Algérie - Sujets chauds

Algérie - Face à la crise: L’agriculture redevient une priorité



Algérie - Face à la crise: L’agriculture redevient une priorité




Faute de changements structurels, à chaque fois qu’il y a crise on cherche du côté des décideurs à déterrer les mesures portant sur la diversification de l’économie, sans passer cependant à la mise en œuvre effective sur le terrain. Et surtout sans assurer les moyens nécessaires pour la réussite de cette diversification tant prônée dans les discours et vite oubliée une fois que les indicateurs économiques se remettent au vert.

Cette fois, avec la chute des prix du pétrole sur le marché mondial et ses répercussions sur l’économie nationale, le gouvernement reprend ce discours. Parallèlement aux appels à la rationalisation des dépenses et à la rigueur budgétaire, les responsables à la tête des différents départements ministériels affichent en cette période leur intérêt à l’égard de certains projets. Ils saisissent également l’occasion pour rappeler le rôle que peuvent jouer leurs secteurs respectifs dans cette quête de l’économie productive.

Un sursaut qui intervient après de longues années de somnolence bercées par l’aisance financière du pays. Le retournement de la situation sur le marché pétrolier a, en effet, réveillé ce vieux réflexe chez nos gouvernants qui parlent d’efforts particuliers à mener en direction des secteurs prioritaires en substitution de la rente. A savoir l’industrie, le tourisme, le bâtiment et l’agriculture, dont les problèmes chroniques n’ont pas été pris en charge en dépit des milliards de dollars dépensés dans les différents programmes.

Ainsi, parallèlement aux coupes budgétaires annoncées çà et là, le temps aujourd’hui est aux grandes annonces portant sur le développement de ces secteurs. C’est le cas plus particulièrement de l’agriculture, dont le taux de croissance a sensiblement baissé cette année. C’est en effet l’agriculture qui a réalisé le taux de croissance le plus bas avec 2,5 % en 2014 (au côté du bâtiment). Ce qui a poussé le taux croissance global hors hydrocarbures vers la baisse. C’est le taux le plus bas depuis 2009, selon l’Office national des statistiques (ONS).

De 21,1% en 2009, ce pourcentage a été divisé par dix en cinq ans pour atteindre 2,5% l’année dernière. Certains expliquent ce résultat par la politique de l’assistanat adoptée par les pouvoirs publics.

«L’assistanat sous toutes ses formes, y compris l’effacement des dettes, a réduit considérablement l’effet d’entreprendre et de produire: tout le monde est gagnant en l’absence de compétitivité», fera remarquer à ce sujet l’expert Mohamed Amokrane NOuad.

Pour ce dernier, qui citera l’exemple de la filière céréalière, «la politique des primes et des quotas a enfoncé le clou en réduisant l’acte d’entreprendre à une aumône et le statut d’entrepreneur à un salarié».

Regain d’intérêt ?

Le ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Sid-Ahmed Ferroukhi, a d’ailleurs réitéré la semaine dernière la volonté du gouvernement de développer davantage le secteur agricole à travers ses différentes filières.

Comment ?

En mettant en place une meilleure organisation mais aussi en exploitant de manière régulière et intensive le foncier agricole.

«L’option privilégiée actuellement par l’Etat est d’arriver à une exploitation permanente et intensive de l’ensemble du foncier agricole, quelle que soit la nature de la concession et de l’activité exercée», a indiqué le ministre dans ce cadre, relevant la nécessité d’apporter des correctifs à certains textes de loi.

Des textes dont certains sont restés sans application. Ce qui a ouvert la voie aux détournements des terres agricoles qui commencent à se raréfier dans plusieurs régions du pays.

D’autres problèmes restent également à régler, comme celui du déficit en main-d’œuvre et l’utilisation des nouvelles techniques d’irrigation.

Concernant le premier point, il faut dire que l’agriculture n’attire plus les jeunes avec des conditions (rémunération entre autres) du milieu agricole qui restent encore très insuffisantes et avec la baisse de l’offre en matière de formation.

Pour le deuxième volet, les investissements pour la mobilisation et l’utilisation rationnelle de ressources en eau sont faibles. De même que les politiques menées dans ce cadre n’ont pas donné des résultats probants, alors que le facteur principal d’augmentation du rendement est l’eau d’irrigation dans un pays aride comme l’Algérie.

Ce ne sera qu’en octobre prochain, à l’occasion du lancement de la campagne agricole 2015/ 2016, que le projet d’irrigation d’un million d’hectares supplémentaires sera lancé, selon le secrétaire général de l’Union nationale des paysans algériens (UNPA), Mohamed Allioui, qui relèvera l’urgence d’entamer un tel projet. A titre de rappel, 88% de ce programme vise les Hauts-Plateaux et le Sud contre 22% pour le Nord.

L’ autre contrainte bloquant le développement agricole est la faiblesse du soutien de l’Etat au secteur. Ce que l’UNPA a soulevé lors de la rencontre avec le Premier ministre la semaine dernière selon le premier responsable de l’Union.

«Nous avons demandé au Premier ministre d’augmenter l’appui de l’Etat à l’agriculture pour lui permettre de jouer un rôle de substitution aux hydrocarbures», nous dira-t-il avant de préciser: «Les aides à l’agriculture ne représentent que 5,10% des aides globales octroyées par l’Etat.»

Activer le conseil supérieur de l’agriculture

Ce niveau d’aide est très faible par rapport à ce qui se fait ailleurs. Dans certains pays, ce taux avoisine les 70%. L’autre difficulté est la gestion de ces soutiens.

«La moitié des montants dégagés pour appuyer l’agriculture ne bénéficient pas aux fellahs, mais plutôt aux entrepreneurs et à d’autres acteurs», regrettera-t-il.

Ce que Abdelatif Benachenhou, ancien ministre des Finances à déjà soulevé dans l’une de ses sorties médiatiques.

«L’argent de l’agriculture ne va pas au secteur. Il va aux commerçants, aux mandataires et aux acteurs de l’informel».

Même pour l’accès aux crédits, les difficultés persistent malgré les différents dispositifs ( Rfig notamment) , et ce, faute de garantie.

«Nous avons demandé au gouvernement de faciliter ce point en acceptant le titre de concessionnaire agricole comme garantie d’accès aux crédits bancaires», nous dira encore M. Allioui, pour qui le gouvernement devrait jouer sur toutes ces questions pour remettre les agriculteurs au travail.

Il s’agit aussi d’appliquer les textes de loi laissés aux oubliettes.

«Les décrets d’application des lois ont toujours fait défaut. Sinon comment expliquer qu’en 18 ans , de 1987 à 2005, un seul décret d’application de la loi 87/19 ait été signé?», s’interroge par ailleurs l’UNPA.

Cette dernière a eu la promesse du gouvernement de faire suivre d’autres décrets. C’est le cas justement pour l’installation du Conseil supérieur de l’agriculture, annoncé en 2010 mais toujours en attente et dont l’UNPA a fait son cheval de bataille. Cette structure jouera un rôle de contrôle, de conseil et d’alerte pour parer à tout imprévu.

La volonté d’activer la création de ce conseil s’explique par l’urgence de faciliter le travail aux agriculteurs, en l’accompagnant notamment auprès des différents ministères et autres instances. Car, faut-il le noter, les agriculteurs sont en relation avec 14 ministères, outre celui de leur secteur. Ce qui est à l’origine de lenteurs bureaucratiques, problème commun à tous les secteurs.





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