne fait que diminuer leur nourriture et explique les dégâts causés aux vergers des habitants des villages limitrophes du parc”, a déclaré M. Dahmouche, qui a tenu à souligner que seulement 13% des singes nuisent aux récoltes, d’après une étude.

La population des singes magots est estimée à plus de 4.000 individus dans le Djurdjura, ajoute ce responsable. Pour que le Djurdjura et ses espèces soient préservés, l’homme est appelé à changer de comportement.



Reportage réalisé par : Ali CHERARAK
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