Les routes algériennes continuent d’être le théâtre de drames quotidiens aux proportions alarmantes. En 2023, le pays a enregistré plus de 63.000 accidents, causant la mort de 1.893 personnes et blessant près de 80.000 autres, selon les bilans de la Protection civile.
Ces chiffres déjà préoccupants sont surpassés par ceux de 2024. A la fin du mois d’août, plus de 2.000 décès étaient déjà comptabilisés. La Gendarmerie nationale, de son côté, a recensé 2.082 morts et plus de 8.800 blessés pour la même période.
Au-delà du coût humain, le fardeau économique est colossal. Pour le seul premier semestre de 2021, les pertes liées aux accidents routiers avaient été estimées à plus de 60 milliards de dinars.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce type de sinistralité peut représenter jusqu’à 3% du PIB national, une réalité que l’Algérie connaît bien.
Ces données officielles sont concordantes avec les observations des ONG et médias internationaux (WHO, Atlas Magazine...): «En 2023, l’Algérie a connu un pic de sinistralité, bien au-dessus de la décennie précédente. Les routes algériennes tuent actuellement quelque 5 à 10 personnes par jour, ce qui représente un véritable fléau tant humain qu’économique.»
Les causes de cette hécatombe sont connues et… récurrentes. Il s’agit notamment de l’excès de vitesse qui figure en tête, souvent accompagné de comportements imprudents comme l’usage du téléphone au volant, la conduite en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants, ou encore le non-respect des règles de priorité.
Les services de sécurité routière estiment que le facteur humain est à l’origine de plus de 90% des accidents graves. Les jeunes conducteurs, notamment ceux âgés entre 18 et 29 ans, sont les plus impliqués dans les sinistres. Un constat qui reflète à la fois leur manque d’expérience et une forme de désinvolture vis-à-vis du code de la route.
Le non-port de la ceinture, les dépassements dangereux, l'ignorance des panneaux de signalisation ou encore les rodéos urbains se banalisent. S'ajoutent à cela des défaillances structurelles: routes dégradées, signalisation insuffisante, éclairage public déficient et conditions climatiques, parfois extrêmes, qui rendent certaines voies impraticables.
L’impact est désastreux sur les familles endeuillées, les blessés souvent handicapés à vie et le système de santé submergé par les urgences traumatologiques.
- Quand la loi prend le volant
Face à cette situation alarmante, les autorités ont décidé de prendre des mesures plus strictes. Des réformes juridiques ont été mises en place, notamment avec la loi de finances complémentaire 2024-2025, qui impose des sanctions plus sévères pour les conducteurs imprudents.
«Désormais, tout excès de vitesse dépassant 30% de la limite autorisée est considéré comme un délit, passible de poursuites pénales. Les amendes peuvent atteindre 150.000 DA, et en cas de récidive ou de circonstances aggravantes, les peines peuvent aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement», explique Me Mamine, avocate agréée à la Cour suprême.
Le retrait immédiat du permis de conduire est désormais une mesure systématique pour les grands excès de vitesse ou les infractions graves. Les autorités judiciaires parlent même de «criminalisation des délits routiers», dans le but de responsabiliser les automobilistes.
La Délégation nationale à la sécurité routière, avec le soutien de la police et de la gendarmerie, a également renforcé les contrôles sur les routes grâce à des radars mobiles, des barrages filtrants, et des campagnes de sensibilisation ciblant les zones les plus accidentogènes.
Cependant, les experts s'accordent à dire que la répression ne sera vraiment efficace que si les mentalités évoluent. La culture de la sécurité routière laisse encore à désirer, et les campagnes de prévention peinent à toucher les jeunes.
Dans ses rapports, la Délégation à la sécurité routière insiste sur le fait que «l'éducation à la citoyenneté routière doit commencer dès l'école et être accompagnée d'une refonte de la formation au permis de conduire».
Dans le cadre de la Décennie d'action mondiale pour la sécurité routière, prolongée jusqu'en 2030, l'Algérie s'est engagée à «réduire de moitié le nombre de victimes». Ce défi nécessite des ressources, mais aussi une volonté constante d'appliquer les lois en vigueur. Comme le soulignent plusieurs observateurs: «Des lois sévères sans application ne serviront à rien.»
Autrement dit, seule une répression effective, alliée à une politique éducative de fond, permettra de faire reculer ce fléau qui endeuille chaque jour les routes algériennes.
Photo: Les routes continuent de faucher des centaines de personnes
M.-F. Gaïdi
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Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : M.-F. Gaïdi
Source : elwatan-dz.com du samedi 3 Mai 2025