Algérie - Météo, Climatologie et phénomènes naturels

Algérie - Dans le Djurdjura, le pin d’Alep gagne du terrain au détriment du chêne vert



Algérie - Dans le Djurdjura, le pin d’Alep gagne du terrain au détriment du chêne vert


Les conséquences du réchauffement climatique commencent à se faire sentir en haute montagne, notamment en Kabylie. L’un des indicateurs majeurs de ce changement demeure la montée du pin d’Alep en altitude, et ce, au détriment du chêne vert. De l’avis des spécialistes ayant constaté directement sur le terrain, ce phénomène d’enrésinement risque même de concurrencer le cèdre de l’Atlas. Cet arbre, considéré comme étant en danger par l’Union internationale pour la conservation de la nature ainsi que le chêne vert ont d’ailleurs du mal à se régénérer dans cette zone.

Les changements climatiques pèsent très lourd sur le devenir de la biodiversité au Parc national du Djurdjura. Les responsables de cette aire protégée parlent du phénomène d’enrésinement en basse altitude.

C’est quoi au juste ?

«Les arbres sont couramment regroupés en deux grands ensembles: les feuillus d’un côté et les conifères ou résineux de l’autre (…) La plupart des conifères possèdent des cellules sécrétrices de résine, dans leur écorce, leurs feuilles ou leur bois, d’où l’appellation courante de résineux», selon la définition du site Actu Environnement.Com.

Au Djurdjura, un phénomène l’enrésinement a été constaté sur les basses altitudes. Le pin d’Alep, qui est une essence forestière à forte plasticité écologique, gagne du terrain au détriment du chêne vert.

«Avec l’accroissement des températures, le pin d’Alep monte en altitude et risque même de concurrencer le cèdre de l’Atlas qui est une espèce phare et emblématique du Djurdjura», constate Ahmed Alileche, chargé de la cellule de communication au Parc national du Djurdjura (PND).

«Et le comble du paradoxe, c’est que ces espèces fétiches éprouvent du mal à se régénérer», regrette ce conservateur principal des forêts au PND.

Les espèces en question sont le pin noir et le cèdre de l’Atlas.

«Leur régénération est vraiment capricieuse. Les semis n’arrivent pas à passer le cap de l’été où les températures dépassent de loin celles habituelles, notamment avec l’irrégularité des précipitations», fait remarquer M. Alileche.

Le phénomène du réchauffement climatique touche bel et bien les hautes montagnes. Un autre indicateur qui témoigne du changement de température est l’apparition du canard colvert au lac Goulmim, situé à 1.700 m d’altitude.

«Au lac Goulmim, ces dernières années, des couples de canard colvert ont fait leur apparition, ce qui témoigne du réchauffement des eaux de ce lac», alerte le conservateur principal des forêts au PND.

Et de prévenir: «Avec la baisse considérable de la quantité de neige dans le Djurdjura, il y a fort à parier que des espèces hydrophiles et hygrophiles risquent de disparaître à jamais ou d’être cantonnées dans des micro-zones, ce qui va probablement engendrer un endémisme local.»

Le changement climatique ayant comme indice une élévation de température, «multiplie le risque d’incendies avec l’accroissement de la combustibilité du comburant. Ceci réduira sans doute la superficie forestière au Djurdjura et son corollaire la régression de la richesse de la biodiversité. Il est urgent de tirer la sonnette d’alarme sur cet écosystème fragile très vulnérable au réchauffement climatique», se persuade notre interlocuteur, jugeant insuffisantes les mesures préconisées jusque-là pour la protection de cette réserve de biosphère mondiale.

Il faut rappeler qu’une étude a été menée en 2014, au Parc national du Djurdjura en partenariat avec le CEPF (le Fonds de partenariat pour les écosystèmes critiques) sur le Djurdjura comme zoneclé pour la biodiversité.

«Malheureusement, face à toutes ces menaces qui pèsent sur cette aire protégée, en particulier le changement climatique, les mesures préconisées demeurent de loin insuffisantes», affirme ce responsable de la communication au PND.

