Algérie - Hommage

Algérie - Des funérailles populaires pour Lakhdar Bouregaâ: Emotion et hommages unanimes à «l’homme aux deux révolutions»



Algérie - Des funérailles populaires pour Lakhdar Bouregaâ: Emotion et hommages unanimes à «l’homme aux deux révolutions»


«Lakhdar, Allah yerahmou, aura eu droit à des funérailles à la mesure de l’homme humble, proche du peuple, qu’il était. Cela rappelle la ferveur populaire qui a entouré les funérailles de Hocine Aït Ahmed ou encore celles de Amar Ezzahi, où la tristesse était transcendée par une forme de communion mystique, une énergie collective exaltante.

Tous les foyers d’Algérie sont tristes ce soir après ton départ Ammi Lakhdar Bouregaâ, l’homme aux deux révolutions. Tu as combattu pour la patrie, et tu as combattu pour la liberté. Nous ne laisserons pas le flambeau s’éteindre aussi longtemps que nous vivrons. Nous t’en faisons le serment.» Ces mots pleins d’émotion de notre consœur Lynda Abbou postés sur sa page Facebook résument la profonde affliction éprouvée par des millions d’Algériens à l’annonce de la mort de Ammi Lakhdar.

Ils disent aussi ce que représente le vieux maquisard qui, jusqu’à son dernier souffle, aura été de tous les combats, aux côtés de son peuple. Signe des temps: lui qui a résisté farouchement à la machine infernale de l’armée coloniale, aux rigueurs de la vie pénitentiaire sous Boumediène, à l’affront qui lui a été fait au crépuscule de sa vie en le jetant en prison pour avoir bravé le nouvel ordre autoritaire, il a fallu donc que ce soit ce maudit virus qui ait raison de son échine de guerrier indomptable.

Lakhdar Bouregaâ est décédé, rappelle-t-on, le mercredi 4 novembre des suites effectivement d’une infection au nouveau coronavirus. Ils ont été des milliers à converger au cimetière de Sidi Yahia ce jeudi pour les funérailles du commandant Lakhdar Bouregaâ. Ainsi, l’ancien combattant de l’ALN, «qui a dirigé la célèbre compagnie Zoubiria, dans la Wilaya IV, et qui a côtoyé des géants comme Si M’hamed Bougara et Mohamed Bounaâma et tant d’autres», comme le rappelle notre confrère Saïd Djaffar, aura eu droit à un enterrement à son image.

Des funérailles à la mesure de l’homme humble, bienveillant, qu’il était, dans la simplicité et la sincérité de nos enterrements populaires. Même si l’armée a tenu à lui rendre les honneurs qui lui étaient dus, c’est surtout cette image d’une foule compacte enlaçant le cercueil de Ammi Lakhdar, qui frappe les esprits.

Cela nous rappelle la ferveur populaire qui a entouré les funérailles de Hocine Aït Ahmed ou encore celles de Amar Ezzahi. Des scènes invraisemblables où la tristesse était transcendée par une forme de communion mystique, d’énergie exaltante. Il y avait également au cimetière de Sidi Yahia, ce jeudi, quelque chose de l’ordre de la reconnaissance collective, affective, incarnée par cette marée humaine constituée majoritairement de jeunes.

Et même s’il y avait moult figures politiques et militantes à ces obsèques, nous préférons ne citer personne et ne garder que cette image d’une foule aimante, aimantée par le charisme «novembriste» et la bienveillance débonnaire du «Chêne d’El Oumaria» qui, des monts de Médéa et des maquis du Zaccar et de l’Ouarsenis, jusqu’aux laves pétillantes du hirak, était guidé par la même quête de justice et de dignité.

- «Cet homme n’est pas mort»

Les réactions à la disparition de Ammi Lakhdar ont été nombreuses, saluant à l’unisson l’œuvre militante du vieux baroudeur. «Il a vécu, il a combattu, il a milité, il est mort comme un fils de l’Algérie profonde, dans la dignité, le respect et l’amour de ses compatriotes. Par son courage, sa probité sans concession, il est l’honneur et la fierté de notre peuple», écrit Sadek Hadjerès dans une lettre de condoléances adressée à la famille du défunt (voir page 5).

Le FFS – dont feu Lakhdar Bouregaâ a été un des membres fondateurs – a réagi également à travers une déclaration publiée sur les réseaux sociaux où l’on peut lire: «Au lendemain de l’indépendance, outré comme plusieurs militants de la première heure du Mouvement national, du détournement des promesses de la Révolution de Novembre 1954 et de la confiscation de l’indépendance algérienne, il a été avec notre président Hocine Aït Ahmed et d’autres vaillants militants, l’un des fondateurs du FFS en septembre 1963. Ce lien profond qui liait ces deux monuments de la cause nationale s’est traduit par la lecture de la proclamation de la fondation du Front des forces socialistes au même moment, l’un à Tizi Ouzou et l’autre à Médéa.» Fidèle à l’héritage politique de Lakhdar Bouregaâ, le FFS a fait part de sa détermination à «poursuivre son combat pour la liberté et la démocratie» et «pour une Algérie digne, souveraine et heureuse».

Pour Soufiane Djilali, Ammi Lakhdar aura été un homme «qui ne s’est jamais privé de dire ce qu’il pensait être juste, et il accompagnait ses paroles par les actes. Il a gagné ainsi le respect de l’Algérie entière».

Saïd Sadi s’est, lui aussi, fendu d’un bel hommage via son compte Facebook. Sous le titre: «Bouregaâ, un homme du peuple», il écrit: «Sa vie est un condensé de l’histoire récente de notre pays. Paysan écrasé par le joug colonial, il sut faire du combat contre l’injustice une école de la liberté. A l’indépendance, il se rangea naturellement du côté des mouvements se dressant contre l’arbitraire. Avec l’avènement du multipartisme, il fréquenta les acteurs qui préconisaient l’alternative démocratique. A la fin de sa vie, il dut affronter à titre personnel ce que le peuple subissait en tant qu’entité collective : l’humiliation.»

Notons, enfin, cette réaction d’indignation de Karim Tabbou qui s’exprimait dans une vidéo réalisée par nos confrères du site Interlignes Algérie au cimetière de Sidi Yahia. «Vous n’avez pas honte ! Vous l’avez jeté en prison, et aujourd’hui, vous vous répandez en messages de condoléances. Cet homme n’a pas besoin de vos messages de contrition. Cet homme, le peuple l’a hissé aux plus hautes cimes du respect», martèle le porte-parole de l’UDS. Ammi Lakhdar, estime-t-il, est «un symbole de dignité» qui a «laissé un riche capital militant».

Pour Karim Tabbou, «la meilleure marque de reconnaissance et de considération qu’on doit à Lakhdar Bouregaâ est de poursuivre la lutte pour la démocratie et les libertés». «Cet homme, insiste-t-il, n’est pas mort parce que ses idées restent enracinées dans l’esprit et dans le combat du peuple algérien tout entier.»


Mustapha Benfodil
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