. Le Djurdjura, une zone d’endémisme à préserver

Depuis 2011, un nouveau point chaud de biodiversité a été identifié. Il s’agit de l’ensemble «Kabylie – Numidie – Kroumirie» qui forme un Hotspot régional.

«Au Parc national de Djurdjura (PND), nous avons des espèces mascottes qui sont de surcroît endémiques, c’est le cas du pin noir de Maurétanie (Pinus nigra var mauretanica), du genévrier sabine (Juneperus sabina) et de quelques autres espèces comme le Romulea battandieri», recense Ahmed Alileche, conservateur principal au PND.

Le Parc national du Djurdjura se caractérise par son niveau d’endémisme qui lui vaut la distinction d’un centre d’endémisme. Ce fort taux d’endémisme, rencontré au Djurdjura, trouve son explication dans sa position géographique et son substrat géologique. Ces deux éléments sont les origines de l’endémisme en montagne et qui font de ce relief surélevé des «îles» continentales.

«C’est pourquoi, le PND est une zone de haute priorité de conservation et des mesures de conservation s’imposent. Signalons que, dans l’optique de protéger les espèces menacées de disparition, des stations à pin noir et à genévrier sabine ont été créées et des mesures de protection ont été renforcées», révèle ce conservateur des forêts.

Cet agronome préconise également «le maintien des connectivités biologiques, notamment en favorisant la persistance des corridors (ripisylves, haies), mais aussi des habitats naturels isolés».

Selon ce spécialiste, ces habitats «peuvent être des territoires-relais de premier ordre lors des migrations de végétaux dispersés par divers moyens de dispersion». Notre interlocuteur mise aussi sur le volet recherche.

«Le développement de recherches en biologie des populations, notamment pour les espèces vulnérables, endémiques ou rares et la conservation des populations en limite d’aire biogéographique», considère-t-il.

Faut-il noter que, l’identification précise de la localisation des zones refuges méditerranéennes constitue une priorité en conservation biogéographique. A ce titre, «comprendre des processus de réponse des végétaux (extinction, migration ou persistance) face aux changements globaux du passé, afin de mieux estimer ceux du futur est une nécessité incontournable», suggère M. Almileche, insistant sur «la protection des espaces (habitats remarquables), qui permettraient la préservation de zones uniques comme les centres d’endémisme, incluant des espèces endémiques et/ou relictuelles et des zones refuges, et les corridors d’habitat garants des connectivités biologiques».

. Le Djurdjura comme zone refuge

Classé parmi les 52 refuges péri-méditerranéens, le Djurdjura est considéré comme zone refuse. D’ailleurs, la Kabylie du Djurdjura a été privilégiée sur le plan de la biodiversité, plus spécialement sur les plans floristique et écosystémique.

«C’est l’une des rares régions en Algérie qui possède deux catalogues sur sa flore phanérogamique. Le Pin noir (Pinus nigra Ssp mauretanica var clusiana) est une espèce relique et endémique stricte au Djurdjura. Il se trouve à l’état naturel en trois stations situées à la zone centrale. La consistance des trois stations n’excède pas les 500 sujets tous stades de développement confondus.»

Pour rappel, parmi les espèces protégées par le décret exécutif n° 93-285 du 23/11/1993 fixant la liste des espèces végétales non cultivées et protégées, 37 se trouvent au PND. Les plantes protégées au Djurdjura représentent 16,8% de végétaux qui figurent sur la liste rouge nationale. Le PND fait partie du 11e point chaud (hotspot) régional de biodiversité.

Par ailleurs, en Algérie, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et l’Agence nationale pour la conservation de la nature (ANN), «ne signalent que 168 endémiques spécifiques de l’Algérie. On peut citer, à juste titre, le sapin de Numidie (Abies numidica), dont le statut est en danger critique d’extinction, l’Arabis doumetii (Djurdjura), l’Avena macrostachya (Djurdjura et Aurès) et le cyprès du Tassili ‘Ajjer (Cupressus dupreziana) qui est en danger d’extinction», cite M. Alileche.

Les sites les plus remarquables pour l’endémisme en Algérie sont la côte oranaise et la Kabylie.


Photo: Pin noir au Djurdjura

Par Djedjiga Rahmani
environnement@elwatan.com
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